L’histoire se répète

L’histoire se répète, dit-on? Plus que l’on voudra l’admettre.

Par David Lemelin

En juin 1978 à Québec avait lieu la conférence Québec—Municipalités avec pour thème la « revalorisation du pouvoir municipal ». Il y a donc 44 ans de cela.

Déjà, je devine un rictus sur votre visage…

Ce sommet municipal se voulait avant-gardiste en présentant une vision moins sectorielle que ce qui avait été proposé dans le passé, désirant établir de nouvelles relations entre le gouvernement et les municipalités. On pouvait alors espérer sortir du carcan paternaliste et condescendant considérant les municipalités comme de simples « créatures du gouvernement provincial ».

L’espoir était beau à cette époque!

Cette vision comportait trois volets : les finances municipales (réforme du système de taxation), la démocratie (réforme des mécanismes démocratiques) et la décentralisation (nouveau partage des compétences entre le gouvernement et les municipalités).

Votre impression que l’histoire bégaie n’est pas fausse…

L’objectif était clair : répondre aux besoins croissants de la population et permettre aux milieux de s’investir et d’être responsables de leur développement. Les dépenses augmentaient alors beaucoup plus vite que la croissance des revenus ; ça n’allait plus! Il fallait donc plus d’argent, mais pour le ministre des Affaires municipales de l’époque, le péquiste Guy Tardif, l’argent et le pouvoir allaient ensemble. « Tout nouveau transfert de compétence de l’État vers les municipalités devrait être accompagné des sources de revenus appropriées », disait-il.

De quoi faire monter des larmes de bonheur aux yeux des élus d’hier et d’aujourd’hui…

Tout comme l’histoire, je me répète : ce combat pour l’autonomie municipale ne date pas des dernières assises annuelles de l’UMQ. 

En septembre 1961, l’UMQ demandait une révision du système fiscal qui permettait d’accroître les revenus des municipalités sans avoir à surcharger les propriétaires fonciers. On réclamait alors l’exclusivité de la taxation foncière. Déjà à cette époque, on savait que le développement local devait se faire par les milieux eux-mêmes afin que les gestes posés correspondent aux besoins réels. Cela voulait notamment dire d’avoir la capacité d’encadrer le développement immobilier, sachant, comme le disait le ministre

Tardif lui-même, que « ce qui est bon pour le promoteur immobilier n’est pas toujours nécessairement bon pour la municipalité et la collectivité locale ».

On n’apprend visiblement pas vite, me direz-vous.

De cette vision naitra la réforme administrative majeure de 1979 accordant plus d’autonomie aux municipalités grâce à quatre nouvelles lois (sur la fiscalité municipale, sur la démocratie municipale, sur l’aménagement et l’urbanisme et sur les ententes intermunicipales). D’ailleurs, les principales dispositions de la loi sur la fiscalité municipale de 1980 sont toujours en vigueur…

Ce qui nous ramène à 2022.

Il est pour le moins sidérant de constater l’appétit du gouvernement caquiste pour le contrôle au sens large. Tout ce qui échappe à ses griffes semble l’agacer au plus haut point. C’est pourquoi, comme l’écrivait Michel C. Auger, les municipalités en sont venues aujourd’hui à constituer une sorte « d’opposition » au gouvernement Legault, espérant créer ainsi un rapport de force capable de diluer l’arrogance ostentatoire de ce parti politique convaincu de son invincibilité électorale.

À Québec, nous le vivons intensément : l’envie de dire aux élus locaux comment aménager leur ville est extrêmement vive. Bruno Marchand a été forcé de le dénoncer, rejoint en cela par tous les maires et mairesses subissant la même pression ailleurs au Québec.

Ça en disait long.

Et c’est encore plus révoltant d’apprendre que le premier ministre Legault se dit prêt à céder des pouvoirs, mais sans argent additionnel. Comme quoi on ne retient pas les enseignements du passé, pourtant clairement exprimés par le ministre Tardif, en 1978…

Évidemment, on pourra observer, sourire ironique en coin, que la CAQ semble s’opposer avec vigueur à l’empiètement fédéral, mais vit très bien avec sa propre manie lorsqu’il s’agit de servir ses intérêts.

Nous nous retrouvons donc, un demi-siècle plus tard, à parler des mêmes choses. En dépit des nombreuses réformes et progrès notables, le fait est que le pouvoir et l’argent sont constamment au cœur des disputes. Le gouvernement du Québec persiste à croire que son pouvoir lui est exclusif et qu’il peut en disposer comme bon lui semble, quitte à en abandonner une partie, mais sans les sommes correspondantes.

L’argent, toujours l’argent!

Pourquoi? Parce que c’est avec lui que l’on confectionne des promesses électorales capables, souhaite-t-on, de séduire ou tromper les foules. On ne veut donc pas le laisser filer…

Ce faisant, on néglige la base de la base : cet argent ne vous appartient pas! Ce sont les citoyens qui vous le cèdent afin de répondre à LEURS besoins, pas aux vôtres!

Sachant l’inflation qui s’installe, on peut déjà parier que les demandes municipales seront de plus en plus importantes, la pression fiscale sera immense, nous ramenant alors au problème de départ : comment répondre aux besoins sans en avoir les moyens correspondants?

En vérité, le gouvernement du Québec devrait cesser de regarder les municipalités de haut et établir, une fois pour toutes, un véritable partenariat, une collaboration qui illustrerait mieux la réalité : ces deux paliers de gouvernement servent les mêmes citoyens et puisent leurs revenus au même endroit. Seuls les mécanismes sont différents. Or, le pouvoir d’un gouvernement sur l’autre est pour le moins contreproductif, si tant est que le bien-être des populations soit l’objectif commun.

Mais, est-il possible de faire autrement, direz-vous? Bien sûr. L’impôt n’est pas immuable et est modifiable, comme toute chose politique, au moyen des lois. D’un simple vote à l’Assemblée nationale, on peut donc tout faire, y compris la bonne chose.

Et cette bonne chose, c’est arrêter de faire tourner le monde municipal exclusivement autour de la taxation foncière et se montrer plus créatif. Peut-être faudra-t-il cesser de parler de « trésor public », pour que les ministres arrêtent de voir cela comme un butin qu’ils doivent conserver jalousement, tel un pirate qui veille sur son coffre rempli d’or.

Privé d’une partie de ses revenus, ce sera certes plus difficile au gouvernement provincial de promettre n’importe quoi aux électeurs, mais justement, ce n’est pas le résultat électoral qui constitue la fin. Les élections, c’est un moyen choisi pour s’entendre sur une destination, sans plus.

Pourtant, en principe, le service public est censé rendre service au public. Mais, pour ça, il faut de la volonté politique conséquente. Or, on trouve exactement le contraire au pouvoir présentement à l’Assemblée nationale.

Ça s’est déjà vu, il est vrai. Après tout, l’histoire se répète, disait-on…

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