Débat dans Taschereau : deux visions du modèle politique s’affrontent

Débat organisé par la Table de quartier Engrenage Saint-Roch et le Centre résidentiel et communautaire Jacques-Cartier (CJC) au Dôme du CJC. Crédit photo : Sophie Williamson.

Ce mercredi soir a eu lieu un débat de fond au Dôme du CJC entre trois candidats, Jeanne Robin, Étienne Grandmont et Marie-Josée Hélie, qui se présentent dans la circonscription de Taschereau.

L’échange a été ponctué de désaccords entre la candidate conservatrice et les deux autres candidats, péquiste et solidaire, concernant notamment la privatisation et l’interventionnisme de l’État.

On a eu droit à un vrai débat entre deux visions opposées du modèle politique au Québec. L’une revendique une intervention plus grande du gouvernement pour offrir de meilleurs services et « ne laisser personne derrière ». L’autre défend que le problème est justement cette omnipotence du système public qui limite les initiatives et la liberté du marché ; liberté qui permettrait l’amélioration des conditions de vie de tous les citoyens.

Notons que la salle était comble et que la candidate caquiste Pascale St-Hilaire n’a pas accepté de participer après plusieurs demandes et le candidat libéral Ahmed Lamine Touré qui avait pourtant confirmé sa présence manquait à l’appel.

La crise environnementale

La candidate conservatrice Marie-Josée Hélie a débuté en racontant son parcours, plus spécifiquement le temps qu’elle a passé à l’île d’Anticosti où elle a participé à la mise en oeuvre d’une ferme en autosuffisance alimentaire. Elle raconte avoir appris beaucoup de choses en environnement et explique que c’est pour cette raison qu’elle a décidé de se lancer en politique.

Étienne Grandmont a abordé d’entrée de jeu la crise climatique comme l’enjeu principal de sa campagne. Jeanne Robin a aussi exprimé sa conviction « qu’il est urgent d’agir pour l’avenir ». Les trois candidats sont donc d’accord sur l’importance de la cause environnementale et n’hésitent pas à critiquer le bilan et l’attitude de la CAQ à cet égard.

Les candidats solidaire et péquiste proposent des solutions qui vont dans le même sens, malgré certaines variations notables que nous ne précisons pas ici. Il ne fait pas de doute pour eux qu’il faut s’attaquer à la cause principale de la pollution au Québec, soit les émissions de GES, par la valorisation du transport collectif.

Pour Marie-Josée Hélie, il est clair que le Québec pourrait être un allié environnemental sur la scène internationale. C’est-à-dire qu’elle propose de penser d’abord la solution à la crise climatique d’un autre point de vue en reprenant à son compte l’argumentation de son chef Éric Duhaime. En gros, l’idée est que si le Québec acceptait d’exploiter ses hydrocarbures, les autres pays auraient moins besoin d’exploiter des ressources plus polluantes comme le charbon. Ainsi, ce serait l’émission totale, planétaire, de GES qui diminuerait.

Globalement, on lutterait ainsi contre le réchauffement climatique tout en s’enrichissant par l’exportation. L’argument de la candidate conservatrice est essentiellement qu’un Québec plus riche aurait plus de ressources financières pour investir dans la lutte environnementale.

C’est aussi pourquoi le parti promet de baisser les taxes sur l’essence ; pour éviter de freiner les initiatives économiques. Marie-Josée Hélie utilise l’exemple du tracteur utilisé sur l’île d’Anticosti, « qui ne fonctionnait pas à l’eau ».

« Ce sont les nations prospères qui s’occupent de leur environnement », a-t-elle conclu.

Quant aux cibles de diminution des GES des autres partis, la candidate conservatrice soutient la même idée que son chef ; soit que ce sont des surenchères irréalistes ou « un concours des plus vertueux ».

Cette critique d’une « morale environnementaliste » n’a pas ébranlé Étienne Grandmont qui a réitéré avec conviction que la lutte au changement climatique est l’enjeu prioritaire. « À Québec solidaire, on ose parler des vraies affaires », a-t-il soutenu en donnant comme exemple la taxe aux véhicules les plus polluants. Il a aussi soutenu que le Québec a le devoir d’être un leader et qu’il a les moyens de le faire.

La candidate péquiste a ajouté une considération qui n’a pas été entendu souvent durant la campagne, soit que la lutte au changement climatique peut être l’occasion de repenser l’urbanisme ; la manière dont sont construits les quartiers. La lutte n’implique pas selon cette vision que des sacrifices et des deuils.

Ce qui veut dire selon Jeanne Robin que les mesures de transport en commun donnent une occasion de rendre les milieux de vie plus agréables pour les citoyens. Elle nomme à cet égard plus de verdure, de zones de fraicheur, de vie de quartier, de commerces de proximité, etc.

Étienne Grandmont rebondit sur cette vision de la lutte en affirmant que « c’est un projet emballant ».

Les organisateurs ont laissé une chaise libre pour la feuille représentante de la CAQ. Crédit photo : Sophie Williamson.

La crise en santé

Pour le candidat solidaire et ses adversaires, il est clair que le fait que toutes les promesses en santé des dernières années n’ont pas été accomplies est une « démonstration que ça ne fonctionne pas ».

Mais qu’est-ce qui ne fonctionne pas ? Là-dessus, les candidats divergent, sauf sur deux points. Ils s’entendent sur l’importance de séparer nettement le système de santé public du politique, rappelant leur confusion en période pandémique. Bref, ils sont d’accord que la santé soit totalement indépendante. Les adversaires s’entendent aussi sur la nécessité d’investir davantage dans les soins à domicile.

Par contre, le désaccord se situe au niveau de l’identification du problème. Pour Étienne Grandmont et Jeanne Robin, la cause du problème est l’augmentation de la place du privé en santé. Le système de santé n’étant plus véritablement public selon eux, leur solution est de refaire du CLSC la porte d’entrée du système et d’offrir de véritables soins de proximité gratuits.

Pour assurer cette universalité des soins que revendiquent les candidats péquiste et solidaire, Marie-Josée Hélie estime qu’il faut plutôt « miser sur la concurrence ». Selon elle, davantage de privé en santé pourra stimuler le sens des initiatives en matière de soins. La candidate conservatrice croit que « l’inefficacité aiguë » du modèle actuel vient de « l’idéologie du tout à l’État ».

Étienne Grandmont a réagit en affirmant « qu’il n’y a jamais eu plus de privé que dans la dernière année ». « Si ça marchait, on le saurait », a-t-il laissé tomber.

Jeanne Robin a ensuite référé à l’inefficacité du système privé des États-Unis et son adversaire conservatrice a tenu à « remettre les pendules à l’heure ». Elle a expliqué que son parti s’inspirait plutôt des modèles de « pays socio-démocrates », citant les pays scandinaves.

« Toujours plus d’argent (dans les services publics), ça ne fonctionne pas, a-t-elle lancé. Le modèle ne fonctionne pas. »

La candidate a d’ailleurs affirmé lorsqu’il était question du problème de pauvreté et de justice sociale que « le taux de pauvreté est le plus faible là où les gens ont le plus de liberté économique ».

Elle soutient que le libre marché permet de générer le plus de revenu possible et que ça profite finalement à tous. C’est d’ailleurs pourquoi son parti propose d’abaisser les impôts, pour laisser « plus d’argent dans les poches des citoyens », pour encourager leurs activités économiques.

Pour Jeanne Robin et Étienne Grandmont, la solution à la pauvreté passe davantage par la reconnaissance des causes structurantes, notamment la crise du logement. L’État doit d’après ce point de vue mieux répartir la richesse et financer davantage les services sociaux.

Un nouveau paradigme

En conclusion, les crises pourraient trouver des solutions opposées selon le modèle qu’on estime le plus efficace ou le meilleur. Le point commun des deux perspectives présentées par les candidats de Taschereau est qu’elles ne semblent pas fonctionner lorsqu’il y a un mélange des deux ; soit lorsqu’on essaie de faire un compromis entre le socialisme et le libéralisme économiques.

Finalement, il semble que ce soit un système « à deux vitesses idéologiques » que dénoncent les candidats. On peut dire que malgré leur incompatibilité, ils s’opposent à la CAQ d’une même voix.

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