Chronique : Il écoute beaucoup

David Lemelin présente sa chronique Droit de citéDavid Lemelin (Photo : Archives Carrefour de Québec)

Par David Lemelin

Puisque ça fait un an que Bruno Marchand porte les chaussures de maire à Québec, tout le monde s’est senti obligé de faire un bilan.

Oui, on aime les bilans. Et, en général, les politiciens aiment les bilans, parce que ça les aide à se situer par rapport à la prochaine élection.

Les communications adorent ça, on sort des sondages, on fait des entrevues-bilan bien préparées dans lesquelles on fait dire à notre élu qu’après lui ou elle le déluge, que sans lui ou elle, on serait bien mal pris.

Oui, d’accord.

Alors, on m’a demandé : « et toi, tu ne fais pas son bilan? »

Je veux bien. Mais, je vais vous présenter l’envers du décor et ne me contenterai pas des lignes de com. Venant du milieu des communications, je n’arrive pas à ne pas voir les fils qui dépassent…

Faudra vivre avec.

Donc, Bruno Marchand a un bon score dans les sondages. Deux sur trois sont satisfaits. Il est plus consensuel (c’est dur de faire pire que Labeaume), il est souriant (c’est dur de faire pire que Labeaume) et il n’a pas fait de vagues ou provoqué de crises graves qui lui collent à la peau.

Encore là… c’est dur de faire pire que Labeaume. Il s’est certes enfargé dans ses lacets avec ce restaurateur coréen en manque de personnel francophone, mais dans trois ans, plus personne ne lui en parlera, négativement du moins.

J’ai déjà dit que les valeurs et l’approche de Marchand étaient bonnes. Il n’a pas envie, visiblement, de faire de Québec son joujou, alors que c’était le cas de son prédécesseur. Pour le reste, son avenir dépendra beaucoup de la conjoncture et… du tramway.

Des chroniqueurs ont écrit qu’il faudrait, éventuellement, qu’on puisse savoir ce que sera la signature ou le lègue de Marchand. Oui, c’est vrai. Le tramway, ce n’est pas lui. L’aménagement du territoire, la plupart des projets étaient déjà prévus, donc ils sont mis en marche, simplement. Et les finances publiques sont à peu près en ordre, donc, il n’a même pas besoin de forcer la note à ce chapitre. D’accord.

Mais, avant de paniquer, je rappellerais que Labeaume (oui, encore lui) n’avait pour lègue qu’un amphithéâtre déficitaire avant de se décider à envisager les choses avec sérieux en commandant un réseau structurant pour sa ville. C’était à la toute fin de son long règne. Donc, Marchand a le temps. En masse.

Oui, le tramway sera son épreuve, parce qu’on connait l’acceptabilité sociale toute relative du projet et le capital politique (cheap) que certains se font sur son dos. L’avenir nous le dira.

Pour ma part, dans les analyses de sa première année à la mairie, j’ai retenu des mots et des commentaires qui les expliquent.

On dit qu’il écoute beaucoup. Oui, comment pourrait-il faire autrement? Il n’a pas de compétence ou de connaissance en économie, en affaires municipales, en aménagement du territoire, en développement durable ou en politique. Vous voulez qu’ils disent quoi? Alors, oui, il emmagasine le savoir. C’est bien.

On dit qu’il est moins instinctif que Labeaume et qu’il demande des argumentaires à son équipe pour pouvoir se défendre, au lieu de se lancer dans le vide.

Bin oui, ça revient à ce que je disais précédemment : vous voulez qu’il se défende comment s’il ne maitrise pas la matière? Oui, tous les politiciens demandent des argumentaires.

Tous. Mais, certains prennent le micro et peuvent expliquer et défendre des dossiers, sans pour autant avoir besoin de se faire prendre par la main. Dans ce cas-ci, Marchand emmagasine le savoir. C’est bien.

Que se passera-t-il lorsqu’il en aura emmagasiné suffisamment? On commence à le voir. Notez le commentaire de Claude Villeneuve, chef de l’opposition, qui dit que le côté « bonne collaboration et joueur d’équipe » s’effrite avec le temps.

C’est ça qui se passera. Il mordra de plus en plus.

D’ailleurs, il est de plus en plus baveux lors des séances du conseil. Autrefois, il laissait ça à son matamore désigné, Pierre-Luc Lachance, qui semble avoir du plaisir à le faire (ça doit être de l’ADN d’équipe Labeaume qu’il conserve), mais depuis quelque temps, il a commencé à lancer des répliques inutilement baveuses, question de montrer de plus en plus que, lui, il sait ce qui est bon, alors que l’opposition, elle, n’a rien compris.

Ça, les amis, c’est le jeu classique. Comme dans tous les parlements et hôtels de ville. Quand le politicien commence à se sentir à l’aise, il se croit obligé de baver le monde.

C’est dommage dans ce cas-ci, parce que je ne sens pas que c’est naturel, chez Marchand. Ça sonne faux. Il pourrait très bien s’expliquer, sans avoir besoin de jouer le gars écœuré des questions de l’opposition.

Ça, c’est autour de lui, à mon avis, que ça se passe. Il se sent probablement obligé de le faire, pour avoir l’air déterminé, pour avoir l’air en possession de ses moyens et ses dossiers. Pour avoir l’air d’un boss. Pour avoir l’air.

Or, c’est du vent, avoir l’air, justement. Du vent.

Bruno Marchand peut gouverner sans avoir l’air d’une pâle copie de Labeaume.

Il promettait un style nouveau? Bin ça, ce serait nouveau.

Mais, il écoute beaucoup. Peut-être trop…

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