Nickel : La stratégie de Bruno Marchand

marchand nickelLe maire de Québec, Bruno Marchand. Photo : Courtoisie.

Il serait très surprenant que le maire appuie la révision de la norme de nickel après avoir entendu tous les intervenants au comité plénier qui se tiendra dans la journée de demain.

Par Gabriel Côté

Depuis la fin décembre, des voix s’élèvent partout en basse-ville pour exhorter Bruno Marchand à prendre position fermement contre le projet de règlement visant à augmenter la norme de nickel permise dans l’air ambiant.

L’étonnante discrétion du maire a d’abord choqué, et plusieurs y ont vu une volonté de « ménager le gouvernement de la CAQ ». Il ne s’agissait nullement d’une hypothèse déraisonnable, vu l’attention que Bruno Marchand porte depuis son arrivée au pouvoir à entretenir de bonnes relations avec le gouvernement du Québec, et le zèle qu’il met à se distinguer de Régis Labeaume sur ce point. Quant à l’idée d’un comité plénier, presque tout le monde y a vu une manière de donner la parole à l’industrie pour justifier ensuite un appui, décidé d’avance de toute façon, à la hausse de la norme, contre la volonté populaire.

Pourtant, le cours des évènements depuis une dizaine de jours indique que la discrétion du maire n’était l’indice ni d’une mollesse ni d’une intention cachée d’en « passer une petite vite » aux gens de Limoilou, mais plutôt une étape dans une stratégie plus vaste pour s’opposer à la révision de la norme.

Bruno Marchand a été beaucoup moins discret au cours des derniers jours. Il a d’abord publié une lettre dans le Soleil qui laissait entendre que l’intention derrière la formation d’un comité plénier était de donner plus de force à la position que prendra le conseil municipal. En organisant un tel événement, en effet, on ne pourra pas objecter à la Ville de ne pas avoir fait ses devoirs. Qui plus est, il rappelait son souhait que le conseil de ville parle d’une voix unitaire.

Chacun en son bon sens doit convenir qu’un scénario où le conseil de ville serait unanimement favorable à la révision de la norme de nickel n’est nullement envisageable, les positions de Claude Villeneuve et de Jackie Smith étant déjà trop bien campée. Et ce n’est pas faire preuve d’une grande générosité que de reconnaitre à Bruno Marchand l’intelligence de le voir lui aussi.

Après la lettre, on a entendu le maire en répéter les grandes lignes, il « croit profondément » en la valeur de la consultation, il veut « position forte et unanime », etc. Puis un journaliste lui a posé une question sur le fait que Montréal a le pouvoir de fixer ses propres normes environnementales. Depuis, le spin du maire est que Québec devrait aussi avoir ce pouvoir.

En rétrospective, la stratégie du maire n’est pas sans rappeler celle qu’il a adoptée pendant la campagne électorale il y a quelques mois, en ceci qu’il cherche à créer un build up, ou comme il le répétait tout l’automne « un mouvement ». En ne prenant pas position immédiatement à propos de la question du nickel, Bruno Marchand a fait en sorte que l’enjeu soit discuté tous les jours. Si plusieurs considèrent que le maire a accepté d’encaisser des coups qui auraient dû être donnés au gouvernement provincial, car c’est celui-ci qui veut hausser la norme de nickel permise, il se pourrait aussi que la conduite du maire, qui a conservé l’enjeu à l’avant-scène pendant plusieurs semaines, ait en réalité augmenter la pression sur la CAQ.

En prenant une position tranchée dès le début, on peut supposer que l’enjeu aurait été enseveli sous les feux roulants de l’actualité, comme les « nouvelles » ont l’habitude de le faire, par la force des choses.

Ainsi, il serait très, très surprenant que le maire appuie la révision de la norme de nickel après le plénier de demain. Des gens au sein de l’opposition nous ont d’ailleurs dit qu’ils ne « voient pas comment Bruno Marchand pourrait appuyer la hausse de la norme après s’être autant avancé. »

***

Ce tableau un peu idyllique manquerait toutefois de justesse si on n’y apportait pas quelques nuances.

La stratégie du maire semble avoir été adoptée sur le tard, peut-être quelques jours seulement avant la réunion du conseil de ville du 17 janvier, lors de la réunion du comité exécutif où la décision a été prise de ne pas donner suite immédiatement à l’avis de proposition de Claude Villeneuve qui sommait l’administration municipale de prendre clairement position sur l’enjeu du nickel. Avant cette date, on peut supposer que la possibilité de répondre à l’avis de proposition du chef de l’opposition officielle était au moins considérée par le maire et son entourage. De même, l’idée de revendiquer pour Québec les mêmes droits que Montréal lui est venue directement de la question d’un journaliste. Il est très invraisemblable que cette idée se soit trouvée dans les cartons au bureau du maire au début de la « crise du nickel ».

L’opposition n’a pas été tenue dans le coup. Si la stratégie du maire avait été clairement établie dès le départ, plutôt que construite au fur et à mesure, on peut imaginer que l’opposition aurait été mise au courant, puisque dans ce dossier, il semble de plus en plus que les intentions de l’administration et de l’opposition sont les mêmes. En informant ne serait-ce que Claude Villeneuve et Jackie Smith de son objectif, M. Marchand aurait pu faire en sorte que l’enjeu soit aussi discuté dans les médias, mais en s’épargnant quelques coups qui lui laisseront certainement des cicatrices.

Les critiques répétées à l’endroit de l’opposition continuent de paraître maladroites et mal avisées. Même avec un peu de recul, il demeure difficile de comprendre pourquoi le maire a accusé Claude Villeneuve et Jackie Smith de politiser l’enjeu. Ce faisant, il a donné l’impression de se braquer contre des conseillers municipaux largement soutenus par les citoyens de leur secteur. C’était prévisible, cela a eu pour effet d’envenimer le débat et non de créer un contexte favorable à un « débat d’idées » salutaire.

Enfin, le maire reconnaissait vendredi dernier que la Ville ne peut tout au plus jouer qu’un rôle d’influence dans ce dossier. On peut en conséquence remettre en question la pertinence du critère d’efficacité qui a orienté la stratégie de M. Marchand dans les derniers jours. Rien ne garantit en effet que l’avis de la Ville pèsera plus lourd dans la balance, aux yeux du gouvernement, après la consultation, que si le conseil de ville avait immédiatement pris position de façon unanime contre la révision de la norme. Et ultimement, comme la décision finale n’est pas du ressort de la Ville, il aurait peut-être été plus responsable de ménager la population, de toute façon déjà très mobilisée contre le projet de règlement.

Trop de finesse, c’est comme pas assez.

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