La travailleuse culturelle Juliette Bernatchez mijote un premier recueil de poésie

Juliette BernatchezJuliette Bernatchez, travailleuse culturelle autonome et auteure de la relève. Photo courtoisie.

Juliette Bernatchez, travailleuse culturelle autonome et auteure de la relève, oeuvre dans le milieu littéraire depuis 2018 et est notamment connue pour son implication à la direction du Mois de la poésie durant trois années consécutives.

De nouveaux projets se présentent maintenant à elle avec CONTOURS et Rhizome. Elle s’est aussi mise plus sérieusement à l’écriture cette année et participera au Cabaret Spoken word ce jeudi 24 mars à la Maison de la littérature.

Une implication inspirée par des études en littérature féminine

Juliette a étudié en littérature et possède une maitrise en littérature des femmes. Elle a analysé le parcours de l’engagement littéraire d’une femme de lettres québécoise dans les années 60, Claire Martin.

« J’analysais comment l’engagement féminin devait être vu sous d’autres critères que l’engagement masculin durant la Révolution tranquille », poursuit Juliette.

Elle raconte par ailleurs qu’elle a décidé de quitter le monde académique pour se lancer dans le milieu culturel et l’évènementiel après des expériences à l’université qui lui ont plu.

« Je me suis rendu compte qu’il y avait de la place pour l’évènementiel littéraire à Québec alors j’ai décidé de m’en aller là-dedans, et ça marche ! », lance Juliette.

Sa recherche sur Claire Martin n’y est certainement pas pour rien dans sa volonté de s’impliquer dans le milieu concret et actuel de la culture. Elle ajoute d’ailleurs qu’elle a une aisance à « aller à la rencontre de personnes qui sont marginalisées ou qui ont un statut marginal ».

« Dans l’évènementiel, si j’ai un line-up à faire, c’est certain qu’il va avoir majoritairement des femmes et des personnes de la diversité culturelle et de genres parce que c’est important pour moi », continue Juliette.

Devenir travailleuse culturelle lui a permis de déployer son désir de « mettre les autres de l’avant », à l’image de sa recherche en littérature pour mettre de l’avant Claire Martin.

Codirectrice au Mois de la poésie

Après sa maitrise, Juliette cherchait un emploi créatif pour faire la transition de l’école au marché du travail. Elle a donc commencé à travailler à la diffusion en tant que codirectrice du Mois de la poésie.

Elle a décidé de poursuivre son parcours pour pouvoir créer avec le désir de non seulement diffuser, mais aussi de produire. C’est ce qu’elle fait actuellement avec Vanessa Bell en direction partagée à CONTOURS.

« On avait tellement de choses dans notre tête qu’on voulait mettre en action, souligne Juliette. Aussi, pour que le public voit de nouvelles choses, il faut laisser le flambeau. Il va avoir une nouvelle édition en mai et elle va avoir une couleur différente. »

Cette expérience au Mois de la poésie lui a selon elle « tout appris » de son métier.

CONTOURS et son implication auprès des femmes à la YWCA

CONTOURS est un organisme en production et diffusion d’initiative littéraire qui vient de célébrer sa première année. Juliette explique que dernièrement, avec Vanessa Bell, elles ont commencé à faire des activités avec des personnes marginalisées. Grâce à une subvention de Catherine Dorion venant de son budget discrétionnaire, elles ont pu débuter un projet d’ateliers de poésie à la YWCA avec des femmes.

« Avec leur vécu qui dialogue avec le mien et le nôtre, c’est tellement porteur », soutient-elle. Elle ajoute qu’elle envisage d’ailleurs s’investir davantage dans le milieu communautaire.

« Je sens qu’il y a beaucoup de choses à faire, affirme Juliette. La poésie c’est très intime. Tu pars de ton vécu, tu n’as pas de règles claires, tu n’as pas besoin d’avoir un fil narratif, c’est bref, donc tu n’as pas besoin de beaucoup de mots pour faire ressentir quelque chose. C’est tellement facile d’aller à la rencontre des autres avec ce genre. Avec les femmes de la YWCA, j’ai été surprise à quel point c’était bon ce qu’elles écrivaient. Ça vient des tripes. C’est rythmé et elles ont tellement à dire. »

Elle raconte que les femmes elles-mêmes étaient surprises du bien que l’écriture de poèmes peut faire, soit « d’écrire ce qu’elles sentent et que ça ne leur appartiennent plus ».

Juliette croit donc qu’il peut y avoir une dimension thérapeutique à la poésie ou du moins, qu’elle rend possible une introspection. Son rôle plus précisément à la YWCA est d’animer et d’inviter des auteures pour qu’elles parlent de leur démarche et organisent un atelier.

« C’était bien pour les femmes de faire de nouvelles rencontres, ajoute-t-elle. On leur a aussi donné une pile de recueils de poésie. Bientôt, des musiciennes vont venir pour créer des chansons à partir de leurs textes. On va faire un petit EP à la fin. Ce qui est l’fun avec ça, c’est que c’est concret. »

CONTOURSBALADO : un podcast pour les initiés

Le podcast de CONTOURS a vu le jour à l’été 2021. « Dans nos mandats, et c’est mon côté universitaire, on a un souci d’historiciser les démarches, affirme Juliette. On aime faire de longues entrevues et aller en profondeur. On veut aussi tout archiver et conserver pour le futur. »

Elle ajoute qu’elles ont tout de même avec Vanessa Bell le souci de vulgariser et de toucher le grand public, bien que ce ne soit pas leur principal objectif.

« On veut que les artistes parlent comme ils parlent habituellement, continue Juliette. Leur démarche est quand même intellectuelle. On voulait garder cette essence, mais si on avait un invité plus grand public, ça se sentirait. Mais ça reste quand même niché, c’est pas accessible à tous. Notre travail de vulgarisation est ailleurs dans notre démarche. » 

Une deuxième saison est d’ailleurs prévu en partenariat avec une chaire de recherche à l’UQAM. Juliette précise qu’elle désire garder un pied dans le milieu universitaire.

« C’est toujours un domaine qui m’intéresse, affirme-t-elle. Je ne pense pas y être étrangère même en ayant terminé ma maitrise. Ce que j’aime aussi dans l’idée du balado plus niché, c’est qu’on fait énormément de recherches. »

Juliette étant aussi responsable des communications pour Rhizome, « un générateur de projets interdisciplinaires dont le cœur est littéraire », elle peut y exercer sa passion pour la recherche. « On a un gros projet de mettre des auteurs et auteures québécoises dans Wikipédia et c’est un gros travail de base de données, précise-t-elle. J’aime ça. Ça a toujours fait partie de moi. »

Juliette : poète de l’histoire féminine et de la sienne

Juliette explique qu’elle a longtemps repoussé le moment de l’écriture personnelle et de la création littéraire, mais qu’elle a décidé de faire le saut en 2022.

« Pour ma maitrise, j’étais comme ça aussi, j’avais vraiment besoin de l’espace mental pour écrire, remarque-t-elle. J’écris surtout de la poésie, mais aussi de l’auto-fiction/essai. C’est des fragments qui sont plus une réflexion sur soi et qui amène une réflexion sur le monde. »

Certains thèmes, qui sont en continuité avec sa maitrise sur Claire Martin, l’habitent quotidiennement. « C’est par rapport aux générations de femmes qui ont passé avant moi et mon rapport à moi et aux autres, explique Juliette. C’est vraiment réflexif par rapport à ce que ces femmes ont fait et moi ce que je fais et c’est un peu dans l’imposture, dans la recherche de qui je suis. » 

Elle ajoute qu’elle aime lire des auteurs qui se questionnent sur eux-mêmes et ce pourquoi ils écrivent, « pourquoi ils font les choses comme ils les font ».

« On est jamais figé, on évolue toujours, lance Juliette. C’est ce que j’aime. J’ai l’impression d’être un peu scientifique ; si quelqu’un découvre quelque chose que j’ai découvert, je serai contente pour la science. Je trouve intéressant de comparer ma pratique à celle des autres. Je suis une grande lectrice aussi. »

Écrire un recueil de poésie est pour Juliette un projet qu’elle espère mener sur le long terme. Elle y parlera de « sa filiation avec les femmes qui l’entourent et celles qu’elle connait » à la fois pour leur rendre hommage et réfléchir sur elle-même.

« Ça se passe dans un univers dystopique, comme si on était toutes ensembles dans le même lieu, précise-t-elle. C’est important pour moi parce que je le vois cet espace dans ma tête quand j’écris. C’est une métaphore sur les femmes qui m’ont construite et me construisent, autant des femmes de lettres que des amies. Je les mets sur un pied d’égalité. »

Le mystère de l’inspiration

Juliette raconte qu’elle écrit depuis longtemps, mais avait l’impression de n’avoir rien à dire. « Un moment donné, tu ne cherches plus quoi dire, tu as quelque chose à dire, poursuit-elle. Ça advient. Il y a comme un moteur qui s’enclenche et tu comprends ce que tu veux dire. » 

À savoir si c’est parce qu’elle a fait des expériences ou a un vécu plus riche qu’elle a maintenant des choses à dire, Juliette l’ignore.

« Peut-être, doute-t-elle. Mais c’est mystérieux. C’est arrivé comme ça. Dans le grand monde de l’écriture, peut-être que ça ne veut rien dire ce que j’écris. Reste qu’on écrit pour faire sortir des choses de soi. » 

Juliette espère tout de même, même si ce n’est pas à tout prix, que son recueil soit publié et lu. « Même si je suis dans un milieu où on essaie de sortir des règles du milieu littéraire, il y a des choses qui restent, conclut-elle. Le livre papier, c’est la consécration. Ça reste symbolique. »

Elle reconnait ainsi que le désir de la publication ou de la matérialisation de l’oeuvre est peut-être aussi ce qui donne une flamme supplémentaire à l’écrivain et le pousse à écrire.

« Je ne sais pas si j’écris pour les bonnes raisons, mais je vais écrire quand même », termine avec poésie Juliette.

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