Le meilleur des mondes : Être ou ne pas être

Un acteur de la pièce Le meilleur des mondesPhoto : Stéphane Bourgeois

Jusqu’au 9 octobre 2021, Le Trident présente la pièce Le meilleur des mondes mise en scène par Nancy Bernier. Guillaume Corbeil signe les textes de cette adaptation de l’oeuvre futuriste d’Aldous Huxley parue en 1932 (Brave new world) où le bonheur devient un droit, voir même un devoir absolu au prix d’une déshumanisation.

Par Julie Bourassa

Je suis toujours fascinée quand je vois à quel point l’homme change peu au fond. Près de 90 ans plus tard, ce livre de science-fiction trouve encore écho dans notre société dite moderne. Probablement parce que la quête du bonheur, la quête de sens habite l’homme depuis la nuit des temps. Mais à quel point peut-il s’y perdre en chemin? C’est ce que vit le personnage principal de la pièce, Bernard, interprété par David Bouchard. De caste Alpha, représentant l’élite dirigeante, Bernard se questionne sur ce rang le plus élevé qui lui a été attribué dès sa conception en laboratoire. Il se sent différent, pas à la hauteur, voir malheureux, mais il s’entête à suivre les règles que lui dicte cette société axée sur la productivité et la consommation. Mais qui est-il sans ce conditionnement prédestiné? J’ai mis plusieurs minutes à vraiment connecter avec ce personnage exubérant, mais rapidement, son humour et sa vulnérabilité m’ont conquise. 

La vie de Bernard bascule lorsque Linda et son fils John, poète romantique, débarquent chez lui, venus de l’extérieur des murs, là où les livres, l’art et les émotions existent encore. La fouge de John viendra remettre en question ce qu’est réellement le meilleur des mondes. Est-ce un monde où tous nos désirs, tant corporels que matériels, sont assouvis? Est-ce un monde où le divertissement et le Soma, petite pilule du bonheur, prend toute la place, nous coupant de nos angoisses, de nos émotions négatives et de tout esprit critique? Après tout, la peine c’est contre-productif.

Une phrase de la metteur en scène résume parfaitement ce déchirement vécus par les personnages de la pièce : Je ne veux plus être heureuse, je veux être vivante.

D’ailleurs cette mise en scène sert bien le propos. Le décor aux lignes droites sied bien à cette société qui mise sur la stabilité sociale, la rigidité formatée et l’absence d’individualité. Les projections diffusées par de grands écrans ainsi que la trame sonore omniprésente crées l’ambiance de ce monde où les sensations ne sont que virtuelles, mais bombardent aussi le spectateur, ne lui laissant que peu de temps pour bien absorber les nombreuses réflexions que suscitent la pièce. Encore ici, le propos et le format se rencontrent. Notre société ne cherche-t-elle pas à limiter nos prises de conscience à grands coups de publicités, de quiz télévisés et de divertissements éphémères?

Malgré tout, assis pendant près de 2 heures devant ce meilleur des mondes au bonheur forcé, on rit beaucoup. Les clins d’oeil sont nombreux et décrochent à coup sur de grands éclats de rire. Parmi mes personnages préférés, la journaliste, interprétée par Sophie Thibeault, qui nous rappellent, avec humour et ironie, ceux qui occupent notre petit écran au quotidien.

Une pièce à voir pour son propos actuel et qui prendra de la maturité et de l’assurance dans son interprétation au fur et à mesure des représentations.

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