Changer les mentalités

Je sais qu’on sait. Je sais que le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, porte mal son titre. Il est en fait ministre du Développement industriel, de la Pollution et du Laisser-faire dans une joie de vivre absolue du Québec. 

Par David Lemelin

Je sais. 

Mais, je n’arrive pas à arrêter de m’étonner quand je l’entends soutenir les mesures qui vont à l’encontre de la mission de son ministère. Je sursaute encore, malgré le cynisme qui m’habite. 

Ainsi, concernant le rehaussement de la norme de nickel dans l’air (5 fois plus), le ministre de « l’Environnement » se réjouit du fait que les nouvelles normes aideront les entreprises.

Oui, on s’en doute. 

On aidera des entreprises étrangères (comme l’anglo-suisse Glencore), on favorisera le business en Ontario et en Norvège. Oui, oui. Et le Québec en profite largement par l’activité économique du Port qui en découle et les entreprises d’ici qui entrent en jeu dans le processus, c’est vrai.

Mais, ne sommes-nous pas rendus à un changement de mentalités? À un changement d’approche?

Si l’air de Limoilou ne posait aucun problème, j’aurais du mal à m’opposer à une hausse du nickel dans l’air du secteur. L’ennui, c’est qu’on sait DÉJÀ qu’il y a des problèmes récurrents. On sait DÉJÀ que les normes sur le nickel sont dépassées fréquemment (depuis 2015, elles ont été entièrement respectées seulement un mois sur quatre, rappelle Bourque dans Le Soleil).

L’Agence d’évaluation d’impact du Canada a déjà dit non au projet Laurentia, justement sur la base de la qualité de l’air qui « représente déjà un enjeu pour la santé humaine ». Ainsi, pour ressembler à l’Ontario et à l’Europe, on est prêt à s’ajuster en étant moins bon, côté santé publique et qualité de l’environnement.

Je ne suis pas naïf. Je sais que le développement économique ne se fait pas à coût nul ou sans impact sur l’environnement et la santé publique. Nous acceptons de payer ce prix depuis des siècles et des siècles, parce que ça toujours été comme ça. 

Amen.

Mais, en ces temps où la planète nous dit clairement de rehausser notre vigilance et non pas notre convoitise économique, en ces temps où les résidents sont de plus en plus soucieux de la qualité de vie de leur milieu, est-ce qu’on n’en serait pas rendu à classer nos priorités différemment? Va-t-on s’écrouler économiquement si on se montre sévère quant à la qualité de l’air de nos quartiers?

Bien sûr que non. Oh, la mentalité traditionnelle vous dira que oui. Mais, ne sommes-nous pas rendus à défendre les intérêts des citoyens, d’abord?

Attendre les études scientifiques? Oui, bien sûr. Mais, on sait déjà qu’il y a un problème de santé publique et d’environnement dans le secteur. Alors, pourquoi chercher le trouble? La situation de Limoilou est certes complexe et ne se résume pas à la présence du nickel dans l’air, c’est vrai (incinérateur, bois de chauffage, etc.). Mais, est-ce une raison pour en rajouter?

Non, je ne crois pas.

En tout cas, les trois conseils de quartier du secteur n’en veulent pas. Tant mieux. Pour eux, qualité de l’air rime avec qualité de vie. Et me semble-t-il que les élus sont des représentants du peuple, des citoyens. Pas des entreprises. Ça ne veut pas dire de ne pas développer le business. Ça veut dire de respecter d’abord le sens profond de la démocratie : les gens n’en veulent pas et ils ont de bonnes raisons de s’y opposer? 

Alors, c’est non.

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