Les cordonniers mal chaussés de l’insécurité alimentaire

Les marchés solidaires au Café PECH-Sherpa, initiative pour la sécurité alimentaire, reprendront dès le 24 janvier, tous les mardis soirs. (Crédit photo : Laurie Boivin)Les marchés solidaires au Café PECH-Sherpa, initiative pour la sécurité alimentaire, reprendront dès le 24 janvier, tous les mardis soirs. (Crédit photo : Laurie Boivin)

30 % des utilisateurs des services de dépannage alimentaire ont des revenus d’emploi. De plus en plus, les travailleurs du communautaire rencontrent eux-mêmes des enjeux d’insécurité alimentaire.

Par Estelle Lévêque

En 2023, le Bilan-faim, qui dresse le portrait de l’insécurité alimentaire dans la province, recensait une hausse historique des demandes d’aide dans la région de Québec. Chaque mois, près de 80 000 personnes sont aidées par le réseau d’aide alimentaire ; une hausse de 27 % au cours de la dernière année.

Plus de détresse

Sur le terrain, les organismes communautaires dressent le même bilan. « Il y a plus de demande, et plus de détresse », soutient Lydia Trahan, responsable de la programmation à Sherpa, dans le quartier Saint-Roch. L’organisme PECH-Sherpa offre, depuis 30 ans, des services pour accompagner des personnes multi-éprouvées vers le rétablissement.

Laurie Boivin, coordonnatrice de l’équipe de stabilité résidentielle et vie communautaire à PECH, constate cette hausse à une échelle de plus en plus large. « On a des collègues qui gagnent vraiment peu, dans le communautaire. Ce sont parfois aussi des gens qui se ramassent avec des enjeux de sécurité alimentaire. On parle des gens qu’on accompagne, mais on parle peu de ce qui se passe au niveau même des équipes du communautaire. »

Parmi ses collègues, plusieurs ont eu recours, cette année, aux services de banque alimentaire ou aux marchés solidaires. « Ça n’a pas de sens qu’on se retrouve à utiliser les services qu’on offre aux gens », ajoute Lydia. 

Face à cette précarité de l’emploi, Laurie et Lydia ont vu plusieurs employés quitter le milieu du communautaire pour rejoindre celui de la santé. « Ce n’est pas la panacée non plus, on s’entend, mais les salaires sont un peu plus corrects », commente Laurie. En 2024, l’équipe de PECH-Sherpa souhaite augmenter la mobilisation autour des conditions de travail et du financement dans le communautaire.

Un milieu délaissé

« Nous, ça fait longtemps qu’on est là. Avec de l’ancienneté, on a un salaire correct. [Lydia travaille pour l’organisme depuis 13 ans, Laurie depuis 8 ans] Mais pour les gens qui rentrent, c’est pas évident. Le salaire de base n’est pas très élevé, alors qu’on parle de gens qui ont fait des études et obtenu des diplômes. »

Lydia Trahan, responsable de la programmation à Sherpa

Du côté de l’organisme Nourrir la basse-ville/Du potager à l’assiette, le manque de financement accordé au communautaire accentue la pénurie de main d’œuvre.

« Quand on arrive à financer des projets, souvent, on n’arrive même pas à couvrir un salaire décent, encore moins offrir de bonnes conditions de travail. C’est-à-dire des assurances, des vacances, … Ne pas être capable d’avoir des bonnes conditions d’emploi et un salaire attractif fait qu’on a de la difficulté à recruter. Recruter des gens, notamment des gens compétents, c’est extrêmement difficile en ce moment. »

Maripier Deraspe, co-coordonnatrice de développement de projets – Équipe de sécurité alimentaire Basse-Ville, au YMCA Saint-Roch et membre de l’organisme Nourrir la basse-ville

Des actions pour des besoins divers

Afin de répondre aux besoins des personnes accompagnées, l’organisme PECH-Sherpa offre des services multiples. Entre autres, il propose de l’aide au logement, un accompagnement sur le long-terme, des services de crise ou encore de la médiation culturelle.

Du côté de l’alimentation, des marchés solidaires, en collaboration avec Le potager à l’assiette (Nourrir la Basse-ville), ont lieu au Café PECH-Sherpa depuis l’automne. Ce service hivernal attire de nombreux clients, depuis le premier jour.

Par ailleurs, Sherpa a développé un partenariat avec le CIUSSS, pour mettre en place les ateliers Nourrir. Ces ateliers de groupe permettent aux participants de bénéficier des conseils et informations d’une nutritionniste. « La bouffe est chère, donc veut, veut pas, les gens doivent cuisiner plus », explique Lydia. « Donc il faut apprendre à s’alimenter, apprendre à cuisiner des aliments inhabituels. Les ateliers viennent combler à la fois ce besoin d’information et un besoin de social. »

L’aspect communautaire de l’activité crée un espace propice aux rencontres. Par la suite, certains locataires ont pris l’initiative de se rassembler pour acheter des denrées et les cuisiner ensemble. Une fabrication en plus grande quantité qui permet une alimentation plus économique.

Enfin, à la belle saison, un toit vert est disponible pour les locataires des logements de PECH-Sherpa. Un comité est impliqué dans le projet, et les fruits des récoltes sont offerts aux locataires.

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