Les quatre défis de Québec Forte et Fière

Bruno Marchand et des candidatsLe chef de Québec Forte et Fière et candidat à la mairie Bruno Marchand, entouré de quelques-uns de ses candidats, lors d'un point de presse le 14 septembre dernier. Photo : Courtoisie

S’il est trop tôt, à l’aube du déclenchement des élections, pour dire que Bruno Marchand a réussi son entrée sur la scène municipale, on peut au moins déjà constater qu’il ne l’a pas ratée. Le 7 novembre, le sort de Québec Forte et Fière dépendra de sa capacité à relever quatre défis. 

Par Gabriel Côté

Rien n’est plus difficile à juger que ce qui est nouveau, hormis peut-être ce à quoi on est depuis longtemps habitué.

C’est pourquoi on a tant de peine à examiner lucidement ce que sera l’héritage de Régis Labeaume, – ne lit-on pas un peu partout ce lieu commun : « c’est un homme qui aimait profondément sa ville » ? – et c’est pourquoi aussi il est si difficile de prévoir le destin politique de Bruno Marchand et de son parti.

À son entrée en scène, on a vu l’ancien PDG de Centraide demeurer très prudent dans ses propos à l’endroit de son prédécesseur. Cela ne l’a pas empêché, dès le premier jour, de s’efforcer de de distinguer de Régis Labeaume, en faisant valoir l’importance d’un « nouveau leadership » pour Québec, et d’un « changement de ton » sur la rue des Jardins. 

De fait, il n’y avait alors nul besoin de signaler avec plus d’emphase la différence entre les deux hommes, et M. Marchand a sans doute bien fait de laisser parler sa manière de se comporter, plutôt que de s’évertuer à se décrire et à se distinguer des autres en parole. 

Mais à mesure que les jours passent et que le chef de Québec Forte et Fière se fait plus audacieux, il me semble que cette différence – jadis si évidente ! – tend peu à peu à s’amenuiser ; et peu à peu j’ai l’impression qu’on découvre sinon des points communs, au moins des points de comparaison entre celui qui fut le maire des dernières années et celui qui aspire à l’être pour l’avenir. 

À mon sens, il s’agit là de quelque chose d’important, car il se pourrait bien en effet que le résultat des élections dépende non seulement des perceptions que l’électorat a des différents chefs, mais aussi du sentiment des électeurs par rapport à Régis Labeaume, dont l’ombre planera assurément sur toute la campagne. 

1 – Montrer qu’il a de la poigne

On ne reproche quasiment jamais à Régis Labeaume de n’être pas assez ferme, et s’il pèche, diront certains, c’est parfois de l’autre côté. Dans le même esprit, on ne loue que rarement les dirigeants pour leur douceur, quoiqu’on nous dise par ailleurs. 

Il y a quelques mois, Bruno Marchand passait justement dans la tête de plusieurs pour un doux, c’est-à-dire pour un gars qui est bien gentil et qui peut bien s’occuper de Centraide si ça lui chante, mais qui ne devrait pas venir s’occuper de politique municipale. Un maire, n’est-ce pas, doit être en mesure de tenir tête aux autres paliers de gouvernements, et de négocier – durement s’il le faut – avec les cols bleus, les entreprises privées, etc. 

Mais dans les dernières semaines, on a pu voir un Bruno Marchand plus offensif et plus incisif, un chef qui a moins peur de critiquer ouvertement l’administration Labeaume, et de lancer des attaques en direction de Marie-Josée Savard. À de rares instants, en point de presse, on peut aussi observer son regard, généralement bienveillant, se durcir, et l’espace d’une seconde, il arrive que son sourire, qui est le plus souvent naturel, prenne l’aspect d’un rictus. 

C’est ce qui me fait penser qu’il a quelque chose de Régis Labeaume – ce qui n’est ni une critique, ni un éloge, et tout au plus un constat. En effet, de loin, j’ai l’impression que les deux hommes ont un peu le même attrait. J’ai le souvenir qu’on courait autrefois après Régis Labeaume pour lui parler, et je ne serais pas surpris que ce soit encore le cas. De même, quand on le croise, on a envie de parler avec Bruno Marchand. Mais derrière les regards bienveillants, on devine une volonté ferme qui est certes rassurante, mais qui peut être effrayante.

Mais ces vagues impressions n’intéressent guère le lecteur, et je reviens à mon propos.

2 – Rencontrer le plus de gens possible 

S’il espère l’emporter, Bruno Marchand devra serrer beaucoup de mains, ou plutôt donner beaucoup de petits coups de coude, comme plusieurs le font ces jours-ci. Si trop peu de gens se présentent aux urnes – ce qui est la règle plutôt que l’exception lors des scrutins municipaux – les partis qui font la promotion d’un changement sont généralement désavantagés. 

Il est trop tôt pour dire si le peu de passion soulevée par la campagne fédérale est l’avant-goût d’une course monotone au municipal, ou si au contraire cela présage une tout autre tournure des évènements. Toutefois, il est remarquable que certains des enjeux qui ont eu de l’attention à Québec pendant la campagne fédérale touchent précisément à des dossiers qui ne sont pas complètement étrangers au palier municipal – ce qui pourrait laisser entrevoir plus d’engouement pour la course à la mairie. 

Tout ça pour dire qu’il incombe à Bruno Marchand de donner envie aux gens d’aller voter, d’impliquer les citoyens dans la campagne électorale. Pour ce faire, il n’y a pas 10 000 solutions : il faut aller à leur rencontre. Et plus que de leur dire qu’un changement est important, il faut incarner une façon différente de faire les choses, pour donner aux citoyens le goût d’un changement. Ce genre de désir est mieux stimulé par des insinuations que par des remarques explicites, lesquelles risquent de rompre le charme.     

3 – Capitaliser sur la discrétion des autres partis dans certains districts

Dans la même lignée, d’autres partis ont fait le pari d’être discret pendant l’été, pour éviter de mêler ou de déranger les électeurs, sachant qu’un scrutin fédéral allait avoir lieu au début de l’automne. 

En particulier, Québec 21 et Équipe Marie-Josée Savard ont pris leur temps pour annoncer leurs candidats dans l’arrondissement de Charlesbourg, qui sera assurément à surveiller cet automne. Au contraire, Québec Forte et Fière a présenté ses candidats dans ce secteur très tôt, et ceux-ci ont passé l’été « sur le terrain ». 

Ce n’est pas un hasard si personne de l’administration actuelle ne se représente à Charlesbourg – quand on s’y promène et qu’on tend quelque peu l’oreille, on a l’impression que les gens en ont soupé. Bien des citoyens de coin sont ou bien indifférent aux enjeux municipaux – ils ne se sentent pas concernés – ou bien en colère parce qu’ils se sentent laissés de côté. Contrairement à d’autres secteurs de la ville, il y a peu de revendication citoyenne à Charlesbourg. Mais le silence n’est pas toujours synonyme d’approbation. 

La course sera assurément serrée dans ces districts, comme dans ceux des arrondissements de Sainte-Foy – Sillery – Cap-Rouge et des Rivières. A priori, c’est dans ces secteurs que Québec Forte et Fière aurait le plus de chances de faire élire des conseillers.

Une percée au centre-ville est moins probable, mais pas impossible du tout. Les efforts de ce côté devraient être mobilisés pour protéger le siège de Pierre-Luc Lachance, dans le district de Saint-Roch – Saint-Sauveur. À vue de nez, le district de Montcalm – Saint-Sacrement semble lui aussi prenable.

4 – Faire sentir le besoin d’un renouveau à la Ville

Bref, si l’on se place dans la perspective de Québec Forte et Fière, les choses se présentent à peu près ainsi. L’élection qui s’en vient est particulière, car les électeurs n’auront pas à se prononcer sur un bilan, et aucun enjeu ne semble être assez polarisant pour s’ériger, à l’heure actuelle, en question de l’urne. Ils auront le choix entre la nouveauté et ce qui leur est familier. Or, rien n’est plus difficile à briser que les habitudes, qui sont comme le vase qui tient ensemble nos manières de penser et d’agir – ce qui semblerait favoriser Marie-Josée Savard. Mais Régis Labeaume s’en va, et le vase est fissuré – ce qui peut favoriser Bruno Marchand, Jean-François Gosselin ou peut-être Jean Rousseau. 

Toute la question est donc de savoir si ce vase fragilisé tiendra le coup jusqu’au vote, ou bien s’il éclatera tout à fait un peu avant, laissant à un nouveau maire la tâche difficile de construire sur le ruines de l’ancienne administration.    

Lisez les défis de Québec 21, d’Équipe Marie-Josée Savard et de Démocratie Québec

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