Campagne électorale : le petit bilan hebdomadaire (III)

Mercredi dernier à Québec. Dans son élan électoraliste ininterrompu, Éric Duhaime demandait explicitement les votes aux opposants du tramway le 3 octobre prochain. Crédit photo : Sophie Williamson.

La vitesse imposée par la campagne électorale révèle les défauts des politiciens, mais aussi l’importance des hésitations.

Il est sans contredit nécessaire à toute personne qui aspire au pouvoir de fournir des efforts continus. Une continuité non seulement dans la présence médiatique, par les points de presse ou les entrevues, mais aussi dans les discours.

En effet, un parti qui ne témoigne pas d’une pensée constante risque d’être taxé d’incohérence ou pire, de manque de transparence. Lorsqu’un chef recule sur une position, c’est sûrement parce qu’il cache sa vraie pensée. C’est ce dont témoigne la réaction de Dominique Anglade à la maladresse de François Legault. Selon elle, il n’a fait que livrer le fond de sa pensée sur l’immigration, avant de lâchement la désavouer.

Au rythme effréné que va la campagne, l’aspirant au pouvoir ne peut pas s’accorder de repos ou de temps de rupture avec l’actualité politique (la reine ne peut pas mourir à tous les jours). Il est comme « pris » dans le flux des discours politiques et des évènements. Le politicien n’a pas le droit d’hésiter, comme en témoigne la saga sur la taxe solidaire qui vise les ultrariches.

Or, il semble que la semaine a montré les limites de ce rythme. Certains moments ont rendu sensible le besoin de la pause et de l’hésitation réflexive.

Si les politiciens continuent de suivre l’espèce de « mécanique électorale » dominée par les sondages, la campagne s’annonce plutôt oubliable.

Gabriel Nadeau-Dubois et les « taxes oranges »

La mesure qui a fait le plus parler, après la gaffe de François Legault, est la taxe pour les Québécois dont les avoirs nets excèdent 1 M$ proposée par QS.

À ce sujet, Gabriel Nadeau-Dubois a affirmé qu’il n’allait pas reculer, bien qu’il ait dû le faire au sujet des agriculteurs. Finalement, son parti a renoncé à inclure la valeur des terres agricoles dans son calcul.

Pour certains, malgré l’ajustement, c’est la proposition qui va trop loin. Pourtant, la taxation des avoirs des plus riches est une mesure « normale » pour tout parti qui se revendique de la gauche. Rien de surprenant ici, mais QS veut éviter le plus possible de choquer les électeurs (bien que ceux-ci aient souvent tort de l’être).

Ce qui est intéressant avec cet épisode est le moment de recul qu’a été forcé d’avoir GND. Il a dû rompre un moment sa promesse initiale pour inclure ce qui paraît avoir été mal pensé : l’idée de fortunes qu’il serait illégitime de taxer.

Malheureusement, au lieu de témoigner de cette hésitation qui pourrait initier une réflexion politique, le chef a dit qu’il s’agissait d’une erreur dans le transfert d’information.

Au fond, bien que son excuse puisse être vraie, GND a donné raison à la mécanique électorale. C’est une erreur administrative, de transfert de « données » qui explique la confusion. Son hésitation entre platement dans le processus habituel et continu de la campagne.

François Legault et l’immigration

Le chef de la CAQ a aussi cette semaine refusé l’écart de la réflexion. Au sujet des valeurs québécoises, il a soutenu qu’il s’agissait d’un enjeu délicat, « très délicat » et qu’il optera pour la prudence à l’avenir.

En effet, il semble en avoir manqué lorsqu’il a dit mercredi vouloir protéger les valeurs des Québécois qui « n’aiment pas les extrémistes », ni « la violence », en maintenant les seuils d’immigration. François Legault s’est donc mis les pieds dans les plats et pressé de se les sortir, a fait son mea culpa : il est, lui non plus, pas parfait.

Les électeurs devront ainsi faire le deuil d’une discussion collective sur l’immigration. La question des valeurs étant un stimuli négatif pour l’électorat, le chef caquiste en fera lui aussi le deuil.

Paul St-Pierre-Plamondon et l’immigration

Le chef du PQ tente d’éviter durant la campagne ce qui serait en un sens le pire pour son parti, soit sa « dénaturation ». Le Parti québécois, dû au caractère proprement politique de la souveraineté, semble avant tout être un parti de convictions.

Entrer réellement dans « la joute » électorale, dans ce qu’elle a de plus bas et explicite, mais aussi de plus divertissant, ne colle pas selon lui avec cette posture. C’est pourquoi il semble que PSPP s’abstient depuis le début de la campagne de commenter ses adversaires (ce qui est aussi une stratégie électorale).

C’est ce qu’il a soutenu en entrevue dimanche dernier à Radio-Canada Info lorsqu’il a insisté sur le fait qu’il « se tasse des activités de pointage de doigts » et s’en tient « à des propositions structurantes pour l’avenir ».

Cette semaine a toutefois montré qu’il serait intéressant que PSPP délaisse cette « pureté politique » qu’il brandit. Il a eu effectivement de la difficulté, à cause d’elle, à s’exprimer clairement sur la sortie de François Legault à propos de l’immigration.

Il s’est contenté de dire que « c’était des propos vraisemblablement inappropriés » et qu’il « prenait acte » de ses excuses. Les journalistes ont alors essayé de lui tirer du jus, sans succès.

Le chef péquiste s’est contenté de dire qu’il souhaitait « mener une campagne constructive et responsable pour tous les sujets y compris l’immigration ». Finalement, sous le poids de la pression médiatique, il a assuré que son parti ne faisait pas l’association entre l’immigration et la violence. Enfin !

Jouer le jeu

Dans le cas de PSPP, le mouvement continu de ses convictions et de la dignité qu’il souhaite incarner entre en conflit avec la vitesse de la mécanique électorale, à son désavantage. La question de l’hésitation se pose ici à l’envers.

Le politicien doit aussi savoir quand il est utile de cesser de servir les idées politiques, de rompre son élan intellectuel, pour jouer le jeu électoral.

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