Tramway : Le décret est-il vraiment « sans condition » ?

Visuel du tramwayPhoto : Ville de Québec

Malgré les annonces spectaculaires selon lesquelles la Ville a obtenu « sans condition » les décrets pour aller de l’avant dans les prochaines étapes du projet de tramway, la réalité est beaucoup plus nuancée. Les décrets, dont Le Carrefour, contiennent en fait dix-neuf conditions.

Par Gabriel Côté

Ceci n’a rien d’anormal, et il est tout à fait dans l’ordre des choses qu’il y ait des conditions à l’octroi d’une subvention. Ainsi, les dix-neuf conditions, détaillées dans un document d’une vingtaine de page, ne sont pas tant des conditions au projet lui-même que le détail des engagements pris par la Ville à l’endroit du gouvernement du Québec. 

En bref

De ces dix-neuf conditions du décret environnemental, sept concernent des enjeux relatifs au climat sonore pendant les travaux et après la mise en marche du tramway en 2028 ; trois portent sur la préservation des milieux humides, deux sur la protection des arbres, et trois autres sur la qualité de l’air ; enfin, deux conditions portent sur des questions d’aménagement.

René-Lévesque

Alors que le gouvernement avait laissé planer l’idée d’émettre les décrets à la condition de l’abandon de la rue partagée sur René-Lévesque, le décret environnemental exclut les deux autres scénarios envisagés. Toutefois, il permet la réalisation du scénario original comprenant une insertion souterraine entre Turnbull et René-Lévesque.

« Concernant la construction du tronçon de son projet situé entre l’avenue des Érables et l’avenue Turnbull, la Ville de Québec peut réaliser le scénario original comprenant une insertion souterraine. Dans le cas d’une insertion en surface dans ce tronçon, considérant le niveau d’information insuffisant pour évaluer les impacts et les mesures d’atténuation des variantes d’aménagement 2 et 3 (…), ces deux variantes ne peuvent être réalisées », lit-on dans le décret.

Environnement

En bref, la ville devra mesurer et limiter le bruit pendant les travaux et après la mise en service du tramway. Cela vaut aussi pour la qualité de l’air pendant la construction du tunnel de la colline Parlementaire. De même, la municipalité devra faire en sorte d’éviter que les milieux humides soient trop altérés, et dans le cas d’une altération, elle devra ou bien verser une compensation financière, ou bien assurer que la situation soit corrigée. La compensation des arbres coupés le long du tracé du tramway qui est prévue par l’administration municipale est aussi enchâssée dans le décret.

Formalités

À tout ceci s’ajoute deux autres conditions plus générales. La première stipule que « la construction d’un tramway entre les secteurs Chaudière et D’Estimauville sur le territoire de la ville de Québec doit être conforme » à ce qui a été établi dans 47 documents transmis par la Ville de Québec au gouvernement entre le 6 septembre 2019 et le 21 octobre 2021. Ces documents comprennent des études, des rapports, des réponses à des séries de questions posées de la part du gouvernement, et des courriels. Advenant une contradiction entre deux informations, « les dispositions les plus récentes prévalent », peut-on lire dans la version administrative du décret du 6 avril 2022. 

Enfin, la Ville devra aussi mettre en place des comités de suivi qui devront inclure des représentants du milieu sociocommunautaire et du domaine de la santé pour assurer un suivi auprès des citoyens pendant et après les travaux. 

Dans le détail…

Le bruit

Selon le décret, la Ville devra mettre en œuvre diverses mesures pour surveiller et contrôler l’environnement sonore avant et pendant les travaux, et pour plusieurs années après la mise en fonction du tramway. 

Avant les travaux, la municipalité aura la responsabilité de mesurer le bruit initial généré par la circulation en temps normal, pour ensuite pouvoir évaluer la « contribution sonore » du chantier et mettre en place, si la situation l’exige, des mesures d’atténuation, ainsi que des mécanismes pour informer les citoyens durant les travaux. 

Image : Capture d’écran, Ville de Québec

La Ville devra aussi « effectuer des modélisations tenant compte des paramètres réels de construction et d’exploitation du tramway ». Ces modélisations devront inclure, d’une part, les « sources fixes » d’émissions sonores, comme le centre d’entretien et d’exploitation, les pôles d’échanges et les « sources émettrices » du tunnel de la colline Parlementaire. D’autre part, elles devront inclure les sources « mobiles », soit le tramway lui-même.

En plus de ce suivi pendant les travaux, la Ville devra dans chacun des cas prévoir des campagnes de relevés sonores devant être effectuées un an, cinq an et dix ans après la mise en exploitation du tramway. 

Limites à respecter

Selon le décret, la municipalité devra faire respecter une limite de bruit pour l’ensemble de la journée (indice Lden) et pour la période de 23h à 7h (indice Lnight) qui est en conformité avec les critères routiers recommandés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). 

Dans les secteurs où le bruit initial ne dépasse pas ces limites, de 53 décibels le jour et de 45 décibels la nuit, la Ville devra s’assurer que le bruit ne dépasse pas un indice journalier de 54 dB, et de 44 dB pour les périodes de nuit. Quant aux secteurs où le bruit initial dépasse déjà les limites de l’OMS, « le climat sonore ambiant initial devient le critère maximal à ne pas dépasser ».

Le décret prévoit aussi que la Ville aura l’obligation, dans le cas d’un dépassement de plus de 3 décibels de ces critères, de démontrer qu’elle a mis en place toutes les mesures de réduction du bruit à la source et toutes les mesures de réduction de la propagation du bruit. 

Dans le cas exceptionnel où la municipalité décidait de construire un écran acoustique à un endroit non prévu initialement ou avec des caractéristiques différents, une consultation publique devra être organisée pour déterminer « si l’application de cette mesure est perçue comme un bénéfice ou comme une nuisance ».

Impacts psychosociaux

Enfin, le décret stipule que la Ville devra réaliser un suivi des impacts psychosociaux associés au bruit généré par les activités du tramway. 

En particulier, trois mois avant la mise en service du tramway, la ville devra faire approuver par le gouvernement la démarche qu’elle comptera mettre en place pour faire le suivi de ces impacts le long de l’emprise d’Hydro-Québec dans le secteur du boulevard Pie-XII et dans le secteur de la rue du Chalutier. 

Milieux humides

Comme les travaux pour le tramway auront des effets considérables sur certains milieux humides, le décret prévoit que la Ville devra compenser financièrement cette atteinte, et faire en sorte de les remettre en état quand cela sera possible. 

« Afin de compenser l’ensemble des pertes permanentes de milieux humides et hydriques occasionnés par les travaux réalisés dans le cadre de son projet (…), une contribution financière sera exigée de la Ville de Québec », peut-on lire dans le document. 

Coucher de soleil sur le tramway
Image : Capture d’écran, Ville de Québec

Quant à la remise en état des milieux touchés, la Ville « devra prévoir les mesures correctives à appliquer en cas de non-succès des travaux effectués ». 

La Ville devra aussi assurer un « suivi hydrologique » dans le secteur Chaudière, pour éviter une altération des milieux humides qui s’y trouvent. Dans le cas d’une altération causée par les travaux, le décret mentionne que c’est « l’initiateur » qui devra prendre des mesures pour « corriger la situation » et assurer le suivi, tant et aussi longtemps « qu’une altération est démontrée ». 

Qualité de l’air

Avant la construction du tunnel de la colline Parlementaire, la Ville devra modéliser la « dispersion atmosphérique » pour identifier les sources qui contribuent aux dépassements calculés des normes de la qualité de l’air. 

Conséquemment, elle devra aussi prendre les mesures nécessaires pour faire le suivi, pendant les travaux, de la qualité de l’air dans ce secteur. 

Image : Capture d’écran, Ville de Québec

Enfin, la Ville devra déposer un plan de gestion environnementale et sociale, qui réitèrera les engagements de la municipalité relativement aux mesures d’atténuations qui seront nécessaires.

Limoilou

Enfin, le tracé reliant le pôle Saint-Roch au pôle D’Estimauville « fera l’objet d’une décision subséquente du gouvernement à l’égard de toute condition, restriction ou interdiction additionnelle » à l’autorisation datant du 6 avrill 2022. 

1 commentaire sur "Tramway : Le décret est-il vraiment « sans condition » ?"

  1. Faut il se surprendre de la gestion de ce dossier ? Autant Labeaume et Legault, ont menés ça tout croche, allant de gauche à droite, oui et tantôt non et là, Marchand qui vient faire des menaces .. Legault se croit plus fort que les sondages … on va voir ça aux prochaines élections provinciales pour la région de Québec !

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