Formez la relève, sauvez un cordonnier

Sylvain Martel, cordonnier de la boutique Grands-Pas, à Limoilou. (crédit photo : Estelle Lévêque)Sylvain Martel, cordonnier de la boutique Grands-Pas, à Limoilou. (crédit photo : Estelle Lévêque)

Dans un cri du cœur, le cordonnier Sylvain Martel, de la boutique Grands-Pas à Limoilou, nous fait part de ses inquiétudes quant à la disparition de cette profession.

Par Estelle Lévêque

Derrière une vitrine digne d’un musée, la cordonnerie Grands-Pas cache un commerce aux multiples services. Réparation de chaussures, vêtements, accessoires, mais aussi aiguisage de patins, fabrication de clés ou encore vente de ceintures en cuir ; le commerce de Limoilou a plus d’un tour dans son sac.

Depuis plus de 15 ans, Sylvain Martel vit de ce métier qui le passionne. Auparavant installée sur la 10e rue, la boutique a pignon sur rue depuis 1952. Depuis, celle-ci a évolué entre les bonnes mains de propriétaires dévoués. Toutefois, le commerce pourrait bien fermer ses portes définitivement d’ici quelques années, si rien ne change.

Une relève absente

En effet, Sylvain Martel s’inquiète quant à l’avenir de la profession. « Il va être temps qu’on lance un cri du cœur pour former des gens », débute-t-il. Que ce soit à Québec, Montréal ou en Ontario, il n’existe plus de formation professionnelle en cordonnerie.

Aussi, alors que sa retraite approche, le commerçant est préoccupé. « Si on ne forme plus de cordonniers, qu’est-ce qu’on va faire avec les chaussures, les sacs à dos ? S’il n’y a personne [pour reprendre le commerce], dans cinq ans, on va barrer la porte, dire vente finale et bonjour. »

En première ligne, M. Martel souhaite tirer la sonnette d’alarme auprès des gouvernements. Alors que la dernière école de cordonniers a fermé ses portes à Neufchâtel, le commerçant valorise l’apprentissage des métiers manuels « sur le tas ».

D’ailleurs, il serait ravi de former la relève, comme il l’a été auprès de son prédécesseur. Cependant, il n’existe pas d’encadrement nécessaire à cette initiative. « Certains jeunes sont déjà venus me rencontrer, mais moi je peux pas les prendre ! S’il arrive un accident, on n’est pas couvert. »

Quelques items de la cordonnerie Grands-Pas. (Crédit photo : Estelle Lévêque)

Un commerce vert

Bien qu’elle fasse l’objet d’une discipline ancestrale, la cordonnerie ne pourrait pas être plus dans l’air du temps. Recycler, réutiliser et recycler : les trois R représentent les fondements de la gérance environnementale. Aussi, la boutique Grands-Pas, dont le nom fait un clin d’œil au film Le Seigneur des Anneaux, s’inscrit directement dans cette démarche.

« Limoilou, c’est un quartier qui focus beaucoup sur l’environnement, l’air qu’on respire, tout ça. Si t’envoies ton sac à dos aux vidanges, ça va prendre cent ans avant qu’il se décompose… », rappelle Sylvain Martel. Depuis quelques années, il remarque d’ailleurs une forte augmentation de la demande en réparation.

Au fil de la visite du commerce de 1400 pieds carrés, le cordonnier présente les nombreux travaux qu’il effectue, seul. Simplement dans le rayon des chaussures, les matières sont nombreuses : semelles en caoutchouc, talons de liège, doublures en laine de mouton. Sylvain Martel décrit son activité avec enthousiasme. « C’est ça qui est le fun, c’est jamais la même job que tu fais ! »

Pour conclure, l’artisan affirme : « La cordonnerie, à Limoilou, c’est une institution. Ça fait 70 ans que ça marche. » Malgré le manque d’options pour la relève, Sylvain Martel ne baisse pas les bras et espère que le métier sorte de cette impasse. « Il faut que nos gouvernements se réveillent ! Pas l’année prochaine, pas dans deux ans ; tout de suite ! », lance-t-il.

La cordonnerie Grands-Pas est située au 399, chemin de la Canardière, à Québec.

Commentez sur "Formez la relève, sauvez un cordonnier"

Laissez un commentaire

Votre courriel ne sera pas publié.


*


Time limit is exhausted. Please reload CAPTCHA.