Le 3e lien au municipal : une tempête dans un verre d’eau

Image du gouvernement du Québec.

Au débat organisé par FM93, une prise de bec entre les aspirants à la mairie concernant le 3e lien révèle le flou autour de la notion de leadership et l’équilibre difficile entre la passion politique et le pragmatisme.

Bruno Marchand, Marie-Josée Savard maintiennent une position nuancée alors que Jean-François Gosselin défend être le seul à offrir aux électeurs une réponse claire.

« Pour ou contre » le 3e lien

Pour résumer la prise de bec, le chef de Québec 21 exige de ses deux adversaires une réponse sans équivoque à la question suivante : « Êtes-vous pour ou contre le 3e lien ? »

La discussion qui s’en suit est particulièrement fascinante, non seulement parce qu’elle est comique, mais parce qu’elle nous donne l’impression d’être face à un problème insoluble.

D’un côté, l’électeur souhaite que celui qui le gouverne soit un leader ; c’est-à-dire qu’il ait une vision claire, soit transparent et annonce clairement ses prises de position. Par ailleurs, l’électeur apprécie aussi la retenue et la nuance d’un chef lorsqu’il s’agit de se prononcer sur un projet, 1) embryonnaire et 2) qui ne le concerne même pas directement. On apprécie la franchise de Jean-François Gosselin et sa cohérence tout comme on trouve sage le pas de recul de Bruno Marchand et de Marie-Josée Savard.

Pour ou contre : l’échange radiophonique

JFG : « Ma question pour vous c’est, êtes-vous pour ou contre ? »
BM : « On va attendre de voir les études. »
JFG : « Vous vous défilez. Êtes-vous pour ou contre le 3e lien ? » 
BM : « Je me répète : je suis pour une amélioration de la mobilité entre la rive sud et la rive nord, mais pour le 3e lien, ça va dépendre des effets environnementaux. Vous vous en souciez peu vous de l’environnement. » 
JFG : « Vous essayez de vous défilez. Est-ce que Québec a besoin d’un 3e lien ? »
BM : « Votre question est plantée. »
MJS : (en essayant de rectifier le tir) : « À Montréal, il y a une vingtaine de liens. Est-ce qu’on peut être contre un lien entre Lévis et Québec ? Non. On est pour un lien supplémentaire. Par contre, on doit attendre avant de se prononcer. On a besoin des résultats des études sur l’étalement urbain. » 
JFG : « Mais vous êtes supposée être la leader : êtes-vous pour ou contre le 3e lien ? »
MJS : « Mon dieu, je ne peux pas croire que je vais encore répéter la même chose. »
JFG : « Je suis le seul qui a une position claire. Nous on est POUR le 3e lien. »
BM : « Comment vous faites pour appuyer le projet du gouvernement provincial tout en défendant les citoyens de la ville ? On a besoin de s’assurer des conditions pour protéger leurs intérêts. »
JFG : « Vous êtes contre, mais vous n’avez pas le courage de le dire. Les citoyens ont le droit de savoir, l’élection c’est le 7 novembre. Nous on est clair : on est POUR le 3e lien. »
BM : « Vous êtes en train de signer un chèque en blanc en ne connaissant pas les conditions. » 
MJS : « On peux-tu passer à une autre question !? » 

La nuance et le réalisme politique

Dans cet échange, c’est la nuance qui fait bonne figure. Pourquoi ? Parce que les citoyens eux-mêmes peuvent difficilement se faire une tête sur le 3e lien. Ceux qui sont fermement contre le demeureront et ceux qui sont fermement pour aussi. Par ailleurs, ceux qui sont indécis doivent attendre de constater l’évolution du projet. Certains se demandent d’ailleurs s’il verra vraiment le jour…

Surtout, c’est un enjeu provincial. Certes, il peut être pertinent que le maire s’exprime sur sa vision de la ville de Québec par rapport à la province du Québec dans laquelle elle fait partie. Toutefois, en faire un enjeu électoral n’est pas raisonnable. On peut donner son avis sur ce qui se passe au niveau fédéral et qui nous concerne comme citoyens canadiens, mais on ne peut pas demander aux citoyens de Québec de voter pour nous parce qu’on donne clairement notre avis.

La passion du leader et le courage

Toutefois, la passion qu’exprime Jean-François Gosselin témoigne d’un engagement clair envers les citoyens. Jean-François Gosselin est un passionné. Il désire que la ville de Québec ait son mot à dire, ait une voix forte même dans les projets à plus grand déploiement, comme le 3e lien.

Un bon maire doit avoir une vision du type de société qu’il entend valorisé, des enjeux prioritaires et de la force de son engagement politique. Le chef de Québec 21 ici est sans ambiguïté : l’avenir de la ville repose sur une transformation et une amélioration de la mobilité. Il le répète : ce qu’on décide en ce moment affectera nos enfants, « on vote pour des projets qui auront des conséquences pour 25-50-75 ou même 100 ans », dit-il souvent.

Le fait donc de ne pas se prononcer clairement est selon ce point de vue un problème. C’est ne pas voir ou ne pas saisir l’importance, la primauté, de l’enjeu de la mobilité. C’est se défiler dans le sens où on préfère la prudence politique, qui peut aussi avoir le défaut d’être une posture électoraliste, à un engagement passionné.

Or, Jean-François Gosselin confond possiblement le leadership avec le courage. Oui, le leader doit mener les troupes, mais celui qui le fait doit avoir une connaissance suffisante de ce qu’il défend et avoir de son côté le pouvoir d’agir. Avec l’exemple du 3e lien, il exprime plutôt le courage politique, certains pourraient dire la témérité, de se tenir ferme devant l’indécision de ses adversaires.

Finalement, la chicane n’est pas tant une tempête dans un verre d’eau.

LE vs UN : bref survol sémantique

UN troisième lien : lorsqu’on réfère à un lien entre la rive sud et la rive nord, on parle de « l’idée générale ». Ce lien formel pourrait ensuite accueillir différents contenus, s’actualiser différemment, mais ce n’est pas cela dont il est question. Il s’agit simplement d’un lien en tant que tel.

LE troisième lien : lorsqu’on réfère au 3e le lien entre la rive sud et la rive nord, on parle du lien prévu par le gouvernement caquiste. Il s’agit ici d’un lien particulier, avec ses caractéristiques propres de lien qui ne concerne que lui. (Par exemple, le type de véhicules qu’il pourra accueillir, l’entrée, la sortie, le tracé, le coût, la manière de le construire, le début et la durée des travaux, etc.)

Bruno Marchand et Marie-Josée Savard sont donc POUR UN LIEN, mais indécis concernant LE LIEN. Jean-François Gosselin est POUR UN LIEN et POUR LE LIEN.

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