Chronique : La Légende de Davie

Jayman : Ces choses que je ne comprends pas!Jayman nous dit ce qu'il pense de l'entente sur la biodiversité. (Photo : Archives Carrefour de Québec)

Par Jayman

Cher journal.

Plusieurs mystères hantent mon esprit sans relâche. Qui suis-je? D’où viens la vie? Comment compléter le Temple de l’eau dans Ocarine of Time?

Mais aucun de ces mystères me turlupine autant que LA grande question philosophique que je traîne depuis le tout début de mes 38 années d’existence. Cette question, c’est « Mais kessé qui se passe avec le chantier de la Davie? »

Pour moi, la Davie, c’est comme le Parti Québécois. C’est toujours sensé être sur le bord de disparaître, mais ça revient, année après année. Sauf que contrairement au PQ, la Davie se fait activement aider par les gouvernements!

Et là, tu te demandes sûrement pourquoi j’écris une chronique sur un chantier maritime de Lévis dans un journal hyper local de Québec.

Moi aussi!

Ça a juste été plus fort que moi. Quand j’ai vu que le gouvernement allait tenter une énième fois et des poussières de sauver la Davie, j’ai senti l’impulsion d’essayer de comprendre ce qui se passe.

Pas pour chiâler. Pas pour monter dans les rideaux. Juste pour comprendre.

Parce que je déteste ne pas comprendre.

Je connais la Davie de proche. Je suis né juste à côté. Littéralement. Je voyais la Davie par la fenêtre de mon berceau.

À l’époque, on l’appelait la « MIL Davie », parce que… Ok, voici l’histoire. La compagnie a été fondée en 1825 par le Capitaine anglais Allison Davie et le constructeur anglais George Taylor. Mais Davie a décidé de ne pas mettre Taylor au nom de la compagnie, parce que c’était son beau-père et les deux ne s’aimaient pas à la suite d’un accident de tondeuse à gazon (j’ai extrapolé ce point!).

La compagnie a construit plusieurs navires dans ses premières années, dont 35 seulement pendant la 2e guerre mondiale, avant de commencer à changer de main de manière aussi compulsive qu’un deux de pique dans les mains d’un agile magicien.

Ça a appartenu tour à tour à la Power Corporation, la Société de Construction Navale, Marine Industries Ltd, Dome Petroleum et Versatile Corporation, jusqu’en 1980, quand les troubles financiers commencent à se pointer le bout du porte-monnaie vide.

Sachant flairer la bonne affaire, les gouvernements fédéraux et provinciaux s’impliquent financièrement dans le désastre, ce qui mène à la fusion de Marine Industries Ltd (MIL) avec Versatile Davie, pour donner la MIL Davie.

Cela, pendant que tous les autres chantiers de la MIL au pays coulent comme des Titanic, parce que l’industrie canadienne de fabrication de bateau est au point mort.

Continuant à flairer la bonne affaire, le gouvernement du Québec rachète la MIL Davie, pour la revendre à la Dominion Bridge Company pour le montant astronomique de 1$.

La bonne affaire!

La Dominion Bridge Company fait rapidement banqueroute, ce qui prive la Davie de sa maman et la met sous tutelle de l’État pendant deux ans. À ce moment, elle se fait adopter par TECO Maritime ASA, un gentil papa norvégien qui, en 2010, se met sous la protection de ses créanciers. Retour à la case départ. La Davie, qui s’appelle maintenant officiellement “ Davie Yards Incorporated ”, se retrouve à la rue, tandis qu’Investissement Québec voit disparaître ses 28 millions de dollars en actions dans la Compagnie.

Jusqu’en 2011, où Upper Lakes Groups Inc, propriétaire de Seaway Marine & Industrial Inc s’associe à SNC-Lavalin et le constructeur naval sud-coréen “ Daewoo Shipbuilding & Marine Engineering ” pour racheter ce qui reste de la Davie.

Elle s’appelle désormais « Chantier Maritime Davie ». Et après toutes ces péripéties, elle peut enfin dormir l’esprit tranquille : le plus ancien chantier maritime en Amérique du Nord va officiellement entrer dans la Stratégie Maritime Canadienne. Dans un avenir rapproché du futur, la Davie va fabriquer les bateaux les plus gros et les plus complexes jamais construits au Canada : des pontons!

Mais non. Ce seront des bateaux pour l’armée et la Garde Côtière. On parle de millions de dollars en contrats pour les prochaines années. Et d’un retour à l’âge d’or de la construction navale : la guerre.

Ce qui me fascine à la lumière de cette histoire-là, c’est de voir à quel point les gouvernements peuvent s’acharner à vouloir garder en vie des entreprises dont la santé financière et la viabilité sont au mieux chambranlantes.

Je sais, on va me dire que c’est pour conserver les emplois. Ah, oui, ce vieil épouvantail de la perte d’emploi que les grandes entreprises agitent à la face du monde du moment qu’elles ont besoin du gouvernement pour pallier à leur mauvaise gestion.

Alors qu’on pourrait tout simplement laisser ces entreprises-là mourir de leur belle mort. C’est tout. C’est simple. Les entreprises, ça ouvre, ça ferme. Des emplois, il y en a.

Et au lieu de renflouer la calle financière des compagnies, le gouvernement pourrait investir notre argent dans la communauté, directement. En faits, si le gouvernement aime autant ça investir dans des organisations délabrées, on a un beau système de santé qui tombe en ruine. Et un magnifique système d’éducation qui suit juste derrière.

À moins qu’on ait peur que s’ils ferment la Davie, les gens de Lauzon vont venir se chercher un emploi dans le Vieux-Québec à la nage en attendant le troisième lien.

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