34B, ou comment écrire l’histoire au théâtre

34B est présentée à La Bordée jusqu'au 20 mai. Crédit photo : Vincent Champoux34B est présentée à La Bordée jusqu'au 20 mai. Crédit photo : Vincent Champoux

Entrevue avec Isabelle Hubert, auteure de 34B, une pièce de théâtre qui s’inspire de l’histoire d’ouvrières de la Dominion Corset au fil des époques.

Par Estelle Lévêque

La Fabrique est un édifice emblématique du quartier Saint-Roch. À partir de 1886 et pendant une centaine d’années, il est occupé par l’entreprise Dominion Corset, qui produisait et exportait de la lingerie féminine sur le marché international.

La pièce de théâtre 34B, présentée à La Bordée jusqu’au 20 mai, est construite sur l’Histoire de cette manufacture et des ouvrières qui y travaillaient. Isabelle Hubert, auteure de la pièce, évoque avec nous l’exercice auquel elle s’est prêté, et les enjeux liés à l’écriture théâtrale liée à des faits historiques.

Les débuts de la pièce 34B

Qu’est-ce qui t’a mené à l’écriture de 34B ?

Isabelle Hubert : En fait, la réponse est très simple : on me l’a demandé. (rires) Marie-Josée Bastien, la metteure en scène, et Michel Nadeau, directeur artistique de La Bordée, se sont rapidement entendus sur la pertinence du projet. Ils cherchaient alors une autrice et se sont tournés vers moi, connaissant mon intérêt pour ce genre de projet. J’ai tout de suite dit oui. Puis, plus spécifiquement, l’histoire des femmes m’intéresse particulièrement.

Qu’est-ce qui t’a donné envie de te lancer dans un projet en lien avec l’histoire ? 

J’ai vite réalisé que c’était un projet d’une envergure pas banale. J’avais déjà touché à certains projets historiques, mais celui-ci, c’est sans doute le plus grand de ma carrière. J’ai toujours eu une pudeur dans le fait de parler de quelque chose que je ne connais pas. Ça me semblait inaccessible de maîtriser une époque. Dans 34B, il y en a sept différentes, d’époques (rires). Alors j’ai dû faire beaucoup, beaucoup, beaucoup de recherches pour être assez à l’aise pour faire évoluer de personnages dans chacun des contextes.

Les faits et la fiction

Sur quoi t’es tu appuyé pour connaître l’histoire de la Dominion Corset ?

Mathieu Du Berger, un historien de l’université Laval a fait un travail extraordinaire au sujet des ouvrières de la Dominion Corset (Les ouvrières de Dominion Corset à Québec, 1886-1988). Il est allé les interviewer, il a pu témoigner de la vie quotidienne à travers 100 ans d’existence de la compagnie. Ça a été extrêmement précieux comme outil. Ça a mis en lumière un certain nombre d’anecdotes vraiment intéressantes au côté desquelles je ne pouvais pas passer.

Quel genre d’anecdote ?

Par exemple, dans les années 60, les filles ont organisé un sabotage des machines. Elles ont toutes appuyé en même temps, à la même heure, sur les pédales. Ça a fait sauter le moteur et leur a donné un après-midi de congé. Il raconte aussi l’incendie de la Dominion Corset, et tout un paquet de micro-informations au sujet du fonctionnement des lieux : l’organisation de la cafétéria, le droit ou non qu’avaient les ouvrières de se lever de leur chaise, le petit manuel de l’ouvrière dans lequel on leur recommandait d’être polies, etc.

Dans ce type d’écriture, quelle place on accorde aux faits et quelle place on laisse à l’imagination ?

Je me suis nourrie de toutes ces informations, puis j’ai inventé des histoires purement fictives. La majorité d’entre elles pourraient exister dans d’autres contextes ou époques. Quand on écrit du théâtre, on va chercher des émotions, des traits d’humanité. Après l’écriture, j’ai dû m’assurer que le contexte était crédible. Quand est-ce que le droit de vote des femmes est arrivé précisément ? Est-ce qu’on utilisait le mot féminisme à cette époque-là ? À quel restaurant on mangeait en 1929 à Québec ? Ça m’a demandé énormément de recherches.

En conclusion

Pour Isabelle Hubert, la recherche historique pose la question importante de nos origines. « C’est l’accumulation d’un certain nombre d’événements qui a façonné le monde dans lequel on est. Si ces femmes n’avaient pas été là, avec leur scolarisation presque nulle et leur carrière à la Dominion Corset aussi peu valorisée, il n’y aurait peut-être pas, aujourd’hui, de femmes médecins. Il n’y aurait peut-être pas eu de femme premier ministre au Québec. On veut redonner cette gloire à ces femmes-là. »

34B, écrite par Isabelle Hubert et mise en scène par Marie-Josée Bastien, est présentée au théâtre la Bordée du 25 avril au 20 mai. Consulter le site internet du théâtre pour en savoir plus, ou rendez-vous au 315, rue Saint-Joseph Est.

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