Il était une foi (sans « s »)

Geneviève PerreaultGeneviève Perreault. Photo : Courtoisie

C’est l’histoire d’une journaliste un peu athée qui rencontre une missionnaire chrétienne évangélique, PhD en linguistique.

Par Chantal Lévesque

Geneviève Perreault a œuvré pendant près de dix ans en Sibérie pour participer à la traduction de la Bible en langue chukchi. Elle a bien voulu me raconter son parcours et surtout répondre à mes multiples interrogations sur Dieu, la foi, les miracles, la prière.

Pourquoi avez-vous entrepris cette mission de traduire la Bible ?

Moi, ça me nourrit d’avoir cette relation avec Jésus. Est-ce que je trouve que c’est la bonne solution pour tout le monde ? Oui, honnêtement, oui. Mais, est-ce que ça doit être imposé, non. Pas du tout. On voit dans l’histoire ce que ça donne, c’est jamais une bonne idée.

Comment vous êtes-vous retrouvée à participer à la traduction de la Bible en Sibérie ?

Je voulais travailler idéalement avec les autochtones dans le Nord du Canada, mais quand j’ai joint mon organisation, ils m’ont dit qu’il n’y avait pas de besoin présentement dans cette région, mais qu’il y avait des projets avec des cultures semblables, des langues plutôt différentes, et le même genre de climat en Sibérie. J’étais très intéressée. 

Avec ma collègue chukchi, on a commencé par traduire 25 histoires, puis on a décidé d’aller les tester dans son village. On travaillait dans la ville de Yakoutsk, et son village était situé à quatre heures d’avion, plus une partie du trajet en hélicoptère ou en motoneige. On a pris notre livre et on a rendu visite à plusieurs personnes.

Geneviève Perreault, devant l'église évangélique qu'elle fréquentait.
Geneviève Perreault, devant l’église évangélique qu’elle fréquentait.
Photo : Courtoisie

Les chukchi ne pratiquent-ils pas déjà une religion qui leur est propre ?

Oui, c’est un mélange d’animisme et de religion orthodoxe, assez proche du catholicisme. Mais ils sont intéressés par les écrits que nous leur proposons. Nous ne voulons rien imposer. Surtout pas. 

Pourquoi ça les intéresse au juste ?

Ils ont entendu parler de la Bible, parce que c’est un peu dans la culture russe. Mais ils ne la lisent pas. Que nous on arrive et qu’on leur présente du contenu dans leur langue, j’imagine que ça pique leur curiosité. Par exemple, deux dames avec qui on a travaillé nous gardaient tard en soirée. On les a rencontrées trois jours de suite, et on revenait toujours vers trois heures du matin. On lisait une histoire avec elles, elles posaient des questions, puis elles demandaient « encore une autre histoire », pendant toute la soirée. 

Les chukchi ont-ils des pratiques religieuses déjà établies ?

Ils ont des rituels. Ils vont s’assurer de nourrir la terre, le feu. Quand ils arrivent dans un nouvel endroit, ils doivent donner une sorte de sacrifice au feu ou à la terre, et c’est une pratique bien vivante. Je les ai vus le faire. 

Geneviève Perreault, dans la ville de Yakutsk.
Geneviève Perreault, dans la ville de Yakutsk.
Photo : Courtoisie

Ont-ils adopté la religion chrétienne ?

Il y a maintenant une petite église dans le village de ma collègue. Ce n’est pas dans un bâtiment, c’est trois ou quatre personnes qui se rassemblent, qui ont envie de découvrir qui est Jésus, qui en parlent, qui se sont converties, littéralement. Il y a des églises dans presque tous les petits villages chukchi, ça vient répondre à un besoin. Les gens sont contents, ce n’est pas fait de façon menaçante. 

Je me demande quel est l’intérêt pour une personne qui a déjà une pratique religieuse d’aller vers une autre religion.

Je pense qu’ils ne sont pas comblés. Ce n’est pas un jugement par rapport aux chukchi en particulier, ça peut concerner n’importe qui. C’est une recherche de Dieu. Les rituels ne sont pas personnels. Ils vivent dans la peur aussi, parce qu’ils font des sacrifices pour empêcher que de mauvaises choses leur arrivent. Nous, on leur montre une relation personnelle avec Dieu. Ils sont en sécurité, Jésus les accepte, les pardonne et les aime comme ils sont. Il les protège peu importe ce qu’il leur arrive. On ne leur dit pas qu’ils n’auront jamais de problème; moi, il y a des choses mauvaises qui m’arrivent aussi dans la vie. Mais on leur dit que Dieu est avec eux. Il prend soin d’eux et les aime, en toute circonstance. Il leur donne une paix même quand ça va mal. C’est sûr que c’est quelque chose qui les touche. Il n’y a plus cette peur qu’un malheur survienne. C’est très différent. C’est une relation personnelle avec Jésus versus avoir peur des esprits autour qui vont possiblement leur faire du mal. 

Pourquoi êtes-vous d’avis qu’une relation avec Jésus serait bénéfique à tous ?

C’est universel, Jésus est venu pour nous libérer et nous donner la réconciliation avec Dieu. Il l’a fait pour tout le monde. Moi, j’expérimente que ça me donne la paix, alors je veux la même chose pour les autres. Mais ça demeure vraiment une démarche personnelle.

Depuis quand êtes-vous croyante ?

Je suis allée à l’école chrétienne évangélique, et la religion m’intéressait plus ou moins. Mes parents m’ont montré ces valeurs-là, j’ai eu l’éducation chrétienne à l’église, à l’école, mais ce n’était pas encore une démarche personnelle. Après le secondaire, j’ai décidé que je voulais voir autre chose. J’avais l’impression que le monde avait plus de « fun » en dehors de la religion, et que moi je n’avais le droit de rien faire. J’avais un peu cette impression de « faut pas faire ceci, faut faire cela ». Je me rends compte maintenant que j’avais mal compris le but de la pratique. Alors je me suis éloignée, c’était un choix. 

Comment êtes-vous revenue vers la religion après cette pause ?

Pendant huit ans environ, j’ai essayé d’être heureuse, et j’avais l’impression que plus j’essayais, moins ça marchait. Que je m’enfonçais. Mais là, on s’entend que j’étais une personne « ordinaire ». Je ne vais pas dire que je suis tombée dans la drogue, ou que j’ai failli mourir ! Je n’étais pas comblée, je ne me sentais pas heureuse. J’avais l’impression que j’étais toujours en train de courir après quelque chose. Une espèce de vide. À un moment donné, j’ai réalisé que je n’étais pas bien. Que je n’étais pas bien sans Dieu. Et j’ai prié. 

Est-ce que vos prières ont été entendues ?

À ce moment-là, j’avais dit à Dieu que je me sentais loin, et que je réalisais que j’avais besoin de lui dans ma vie. Mais que je ne savais pas nécessairement comment retourner vers lui. C’était un appel à l’aide, si on veut, c’est comme ça que ça a commencé. J’ai changé de contexte. C’était en 2007.

Deux semaines après ma prière, je me suis cassé le pied. J’étais à Montréal, dans un appartement à l’étage, et c’était compliqué avec les béquilles. Mes parents m’ont proposé d’aller guérir chez eux. Me retrouver dans un autre contexte, de retourner chez moi, juste de changer d’atmosphère, ça m’a aidée à faire cette transition. J’avais déjà décidé de retourner vers Dieu, mais quand tu restes exactement dans le même contexte, c’est parfois plus difficile de faire des transitions. 

Je considère que c’est comme ça, entre autres, que Dieu a répondu à ma prière. 

Les gens non croyants disent souvent qu’ils « attendent un signe » pour prendre une décision. Il me semble que c’est le même cheminement, mais au lieu de parler de Dieu, on va parler de destin, de subconscient, de synchronicité. C’est la même chose?

C’est vrai, les gens parlent comme ça. Moi, je vois quelqu’un derrière, je vois Dieu derrière. C’est une relation personnelle, comme parler à un ami, et plus tard, les circonstances changent, ou bien je n’ai pas nécessairement de réponse à ma prière, mais je peux avoir une paix. Quand on prie pour obtenir quelque chose, on a un certain besoin, on ne se sent pas bien, ou encore, on se sent bien, mais on aimerait un truc en particulier. Dieu n’est pas un Père-Noël, c’est pas l’idée de demander des cadeaux. Mais dans des conflits, juste de me confier me permet de me sentir mieux et en paix, même si je n’obtiens pas la réponse immédiatement.

Votre église est-elle fréquentée par beaucoup de jeunes ?

Oui, il y a de toutes les générations, des jeunes familles, des gens de tous les âges. Il y a plus de monde à l’église évangélique qu’avant. Ça grossit. Il y a également de nouvelles églises qui commencent à Québec et à Montréal. 

En quoi la religion chrétienne évangélique remplit-elle cette « espèce de vide » que vous viviez ?

Pour nous, le salut et le pardon, c’est gratuit. Il ne faut pas gagner le ciel. Ce n’est pas la balance des bonnes actions versus les mauvaises actions qui nous mènent au paradis ou en enfer. Tu vas au paradis en faisant confiance à Dieu, mais pas juste une confiance dans le vide. Ce qu’il a fait pour nous sauver et pour ne pas qu’on aille en enfer, c’est d’envoyer Jésus mourir pour nous. Jésus qui est Dieu, qui meurt pour nous, pour nous réconcilier. Nous, on mérite d’être séparés de Dieu à cause de nos péchés. Il veut nous réconcilier de la chute dans le péché. 

Vous parlez ici de la chute dans le péché d’Adam et Ève ?

Ce n’est pas tant Adam et Ève que tout le monde. Nous, on fait des choses qui nous séparent de Dieu. Dieu ne veut pas être séparé. Il veut avoir une relation avec nous. Pour effacer le péché, il a envoyé Jésus, pour que Jésus paye pour les péchés de tout le monde. 

Est-ce une métaphore, ou Jésus est-il vraiment venu sur terre ?

Oui, Jésus est vraiment venu et il est ressuscité. 

Et la résurrection de Jésus, c’est réel aussi ?

Oui.

Vous savez que la plupart des gens ne croient pas à ça ?

Oui, je le sais! J’en suis très consciente.

Comment vous pouvez être « convaincue » que Jésus est ressuscité ?

Je le sais par la foi. Moi, c’est évident que je n’étais pas là. Je lis la Bible, et c’est ce qui est raconté dans la Bible. Je crois que Dieu nous a donné la parole de Dieu, il nous a donné la Bible pour qu’on comprenne ce qu’il a fait pour nous. 

Les miracles, vous croyez aussi qu’ils sont arrivés ? Jésus a réellement défié les lois de la nature ?

Oui, et ce n’est pas si farfelu que ça, je trouve, dans son ensemble. Dans l’ensemble, c’est cohérent. C’est farfelu, quand on sort les miracles de leur contexte. Mais c’est cohérent, si Dieu a créé l’univers, c’est lui qui a créé les lois de la nature, il peut donc faire un miracle et passer par-dessus les lois de la nature s’il veut. Ça lui appartient, c’est lui qui a tout créé. Il a la puissance de le faire, s’il veut, très facilement. Et les miracles qu’il faisait, c’était justement pour montrer que Jésus était Dieu. 

Depuis que vous avez retrouvé la foi en 2007, vous arrive-t-il d’avoir des doutes? Trouvez-vous encore que les autres ont parfois l’air d’avoir plus de « fun » ?

Non, pas du tout. Parce que c’est comme tomber en amour avec Jésus. Il m’accepte comme je suis, il veut me rendre heureuse, dans toutes les circonstances. Pas pour rendre ma vie rose bonbon. Mais, peu importe ce qui arrive, pour être là avec moi, m’aider et, au besoin, changer les circonstances, répondre à mes prières. Je sais qu’il prend soin de moi et qu’il me rend heureuse. 

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