Chronique : Une énergie vert fluo

Jayman : Ces choses que je ne comprends pas!Jayman nous dit ce qu'il pense de l'entente sur la biodiversité. (Photo : Archives Carrefour de Québec)

Par Jayman

Cher journal.

Pendant que la Russie bombarde la centrale nucléaire ukrainienne de Zaporizhzhia, nous, ici, eh bien, premièrement, on apprécie le fait de ne pas se faire bombarder nos centrales nucléaires. Non, mais ça l’air niaiseux comme ça, mais ne pas se faire bombarder la centrale, c’est quelque chose qu’on peut facilement prendre pour acquis! Comme l’eau potable, et la litière agglomérante.

Une fois qu’on a bien pris conscience de la chance qu’on a, on enchaîne en relançant le débat sur le bien-fondé des centrales nucléaires. Et pour être bien honnête, je n’ai jamais compris pourquoi on s’obstine à savoir si on devrait produire de l’électricité avec du nucléaire, ou pas, quand de toute évidence, la réponse est “mais êtes-vous complètement malades dans le coco!?”.

Le seul argument en faveur du nucléaire, c’est que ça produit moins de gaz à effets de serre que les usines au charbon. Ok, oui. Mais quand tu regardes les inconvénients qui viennent avec, c’est comme si tu me disais “hey, manger du cyanure, c’est bon pour la santé, parce que ça contient moins de gluten que le gluten!”.

Parce que des inconvénients, il y en a. Et ils sont peu plaisants. Et étonnamment, ça, le monde a l’air de s’en foutre. On se dit “Mais c’est sécuritaire!”.

Ah! Chaque fois que quelqu’un me dit que le nucléaire, “c’est sécuritaire”, j’ai des éruptions cutanées d’envies refoulées de l’attacher sur une chaise, avec un truc pour lui garder les yeux ouverts comme dans “Orange mécanique”, et de la forcer à écouter la série Tchernobyl en boucle, jusqu’à ce qu’elle réalise que c’est pas parce que ça rime que le nucléaire est sécuritaire!

L’affaire, c’est que les centrales nucléaires produisent des déchets dits “radioactifs”. Certes, ce ne sont pas des GES, mais ces déchets radioactifs ont la fâcheuse habitude d’être plus radioactifs que les GES. Et la radioactivité, c’est malsain. Juste te dire, l’ingestion d’une dose microscopique de radioactif peut être mortelle. Ce qui est presque aussi dangereux que le fast-food!

Et alors que certains GES peuvent rester dans l’atmosphère jusqu’à environ 20 000 ans, les déchets radioactifs, eux, sont là pour rester. Par exemple, le plutonium a une demi-vie de 24 000 ans. Et ça lui prend 10 demi-vies pour ne plus être toxique. Donc environ 240 000 ans.

Pour te donner une idée de grandeur, selon les meilleures estimations, l’humanité serait apparue il y a de cela justement 240 000 ans. Ce qui veut dire que si notre premier ancêtre avait créé un sac de déchets radioactifs, c’est seulement aujourd’hui qu’on pourrait penser le lécher pour enfin savoir ce que ça goûte, du plutonium!

Et là, le gros problème, c’est qu’au Canada, on des centrales nucléaires depuis 60 ans, mais on n’a aucun endroit pour se débarrasser des déchets radioactifs qu’elles produisent.

Oui.

Ça fait 60 ans qu’on accumule des déchets nucléaires. En 2019, on avait une réserve fédérale de 2 553 069 mètres cube de déchets radioactifs. Une fierté nationale! Allez, tous ensemble! “Ô Canada, terre de nos aïeux, ton plancher suinte de déchets dangereux!”

Bon, ok, 99.5% de ces déchets sont considérés comme étant de faible ou moyenne intensité radioactive, ce qui veut dire qu’ils perdent leur radioactivité rapidement, en quelques jours ou semaines. On parle d’équipement de protection, de moppes, de stylos, bref, tout ce qui sert à l’entretien de la centrale. On peut mettre ces déchets de côté, et ensuite les mettre au chemin avec le recyclage, comme si de rien n’était!

Mais il reste quand même 12 718 mètres cubes de déchets à haute intensité radioactive. Ce qui est suffisant pour remplir à ras-bord 5 piscines olympiques de matières dont je te rappelle qu’une dose microscopique est mortelle.

Et qui vont être mortels pendant encore 239 940 ans!

Et comment est-ce qu’on gère notre réserve nationale de glue mortelle? En l’entreposant dans des barils qui ont une durée de vie de 50 ans.

Oui.

On utilise des barils qu’il faut changer aux 50 ans, pour entreposer des produits qui vont être dangereux pendant des milliers d’années.

Pour bien comprendre l’enjeu, imagine que tu jettes dans la poubelle de ta cuisine un produit super toxique qui dissout ta poubelle. Pendant toute la semaine, tu dois donc la changer régulièrement pour éviter que le produit se ramasse sur le sol et brise ton beau carrelage, jusqu’à ce que ce soit la journée du camion de vidanges.

Maintenant, pour respecter la proportion 50 ans / 240 000 ans, ça voudrait dire que tu va changer ta poubelle à toutes les deux minutes. Jour et nuit. Pendant une semaine. Tu vois l’enjeu?

Bien.

Maintenant, imagine que tu doives gérer suffisamment de poubelles pour contenir 5 piscines olympiques de produits toxiques!

C’est complètement absurde.

Mais pas autant que les gens qui regardent notre incapacité à entreposer ces déchets-là de manière sensée et qui se disent “messemble que ça manque de centrales nucléaires icitte!”. C’est probablement les mêmes personnes qui regardent une toilette bouchée et qui se disent “messemble que ça manque de papier de toilette là-dedans!”.

Ah, et si tu te demandes pourquoi on n’a pas de moyens pour disposer de nos déchets radioactifs, et bien, c’est parce que pour se faire, il faut les enterrer bien profondément sous-terre, dans une espèce de bunker de plomb et de béton. Sauf que personne ne veut avoir un site d’enfouissement de déchets nucléaires dans sa cour. Parce que la moindre fuite peut polluer l’eau et la terre pendant des millénaires! J’imagine déjà les avis du gouvernement. “Suite à une fuite de déchets radioactifs dans nos sources d’eau potable, la population est invitée à faire bouillir son eau pendant 10 000 ans avant de la consommer. Mais faites-vous-en pas, votre bouilloire utilise l’énergie nucléaire, une énergie vert fluo!”.

“Bon, faque c’est ça, là, pour toi, il faudrait continuer à produire de l’électricité avec du charbon?”

Non. Pas du tout. Je pense qu’il faut se rendre à l’évidence qu’on doit utiliser moins d’énergie, moins d’électricité. Parce qu’il n’y a aucune source d’électricité qui est bonne pour nous ou l’environnement.

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