Les journalistes et les candidats à la mairie discutent

Les cinq candidats à la mairie de Québec. De gauche à droite : Marie-Josée Savard, Jean Rousseau, Jackie Smith, Bruno Marchand et Jean-François Gosselin. École nationale d'administration publique. Crédit photo : Sophie Williamson.

Mardi soir a eu lieu un panel organisé par la Fédération professionnelle des journalistes du Québec qui avait pour thème la relation entre les membres des médias et la mairie.

Au menu, Marie-Josée Savard (Équipe Marie-Josée Savard), Jean Rousseau (Démocratie Québec), Jackie Smith (Transition Québec), Bruno Marchand (Québec Forte et Fière) et Jean-François Gosselin (Québec 21) discutent de présence médiatique et de transparence, sans jamais être bien loin de faire de la politique.

Le « traumatisme » Labeaume

D’entrée de jeu, il faut dire qu’il existe quelque chose comme un « traumatisme » ou une blessure causée par le maire sortant, Régis Labeaume. Les journalistes semblent marqués par des évènements où ils ont senti qu’on leur manquait de respect ou qu’on refusait de leur donner les informations qu’il demandait.

Le but n’était toutefois pas, du moins pas uniquement, de faire le procès de Labeaume, mais de rassurer ces journalistes. Ils veulent avoir la confiance que le traitement de l’administration future à l’endroit des travailleurs médiatiques sera différent.

Marie-Josée Savard a du répété qu’elle n’était pas la même personne que le maire, même si son administration poursuit son travail. C’est-à-dire qu’on peut partager les mêmes idées, la même vision et s’inscrire en continuité avec quelqu’un sans partager son caractère et sa manière de faire.

La dauphine de Labeaume a en somme très bien répondu à l’inquiétude des journalistes et elle a fait part d’un certain malaise qu’elle éprouvait elle-même à l’égard de certains comportements ou pratiques du maire. Bruno Marchand a sauté sur l’occasion pour lui demander pourquoi elle n’a rien dit ou rien fait.

Faire la part des choses

Connaissant le tempérament du maire, nous pouvons sans difficulté imaginer une réticence à s’y opposer. Certains diront que ce « climat de terreur » est inadmissible. On pourrait aussi dire que le respect, à la fois d’une personne, mais aussi de la fonction et du rôle qu’elle représente, impose parfois naturellement une certaine retenue.

Il ne faut pas oublier qu’on peut dire que Régis Labeaume, malgré son caractère explosif, colérique et sa sincérité parfois désopilante, est le maire le plus apprécié et le plus marquant de l’histoire de la ville de Québec. Son attitude bouillante, son leadership sans détour, lui a permis d’administrer la ville d’une main de fer et de mener à terme des projets qui ont fait le bonheur de la plupart des québécois.

Cela ne veut pas dire qu’on doit s’abstenir de le critiquer. Le fait que certains journalistes se sont retirés du milieu municipal ou ont démissionné à cause d’un traitement irrespectueux de la part du maire est déplorable.

Néanmoins, il faut faire la part des choses, puisque le rôle des médias et celui d’une administration efficace peuvent entrer en conflit. Les buts visés sont parfois incompatibles et les acquis de l’un peuvent nuire à l’autre. On ne peut pas exiger du maire qu’il soit complètement soumis aux exigences du milieu médiatique, tout comme on ne peut attendre des journalistes qu’il modifie leur pratique en faveur du politique.

Le rapport entre chaque candidat et les médias

Les aspirants à la mairie étaient invités à parler de leur rapport aux médias durant les dernières semaines.

Jean-François Gosselin débute en proposant de comparer cette relation à celle d’un vieux couple. « C’est de l’amour/haine, explique-t-il, parfois il y a des bonnes journées et parfois des mauvaises. »

Bruno Marchand juge les relations qu’il développe avec les médias comme étant intéressantes, « puisque ce sont des humains qui se rencontrent ». Il explique aussi qu’il faut accepter un état de fait, soit que « les médias ne sont pas les porte-voix des partis politiques ». « Les médias sont des citoyens et doivent maintenir une saine distance avec notre propagande, soutient-il, ce qui est essentiel à une saine démocratie. » 

Jean Rousseau exprime un besoin d’amélioration. Il déplore d’abord que « les débats ne soient pas vraiment des débats », qu’il n’y ait pas « d’échanges costauds ». Il réplique à ce qu’il qualifie d’une « communication de façade » qui fait abstraction des idées ou du contenu. « C’est de la politique spectacle où les médias donnent plus d’attention à celui qui est le plus en avance », affirme-t-il.

Jackie Smith avoue qu’elle ne s’attendait pas à avoir une telle couverture médiatique. Elle souligne que oui, des candidats apparaissent plus souvent dans les journaux et à la télévision, comme Bruno Marchand, mais que cela dépend des standards journalistiques. Son expérience est donc positive et est « la preuve que le mouvement proposé par Transition Québec prend de l’ampleur ».

Marie-Josée Savard soutient qu’elle a « beaucoup de plaisir et énormément de respect » pour le travail médiatique. Elle déplore aussi comme Jean Rousseau que parfois ce ne soit pas « le contenu qui ressort ». Elle juge dommage que « si elle réagit aux autres candidats, ce sera la première ligne d’un article et qu’il y aura un petit paragraphe réservé pour le contenu ». Néanmoins, elle apprécie le travail des journalistes qui lui « permet d’évoluer et de se remettre en question ».

L’enjeu de la présence médiatique occupée par la Ville

Régis Labeaume est connu du milieu de la communication comme ayant transformé la manière de faire, notamment par la fréquence importante de ses points de presse ou de ses annonces. Il y a eu une explosion de la demande de couverture et les journalistes ont vu une grande partie de leur activité se concentrer autour de l’Hôtel de Ville. Marie-Josée Savard raconte d’ailleurs qu’au début, certains journalistes se faisaient chicaner lorsqu’ils n’allaient pas écouter le maire parce qu’il annonçait presque toujours quelque chose d’important, un ou des scoops.

Selon elle, c’est que Labeaume « avait envie de propager les bonnes nouvelles ». Elle suggère toutefois qu’elle adopterait un rythme plus lent si elle est devient mairesse, que « certaines choses sont incontournables et doivent être établies comme telles ».

Jean Rousseau affirme que oui, « la maire donnait un bon show », mais « qu’il manquait de respect » et était finalement un « maire intimidateur ». Il certifie qu’il n’est lui-même « pas capable de cette omertà » et qu’il ne refuserait pas de répondre à certains journalistes ou qu’il ne boycotterait aucune radio.

Jackie Smith propose de se questionner sur l’importance des annonces faites, pour ne pas « bouffer toute l’énergie des médias ». « Il faut être ciblé et pertinent pour laisser la place à d’autres nouvelles », affirme-t-elle.

Quant à lui, Bruno Marchand suggère de mettre plus de conseillers de l’avant, en rappelant que « la Ville est porté par plusieurs personnes ».

Tous les candidats se sont d’ailleurs mis d’accord sur l’importance des membres de l’équipe, du travail pluridisciplinaire et du défi de tendre vers une plus grande représentativité des différents acteurs.

Jean-François Gosselin souligne ce défi. « Il existe une hiérarchie, explique-t-il, la campagne est orientée vers les chefs, mais on est tous fiers de nos équipes respectives et on veut les mettre de l’avant. »

La question de la transparence et de l’accès à l’information

Ce sujet a permis à plusieurs de se vider le coeur concernant « la difficulté d’accéder à l’information et le manque de transparence » qu’ils ont constaté pendant l’administration de Régis Labeaume.

Sa dauphine soutient qu’elle a « tendance à penser qu’à Québec, il est facile d’avoir de l’information ».

Bruno Marchand affirme qu’il n’est pas d’accord avec Madame Savard et qu’il y a « beaucoup de place pour plus de transparence ». Il souhaite que les données soient plus ouvertes et digestibles. « En ce moment c’est compliqué avec la Ville, soutient-il, la démocratie en souffre et la corruption est plus grande. Un politicien doit servir l’institution. »

Jean-François Gosselin va plus loin en disant que « la transparence avec l’administration sortante est un désastre ». Il souhaite que les informations concernant les dépenses des élus deviennent facilement accessibles. « Il faut qu’il y ait une transparence totale en démocratie, affirme-t-il, puisque c’est l’argent des citoyens qu’on dépense. » 

Dans le même sens, Jackie Smith présente certains critères qu’elle imposerait à son parti, comme de rendre publique les séances pour préparer les budgets et d’instaurer un bureau de consultation publique indépendant.

Jean Rousseau ajoute que « tout est à changer » et cite des exemples problématiques auxquels il a été confronté, comme la difficulté d’accéder à des informations concernant le tramway. Il s’oppose à ce qu’il qualifie d’une « culture du secret ».

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