Les quatre défis d’Équipe Marie-Josée Savard

Marie-Josée SavardLa nouvelle directrice générale de l'École des Ursulines de Québec et Loretteville, Marie-Josée Savard. Photo : Gabriel Côté

On pourrait croire que le « capital politique » accumulé par Régis Labeaume au fil des ans suffira pour reporter ce qu’il reste de son équipe au pouvoir. Mais la route vers la mairie est loin d’être pavée pour Marie-Josée Savard. Quatre défis se dressent sur son chemin.

Par Gabriel Côté 

Dans une course à relais, ce n’est pas toujours l’équipe qui comporte les coureurs les plus rapides qui l’emporte; une erreur ou une imprécision, même minime, dans le passage du témoin peut réduire à néant toutes les dures heures passées à s’entraîner dans l’ombre, et contraindre d’orgueilleux athlètes à applaudir ceux qui se tiennent à leur place sur la première marche du podium.

De même, en politique, la tâche qui incombe à ceux qui succèdent à des chefs forts est peut-être l’une des plus difficile qui soit. Car s’ils peuvent être poussés vers le haut par l’élan inarrêtable de leur prédécesseur, il arrive souvent aussi que les seconds soient retenus par le poids d’un héritage trop lourd à porter. Qu’en sera-t-il pour Marie-Josée Savard? Voici quelques obstacles qu’elle aura à surmonter si elle espère remplacer Régis Labeaume à la tête de Québec.

1 – Se positionner clairement… notamment par rapport à Régis Labeaume

Dans les rangs d’Équipe Marie-Josée Savard, on semble très conscient qu’il ne suffira pas d’être la successeur désignée de M. Labeaume pour conserver la mairie. Ainsi martèle-t-on depuis déjà plusieurs mois que ce qu’offre cette « nouvelle » équipe, c’est à la fois la continuité de ce qui se fait en ce moment même à Québec, mais que Mme Savard est bien différente de celui qui l’a convaincue de faire de la politique, dans sa façon d’approcher et de faire les choses. Sans la langue de bois : Marie-Josée Savard est plus parlable que Régis Labeaume avec ceux qui ne sont pas de son avis.

Autrement dit, nous aurions devant nous le même « contenu », mais dans des pots différents. Il se pourrait que ce soit là une excellente stratégie, car il est vrai que le maire de Québec est encore très populaire aujourd’hui. Mais est-il bien certain qu’il tienne sa popularité de sa « vision des choses » ? Ne la tiendrait-il pas précisément de sa manière de faire les choses, de parler, et même de s’emporter à l’occasion ?

Si c’est le cas – et, à n’en point douter, ce l’est – il faudra que Marie-Josée Savard trouve une façon de mettre son empreinte personnelle (on dirait dans certains milieux : son spin) aux dossiers de la Ville, et donc nécessairement qu’elle se décolle doucement de l’admiration qu’elle voue à son prédécesseur. En d’autres termes, elle doit développer, si cela est possible, un style personnel et reconnaissable, ce sans quoi il manque aux idées le souffle vital qui les rend attrayantes. Or, on sent en ce moment qu’elle se cherche encore un peu à ce niveau.

Plus concrètement, elle devra savoir profiter de la faveur dont jouit Régis Labeaume dans certains secteurs de la Ville, tout en se présentant comme quelqu’un de différent là où ce dernier est moins estimé, du moins si elle souhaite préserver tous les acquis de son parti. Sinon, elle pourrait aussi faire le choix stratégique de jouer à fond la « carte Labeaume », et s’aliéner ainsi en toute conscience de cause une partie de l’électorat pour s’assurer de garder la mainmise sur une autre. Mme Savard est bien entourée et bien conseillée – il sera intéressant de voir quelle voie sera privilégiée.  

2 – Profiter du contexte

Le taux de participation aux élections municipales est toujours relativement bas. On peut supposer qu’à moins d’un évènement extraordinaire, ce sera le cas cette année, surtout si l’on considère que celles-ci ne suivront que de quelques semaines les élections fédérales.

Or, une faible participation tourne plus souvent qu’autrement à l’avantage du parti au pouvoir. Cela est facile à comprendre : on ne sent pas le besoin d’aller voter si on ne veut pas que les choses changent.

Ce facteur indique peut-être l’une des raisons pour lesquelles l’Équipe Marie-Josée Savard se contente pour l’heure d’une campagne toute en discrétion. C’est aux autres partis en effet de convaincre les gens qu’un changement est souhaitable, voire nécessaire.

Mais la discrétion a ses limites, et il faudra tôt ou tard se porter à la défense de l’héritage de Régis Labeaume, de crainte que la quantité de coups qu’on lui porte de part et d’autre ne l’abiment peu à peu ou ne le brisent tout à fait dans l’esprit des électeurs.

3 – Tenir le coup en banlieue

À l’élection de 2017, Équipe Labeaume a résisté à un mouvement de protestation dans plusieurs arrondissements de la couronne nord de Québec. Le risque est grand que quatre années plus tard, ce sentiment, comme tous ceux qu’on s’efforce de contenir, ait gagné en importance. Et avec la multiplication des partis municipaux, il est difficile de prévoir comment se répartira le vote dans plusieurs districts. Pour s’accrocher à la mairie, il est important pour Marie-Josée Savard d’avoir de solides appuis non seulement au centre-ville, mais aussi à Beauport, à Charlesbourg et à la Haute-Saint-Charles.

À cet égard, le « renouveau » de sa formation politique pourrait s’avérer un avantage. Les nouveaux venus insuffleront de nouvelles idées et une nouvelle énergie au parti, ce qui lui évitera possiblement de trop souffrir de l’essoufflement dont pâtissent toujours les groupes qui exercent longtemps le pouvoir. Le recrutement de certains candidats – dont l’ancien bras droit d’Yvon Bussières, Maxime Gravel-Renaud, dans Montcalm Saint-Sacrement et l’enthousiaste Émilie Robitaille dans Loretteville-Les Châtels – rendra aussi plus difficile aux adversaires de Mme Savard de targuer son parti de consanguinité : ce n’est plus vraiment « la même petite gang ».

4 – Montrer qu’elle est compétente

Même si elle est vice-présidente du comité exécutif de la Ville, Marie-Josée Savard demeure pour plusieurs personnes une inconnue. Le simple fait de rappeler son expérience comme élue municipale ne sera peut-être pas suffisant pour convaincre les électeurs qu’elle a ce qu’il faut pour diriger la ville – bien des gens en effet n’ont aucun problème à s’imaginer que des élus municipaux puissent être de parfaits incompétents, que ce soit à tort ou à raison. De surcroît, l’argument qui veut que son expérience l’ait conduite à « savoir comment les choses se passe à la Ville », contrairement à certains de ses adversaires moins expérimentés à ce niveau, n’est bon que pour convaincre ceux qui, par manque d’imagination, n’ont jamais pensé que les « choses » peuvent être faites autrement.

Enfin, ses années d’expérience pourraient être un couteau à double-tranchant ; car si elle a une bonne connaissance des dossiers et qu’elle peut se vanter d’en avoir mener plusieurs à bon port, on lui pardonnera peut-être moins facilement ses erreurs qu’on les pardonnerait à d’autres.

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L’ambiance est bien différente, mais la position de Marie-Josée Savard rappelle un peu celle d’Ann Bourget à l’élection de 2007. Après le décès de la mairesse Boucher, tout le monde croyait qu’elle était la candidate ayant le plus de chances de remporter la mairie, et les sondages lui étaient largement favorable en début de campagne électorale. Bien sûr, il y a d’importantes différences, Ann Bourget n’ayant pas été désignée par Andrée Boucher comme celle qui devait lui succéder – les deux femmes étaient des adversaires politiques. Mais elle aussi en était à sa première campagne pour la mairie ; elle aussi connaissait bien le fonctionnement de la « chose municipale », étant élue depuis longtemps ; et elle aussi pouvait compter sur l’appui d’une machine bien huilée, celle du Renouveau Municipal, le parti de l’ancien maire Jean-Paul L’Allier.

Le destin malheureux de Mme Bourget est l’exemple même de la difficulté qu’il y a à commencer une campagne « avec une cible dans le dos ». Le destin de Marie-Josée Savard dépendra en grande partie de sa capacité à organiser une défense bien assurée. Et comme l’a démontré son mentor à plusieurs occasions, il n’y a peut-être pas de meilleure défense que de passer à l’attaque.

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