Des citoyens s’indignent contre la hausse des normes sur le nickel : « l’air de Limoilou est saturé »

Des manifestants à la Place Limouloise, le 22 décembre dernier. Crédit photo : Sophie Williamson.

Ce mercredi, des citoyens de Limoilou se sont réunis pour manifester leur mécontentement suite à l’annonce du gouvernement du Québec concernant un règlement visant à augmenter de cinq fois la limite quotidienne d’émissions de particules de nickel dans l’air ambiant.

Cette annonce a été confirmée jeudi dernier par le ministère de l’Environnement. Depuis 2013, la norme actuelle est jugée trop sévère par l’industrie minière et « n’aurait pas de justification scientifique ». C’est aujourd’hui, au pic de la crise sanitaire, que paraitra l’annonce officielle concernant cette révision dans la Gazette officielle du Québec.

« Complètement surréel comme annonce »

Selon les manifestants de Limoilou, cette annonce s’est fait en « catimini », à leur insu, alors que « l’attention était dirigée vers la conférence de presse du premier ministre ».

La communauté de Limoilou s’est donc mobilisée pour lutter contre cette décision et pour éviter « qu’elle passe sous le radar ». « 45 jours en période de restriction sanitaire pour réagir contre cette mesure, c’est une vraie honte », affirme la porte-parole.

Cette hausse témoigne selon elle du « poids exercé par la grande industrie et le port de Québec au sein du gouvernement ». Raymond Poirier, citoyen engagé du Vieux-Limoilou, est du même avis.

« J’ai l’impression qu’on est un peu au jour de la marmotte quand on parle de la qualité de l’air à Limoilou, lance-t-il. Encore une fois, on est ici pour les mêmes revendications qu’il y a 10 ans. Ça fait 10 ans qu’on travaille à se faire entendre pour avoir une meilleure qualité de l’air dans nos quartiers. Ça fait 10 ans qu’on dit au gouvernement et aux élus que la soupe à Limoilou est pleine, que la soupe limoiloise n’a de cesse de se remplir un peu plus. » 

En effet, les citoyens de Limoilou revendiquent depuis plusieurs années un travail de concert avec les autorités pour diminuer les émanations et s’opposent aux « projets polluants » des gouvernements.

C’est avec le même vocabulaire, celui de Limoilou comme « soupe toxique » que Claude Villeneuve avait dénoncé l’annonce du gouvernement provincial vendredi dernier. Il était d’ailleurs présent à la manifestation cet après-midi.

« Le gouvernement du Québec a opté pour plus de pollution de l’air et pour la prospérité économique au dépend de la santé et de la qualité de vie de ses citoyens, soutient Raymond Poirier sous les applaudissements. Il n’y a plus de place pour d’autres polluants et contaminants. Il n’y a plus de place pour cinq fois plus de nickel. On a 45 jours pour se faire entendre et revendiquer une meilleure qualité de l’air. Le gouvernement va trouver les citoyens sur leur chemin. »

« On n’en veut plus de votre soupe chunky et chimique. » « L’air de Limoilou : une soupe chimique. » Crédit photo : Sophie Williamson.

Jackie Smith déplore le « manque de leadership » du maire de Québec

Jackie Smith, conseillère dans le district de Limoilou, se demande où était le maire Marchand durant les dernières années.

« Il faut envoyer le message clair au gouvernement que ça ne passera pas, affirme-t-elle. Ce qui est encore décevant avec le maire, c’est que je me demande où il était lors des mobilisations dans Limoilou contre le nickel. Pourquoi il laisse encore la place aux intérêts des minières et des lobbyistes contre la santé de ses citoyens ? »

Bruno Marchand s’est malgré tout dit « préoccupé » par l’annonce du ministère de l’Environnement et souhaitait d’abord s’informer avant de se positionner clairement. Pour Jackie Smith, il n’a pas besoin de s’informer davantage. Sa prudence témoignerait peut-être même selon elle de sa déconnexion ou de son ignorance concernant les dossiers importants pour la ville de Québec.

Céline Brulotte, citoyenne de Limoilou, aimerait que le maire « suive l’air d’aller des citoyens ». « J’aimerais qu’il se prononce en faveur des citoyens », affirme-t-elle. Ce sont en effet trois conseils de quartier de l’arrondissement qui se sont prononcés contre la hausse, donnant ainsi le ton de l’insatisfaction des résidents de Limoilou.

Rappelons que le comité exécutif devra décider s’il va de l’avant avec l’avis de proposition pour que le conseil de ville exprime son opposition à l’ajustement de la norme sur le nickel dans l’air d’ici le 17 janvier.

L’air à Limoilou : un problème « global » 

Il n’est pas déraisonnable de penser que le taux de nickel dans l’air n’est pas un problème actuellement et qu’il ne le sera peut-être pas malgré la hausse de cinq fois la limite. Il est raisonnable de penser que pour le Québec, les avantages économiques sont plus nettes que le danger que représente ce nouveau règlement pour le taux de nickel dans l’air.

Malgré cela, les citoyens jugent que le nickel doit être pris en charge comme un élément faisant partie d’une situation globale. Le problème est davantage le cocktail de polluants à Limoilou que le nickel isolé comme un des ingrédients. Le problème est aussi le message qui est envoyé à la population, en plus du moment choisi. La révision de la réglementation témoigne de la direction que prend le gouvernement, soit une direction qui parait résolument économique.

« Limoilou est déjà très affecté par plusieurs polluants atmosphériques qui viennent du port de Québec, de la papetière White Birch, du transport routier, affirme Anthony. Il faut absolument diminuer les contaminants et quand on augmente la norme sur le nickel, on ne va pas dans le bon sens. »

Selon Anthony, on se trompe si on considère que les émanations actuelles de nickel ne représentent pas un danger pour la santé humaine. « Si on en ajoute, ça augmente les impacts, poursuit-il. Les normes existent, mais en réalité, même si on respecte la norme pour une variété de contaminants, les impacts sont quand même significatifs pour la santé. »

Les citoyens sont selon lui au courant du danger que représente le cocktail de contaminants à Limoilou, ce pourquoi « ils ne se laisseront pas faire ».

Céline Brulotte trouve que le nickel est effectivement un « élément de plus et de trop ». « Peut-être que pris individuellement, comme c’est souvent le cas pour l’incinérateur ou le port… Mais ce n’est pas ça le problème, lance-t-elle. Ça manque une vision globale et ça me préoccupe beaucoup comme citoyenne. Les nouveaux projets voient le jour avec l’idée de l’économie avant la santé. Ils ne profitent même pas aux entreprises locales, mais aux multinationales. Alors il ne faut pas que ça passe. » 

À lire : le reportage de Gabriel Côté sur l’épineux dossier du nickel.

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