Chronique : Toxi-cité

david lemelinDavid Lemelin (Photo : Courtoisie)

Par David Lemelin

Climat toxique à l’hôtel de ville de Québec, bousculades, la mairesse le Gatineau qui démissionne, insultes, menaces de mort…

La vie semble impossible pour les élus municipaux, expliquant dans une large mesure le fait que, depuis les dernières élections municipales au Québec, sur 8000 élus, près de 800 ont quitté leurs fonctions.

Le constat fait mal : un élu sur 10 ne se rendra pas au bout de son mandat, ayant été poussé à bout par ce qu’on impose au monde municipal.

Ça ne va pas du tout et il n’est pas envisageable de s’asseoir sur nos mains.

Au cours des derniers jours, la conseillère municipale de l’opposition, Alicia Despins, est sortie publiquement pour dénoncer ce climat malsain et s’est même adressée à la Commission municipale pour dénoncer l’inaction du chef de cabinet du maire Marchand, Clément Laberge.

Et puis, le conseiller municipal de l’opposition, Stevens Mélançon, a relaté une altercation verbale et physique survenue avec Steeve Verret, de l’équipe du maire. Il s’est fait « chester », imaginez-vous…

Ça n’a aucun sens.

Depuis, c’est la cascade d’articles dans les journaux pour dépeindre le climat municipal et déplorer les départs de celle-ci ou de celui-là.

Pourquoi en sommes-nous là?

La partie évidente de la réponse : la parole débridée sur les réseaux sociaux.

Ça peut sembler anodin, mais recevoir des courriels haineux, injurieux, voire des menaces, tous les jours… ça finit par peser. Plusieurs craquent, avec raison.

Le relatif anonymat des réseaux sociaux est un effet extrêmement pervers de cette liberté. Les gens se permettent de dire des choses qu’ils n’oseraient pas dire, les yeux dans les yeux.

Contre cela, il y a fort à faire : éducation populaire, sensibilisation, mécanismes pour contrôler les débordements, etc.

Évidemment, le petit monde médiatique a sa part de responsabilités dans cette situation. Plusieurs médias ont l’embauche de grandes gueules assez facile, ce qui remplit les colonnes de commentaires qui ne sont pas toujours à la hauteur d’un débat démocratique sain et équilibré.

Mais, il ne faut pas oublier la part des élus dans tout ça. On le sait : certains alimentent le climat toxique. C’est d’ailleurs ce qui se passe à l’hôtel de ville.

Ce n’est pas juste la faute de patate33@hotmail.com. Les élus doivent dès aujourd’hui s’arrêter et se regarder dans le miroir en se demandant : quelle est ma part dans ce cirque?

Oui, la formation des élus devient alors très importante. Mais, pour l’avoir vécu de l’intérieur, quand on les accueille comme nouveaux élus, les formations passent très vite.

Certains élus oublient des éléments de ce qu’ils ont appris, avec le temps. Rafraichir la mémoire, périodiquement, devient alors incontournable.

Former les élus, non seulement à l’éthique et la déontologie, mais aussi sur la gestion du stress, de la pression, des insultes et autres comportements devient aussi importants.

On pourra dire que le personnel les entourant peut être formé à cet égard, mais l’élu se sent probablement souvent assez seul devant ce problème.

Et surtout, c’est lui, la cible. Pas son personnel.

Je crois également que la pression qu’ils subissent, nos élus, vient aussi de cette confusion entretenue avec le monde municipal. On leur donne des responsabilités, mais fort peu de pouvoir.

Et encore moins les moyens pour les assumer, créant des tensions, des insatisfactions et des crises qui se retrouvent presque toujours dans leur cour. Ça transforme les maires et mairesses en quémandeurs professionnels.

Ça m’apparait ridicule et participant largement à l’écart qui se creuse entre ce qu’on leur demande et ce qu’ils peuvent faire.

Aussi, il y a un élément non négligeable : on en demande plus aux élus, alors qu’ils n’ont pas tous le bagage pour s’en charger.

Certains, comme la nouvelle ex-mairesse de Gatineau, plaident pour qu’il y ait aussi des formations en finances municipales, en gestion des fonds publics, pour les aider à comprendre ce sur quoi ils auront à voter.

J’ajouterais le développement durable, au passage, et quelques notions d’économie. Pour l’avoir vu de mes yeux, vous pouvez vous retrouver avec un élu qui se prépare à faire son discours du budget et qui demande, le jour même : « c’est quoi déjà, un fonds de roulement? »

En réalité, on est souvent bercé par les lignes de com percutantes, du type « on va faire le ménage! », alors que le boulot ne demande pas seulement d’avoir une voix qui porte. Encore faut-il posséder le savoir qui va avec la promesse.

L’arrogance qu’affichent certains élus devrait faire place à plus d’humilité, d’écoute, en essayant d’avoir toujours les deux pieds bien plantés sur Terre.

Ça évitera le « chesting » dans les corridors, ça réduira les prises de bec pendant les séances et ça évitera aussi de prendre les citoyens de haut.

Là, je pense à Labeaume, je ne sais pas pourquoi…

Bon. On le voit, ce chantier est immense. Il va dans toutes les directions. C’est ce qui arrive quand on laisse trainer les choses.

C’est complexe, mais nous n’avons pas le loisir de faire comme s’il y avait plus urgent à faire.

Le changement, c’est maintenant, comme le disait un slogan politique du passé…

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