Québec le samedi – 12 février 2022

Après la saga du nickel, il y eut une accalmie de quelques jours à l’Hôtel de Ville, mais de quelques jours seulement. Et alors qu’il demeure difficile de discerner ce qui distingue l’administration et l’opposition officielle sur le fond des choses, une tension de plus en plus manifeste entre les deux partis se fait sentir. La sortie de l’opposition dans la journée de jeudi en est l’indice le plus clair. 

Une sortie de l’opposition

En démocratie, les stratégies politiques peuvent souvent être réduites à une partie de roi de la montagne. Tous les citoyens et tous les groupes de pression remuent continuellement et se transforment de jour en jour. Les gouvernants, se trouvant en haut de la butte, profitent généralement de ce désordre pour s’établir. 

Ceux qui aspirent au pouvoir dans un avenir plus ou moins rapproché n’ont donc qu’une seule chose à faire : sortir du tumulte de la base qui s’agite et tenter de déstabiliser celui qui se trouve tout en haut. Cela se peut faire rapidement ou plus lentement, selon les circonstances. 

Il arrive aussi que les aspirants travaillent pour leur adversaire sans le savoir, parce qu’ils s’y prennent ou trop mal, ou trop tôt, ou trop tard pour que leurs essais portent fruit. 

La sortie très inhabituelle de l’opposition officielle, qui a présenté jeudi ses demandes pour le budget provincial, ressemble à un de ces coups qui ne portent pas là où il visait. Sur le fond, rien n’indique que le maire est en désaccord avec l’opposition sur les points qui ont été mis de l’avant. M. Marchand a déjà signifié par exemple qu’il souhaite plus de station d’échantillonnage de la qualité de l’air ; il a déjà exprimé qu’il se soucie du problème de pénurie de main-d’œuvre ; il a très clairement indiqué qu’il est important de soutenir les organismes communautaires ; et en campagne électorale, il s’est montré préoccupé par le sort des Terres des sœurs de la charité. 

Claude Villeneuve
Le chef de l’opposition officielle, Claude Villeneuve, présentant ses priorités en vue du budget provincial, en visioconférence. Photo : Capture d’écran

Le choix des dossiers priorisés par l’opposition est donc très surprenant. À quoi joue donc l’opposition ? 

La ligne officielle n’est guère convaincante : on nous dit qu’on cherchait simplement à mettre ces dossiers de l’avant, de peur qu’ils ne passent inaperçus. 

Naturellement, les observateurs se disent alors que l’opposition a cherché à couper l’herbe sous le pied du maire. En faisant une sortie publique avant lui, l’opposition chercherait à s’imposer comme le parti qui défendrait le mieux les intérêts des citoyens. 

En réalité, le petit jeu de l’opposition vise surtout à déstabiliser la mairie, de peur que des racines ne prennent. On sait à quel point les électeurs de Québec sont fidèles à leur maire quand ils sont convoqués aux urnes. 

N’ayons pas peur d’appeler un chat, un chat. En présentant ses priorités comme elle l’a fait jeudi, les membres de l’opposition officielle ont agi en fonction de ce qu’ils croient être l’intérêt de leur parti, et non au nom de la population de Québec. Voilà un bel exemple de grenouillage partisan. Il n’y a pas de quoi s’en indigner, car ce genre de chose est exigé par la nature même de la politique partisane. Seulement, comme en bien des choses, de telles manœuvres sont inefficaces lorsqu’elles manquent de subtilité. 

Enfin, nous écrivions la semaine dernière que l’opposition officielle cherchait à importer au niveau municipal les formes de l’opposition en contexte parlementaire. Il semble que leur récente sortie peut nous en apprendre plus sur la dynamique interne de ce parti qui porte encore la cicatrice de sa défaite électorale dans son nom. Il ne reste dans cette formation politique qu’un petit nombre de personnes qui étaient présentes alors que Régis Labeaume se trouvait à la tête de la ville. Le chef du parti, Claude Villeneuve, n’est pas du nombre. 

Nécessairement, ces « anciens » ont une influence plus grande sur les orientations du parti. Ils sont expérimentés, ils connaissent les dossiers et leur historique récent, et cela leur confère un certain avantage à l’endroit de leurs collègues, mais aussi vis-à-vis de l’ensemble des nouveaux élus. Ces personnes ont aussi l’habitude de voir la ville « gérée » d’une certaine manière. 

De l’autre côté, on devine que les « nouveaux » acceptent d’être menés par les vétérans ; mais peut-être seraient-ils parfois guidés, par des penchants naturels, vers un autre cours d’action, plus discret que le « style Labeaume ». 

Par moments, on sent Claude Villeneuve tiraillé entre ces deux tendances. Et tant que ça grenouillera ainsi chez Équipe Marie-Josée Savard, Bruno Marchand pourra à son aise solidifier sa position de roi de la montagne. Il n’a d’ailleurs pas fait grand cas de la sortie de l’opposition. On sait qu’il rencontrait le ministre des finances vendredi, et tout porte à croire qu’il formulera ses demandes en prévision du budget, au nom de la Ville, comme si de rien n’était. Il s’avancera peut-être jusqu’à remarquer que les oppositions ont tout à fait le droit de présenter leurs priorités, et il serait très surprenant qu’il montre publiquement des signes d’agacement. 

Pour solidifier sa position, Équipe Marie-Josée Savard doit concilier les deux tendances qui l’agitent. Et pour cela, il sera nécessaire de se défaire d’une mauvaise nostalgie des années Labeaume, car si la Ville fonctionnait bien sous la gouverne de l’ancien maire, ce n’est pas parce qu’il avait trouvé la bonne façon de faire : c’est plutôt qu’il dirigeait la ville et son parti à sa manière. Autrement dit, Claude Villeneuve doit trouver son propre style politique, que son parti devra accepter et adopter. 

On joue toujours mieux avec ses propres forces qu’avec celles d’autrui. 

Tramway

Le maire Bruno Marchand annonçait lundi que son administration répondra à des questions à propos du projet de tramway toutes les semaines sur les réseaux sociaux. Un bel article du Journal de Québec résumait d’ailleurs les récentes actions de l’administration Marchand à propos du tramway, et montrait admirablement bien comment l’enjeu des communications prend une place de plus en plus importante. 

Photo : Ville de Québec

Le comité directeur du projet de tramway s’est réuni pour la première fois depuis l’élection dans la journée de mardi. Les élus d’opposition, Claude Villeneuve et Jackie Smith, y siègent. 

Varia

  • Les 22 élus du conseil de ville ont adopté à l’unanimité une résolution pour s’opposer au projet de règlement du gouvernement caquiste visant une révision de la norme de nickel permise dans l’air. 
  • Dans le cadre de son Plan d’action en agriculture urbaine 2020-2025, la Ville de Québec soutiendra des initiatives visant le verdissement et l’amélioration de la qualité de vie des citoyens. Au total, 4 000 $ seront alloués au projet pilote Coup de pousses de Limoilou et à l’organisation de la 13e Fête des semences et de l’agriculture urbaine de Québec.
  • Le taux de chômage a légèrement augmenté à Québec, au mois de janvier. 
  • De passage à CKIA mercredi matin, le maire Bruno Marchand a tenu à rassurer les citoyens concernant le projet de la Zone d’innovation du Littoral Est (ZILE) dans Maizerets, qui se nomme maintenant le « projet InnoVitam ». Claude Villeneuve a repris la balle au bond le lendemain. 
  • La Ville a accordé un contrat de 2,4M$ à une entreprise montréalaise afin de valoriser 100% des cendres de l’incinérateur.

G.C.

Commentez sur "Québec le samedi – 12 février 2022"

Laissez un commentaire

Votre courriel ne sera pas publié.


*


Time limit is exhausted. Please reload CAPTCHA.