Nature Québec veut placer l’environnement au cœur des débats politiques en 2022

Webinaire de Nature QuébecWebinaire Nature Québec (capture d'écran Simon Bélanger)

La même journée où le GIEC déposait un rapport soulignant l’urgence d’agir pour lutter contre les changements climatiques, l’organisme Nature Québec tenait un webinaire sur les enjeux à surveiller au Québec, au Canada et à l’international au cours de l’année 2022.

Simon Bélanger

Le rapport le plus récent du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat est sans appel : les catastrophes climatiques et l’extinction d’espèces sont causées par des changements climatiques causés par les activités humaines, et il faut agir le plus rapidement possible pour limiter les conséquences et inverser la tendance.

Nature Québec, un organisme sans but lucratif qui se consacre depuis 1981 à la conservation des milieux naturels et à l’utilisation durable des ressources, tenait hier une rencontre virtuelle pour discuter de certains enjeux touchant l’environnement qui feront les manchettes pendant la prochaine année.

Scène fédérale

Pour Alice-Anne Simard, directrice générale de Nature Québec, le Québec doit profiter du contexte de gouvernement minoritaire dans lequel des députés québécois peuvent faire la différence.

En effet, plus de 20% du caucus libéral provient du Québec et la balance du pouvoir peut être jouée soit par le Nouveau parti démocratique (NPD) ou par le Bloc québécois.

La présence de Steven Guilbeault à la tête du ministère de l’Environnement et du Changement climatique permet aussi de croire que l’environnement est au cœur des priorités du gouvernement fédéral, qui a pu aussi s’exprimer à travers les lettres de mandats, qui stipulent que la neutralité carbone devrait être visée pour 2050.

Cependant, pour Mme Simard, « il faut de la cohérence dans les annonces et s’assurer que les bottines suivent les babines », en rappelant que le gouvernement Trudeau a aussi racheté un oléoduc de Trans Mountain en 2019, dont le coût du projet d’agrandissement s’élève maintenant à 21,4 milliards de dollars.

Le ministre Guilbeault doit aussi se prononcer sur le projet de construction d’une plateforme de forage au large de Terre-Neuve dans les prochains jours.

Deux politiques devraient aussi être déposées au cours de l’année : un plan de réduction des émission de gaz à effet de serre (GES) en mars, en plus d’un plan d’adaptation aux changements climatiques prévu à l’automne.

L’environnement dans la prochaine campagne électorale

Les élections provinciales, qui devraient avoir lieu en octobre prochain, sont aussi une occasion, pour le mouvement environnemental, de s’inviter dans le débat public.

Pour Anne-Céline Guyon, chargée de projet climat à Nature Québec, c’est le moment de se faire entendre.

« Il faut aller sur cette patinoire », suggère Mme Guyon, qui invite les gens préoccupés par les questions environnementales à se présenter dans les investitures des partis politiques.

Elle veut aussi faire des suggestions aux partis, pour qu’ils puissent bonifier leur plateforme environnementale, au niveau national, mais également dans les circonscriptions.

Cependant, elle considère qu’il y a actuellement peu de suspense sur l’identité du prochain du prochain gouvernement, en raison de l’avance que possèdent François Legault et la Coalition Avenir Québec (CAQ) dans les sondages.

Même si elle considère que le gouvernement caquiste ne met pas l’environnement au cœur de ses priorités, elle croit qu’il est quand même possible de faire des gains, comme dans le cas de l’abandon des projets Laurentia et GNL-Québec, de même que pour le projet de loi visant l’interdiction de l’exploration pétrolière et gazière, et l’exploitation des hydrocarbures au Québec.

Elle voit cependant d’un mauvais œil l’arrivée d’un cinquième joueur dans le débat politique, le Parti conservateur du Québec (PCQ), dirigé par Éric Duhaime.

« Il ne faut pas le sous-estimer, mais il va complètement à l’envers de ce qu’on devrait faire pour la transition écologique », s’inquiète Mme Guyon.

Les questions entourant les aires protégées et la sauvegarde du caribou forestier sont aussi au menu des groupes environnementaux pour la prochaine année.

À l’international, une urgence d’agir

Le plus récent rapport du GIEC ne laisse que peu de place à l’interprétation.

« C’est un bon coup de poing dans le ventre. Après deux ans de pandémie et quatre, cinq jours de guerre en Ukraine, un rapport comme ça, ça fesse », illustre Alice-Anne Simard.

Pour Mme Simard, c’est une occasion pour se retrousser les manches et de suivre ce que la science affirme depuis plusieurs années. Mais la fenêtre d’opportunité pour agir est mince avant qu’il ne soit trop tard.

Un élément qui l’a interpellée dans le rapport, c’est aussi que sur le continent nord-américain, le principal obstacle à l’action climatique, c’est la désinformation.

« Ce qui nous empêche d’agir, ce sont les compagnies d’énergie fossile, les lobbyistes et les différents intérêts corporatistes, qui ont tout fait pour entretenir le déni climatique, nier la science et insuffler la désinformation », se désole Mme Simard.

Elle déplore également que Benoît Charrette, le ministre québécois de l’Environnement, ait pris 12 heures après la publication pour réagir, dans une brève réaction, alors que son homologue fédéral a plutôt affirmé qu’il fallait poser des actions audacieuses.

Deux réunions internationales sont également sur le radar en 2022 : les conférences des Nations unies sur les changements climatiques (COP27) en Égypte et sur la biodiversité (COP 15) en Chine.

Alice-Anne Simard croit que les pays devront présenter des cibles beaucoup plus ambitieuses que ce qui a notamment été fait à Glasgow lors de la COP26 en novembre dernier.

Optimisme sur le plan municipal

Pour Cyril Frazao, directeur exécutif à Nature Québec, un certain changement de garde s’est opéré lors des dernières élections municipales, alors que plus de jeunes et plus de jeunes femmes ont accédé à des postes importants, tout en s’appuyant sur des plateformes donnant une place importante aux questions environnementales.

Les débats entourant le nickel à Québec montrent aussi, pour lui, que l’environnement s’est invité au cœur du débat public.

Un autre enjeu qui doit préoccuper les différentes municipalités du Québec, c’est la place de la nature dans la trame urbaine.

« Peut-on parler d’optimisation de la trame urbaine, plutôt que de croissance ? », s’interroge M. Frazao, s’inquiétant notamment de l’impact de l’étalement urbain et des îlots de chaleur.

Il croit d’ailleurs qu’il faut non seulement mieux réfléchir l’aménagement des centres-villes, mais aussi celui des banlieues. Il déplore notamment que le développement immobilier et la mise en place de zones d’innovation soient synonymes avec la destruction des milieux naturels, citant le cas du parc Chauveau à Québec, mais aussi des projets de construction de Maisons des aînés.

La place de l’automobile devrait aussi être repensée, notamment dans le projet de tramway à Québec. Pour M. Frazao, il ne faut pas que la conservation de voies automobiles se fasse au détriment des arbres présents sur le trajet.

Mobilisation après deux ans de pandémie

La question se pose : est-ce que les militants environnementaux sont toujours aussi mobilisés qu’ils l’étaient en 2019, alors que le nom de Greta Thunberg était sur toutes les lèvres, avant qu’une pandémie vienne bouleverser le cours des choses?

Pour Gabriel Marquis, c’est le défi à affronter au cours des prochains mois, alors que les gens sont épuisés et qu’il existe une fatigue pandémique.

Pour lui, le principal écueil à éviter, c’est qu’« il faut éviter de créer, dans la tête des gens, un lien entre les privations liées à la pandémie et l’action environnementale ».

Pour Alice-Anne Simard, même si les grandes manifestations publiques ont été plus rares, la mobilisation a pris un nouveau chemin pendant les deux dernières années, alors que les militants ont continué à être impliqués, même devant leurs écrans. Elle cite notamment le nombre record de mémoires déposés lors du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) entourant le projet GNL-Québec.

De son côté, Anne-Céline Guyon sent que les troupes se sont renouvelées et que des groupes comme Nature Québec se font challenger sur de nouveaux thèmes, comme celui de la décroissance.

« La transition écologique et sociale, c’est le plus grand défi que l’Humanité a à relever », conclut-elle.

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