Henry Daniel Thielcke: l’épopée d’un peintre royal britannique à Québec

Patrick WhiteL'auteur, journaliste et professeur Patrick White (courtoisie).

Dans son livre Henry Daniel Thielcke: La vie d’un peintre royal méconnu, le professeur et journaliste Patrick White se penche sur le destin de cet artiste britannique né à Buckingham Palace, mais qui a ensuite vécu plus de 20 ans à Québec. L’auteur y évoque également un pan de l’histoire de notre propre ville au 19e siècle.

Né à Buckingham Palace en 1788, Henry Daniel Thielcke a évolué au sein de la famille royale britannique jusqu’en 1820, avant de mettre le cap sur l’Écosse (1820-1831), la ville de Québec (1832-1854) et Chicago (1854-1874). Il est décédé dans cette dernière ville américaine en 1874. Les gens étaient « très nomades » à l’époque, note l’auteur Patrick White en entrevue au Carrefour, le 31 janvier, à la veille de la parution de son livre.

« Ça nous rappelle la vie de quelqu’un qui est passé entre les craques de l’histoire (…). Il est né à Buckingham Palace. Il a été là pendant (près de) 25 ans. Ses parents étaient serviteurs du roi George III et du roi George IV. Sa mère était (servante) pour le reine Charlotte… Donc, on a un contexte très intéressant. Ses études en art, en peinture, ont été payées par le roi à la Royal Academy of Arts et à la British Institution », raconte M. White en parlant de son livre et du peintre.

Succès

À son arrivée à Québec en 1832, Thielcke ne fait toutefois pas l’unanimité.

« La concurrence était très très vive avec les Antoine Plamondon de ce monde, qui l’ont pris en grippe, évidemment. Louis-Joseph Papineau, qui était le président du parlement de Québec, ce qu’on appelait la Chambre d’assemblée du Bas-Canada, et qui était aussi le chef du Parti des patriotes, les rebelles canadiens-français qui voulaient une certaine autonomie par rapport à la Couronne britannique, l’a pris sous son aile. Il lui a donné un studio, un atelier de peinture, pendant cinq ans à la Chambre d’assemblée, l’équivalent du parlement de Québec. Cela a causé, évidemment, la grogne et la colère d’Antoine Plamondon et lancé la carrière de Thielcke à Québec », poursuit l’auteur et journaliste.

En plus de peindre, Thielcke a aussi enseigné le français, l’anglais et l’allemand à l’école Quebec High School, qui existe toujours. Il a également été parmi les premiers membres de la Société historique et littéraire de Québec, une société savante fondée en 1824. Toujours présente de nos jours, la Literary and Historical Society of Quebec assume notamment la gestion du Morrin Centre, espace culturel, bibliothèque et bâtiment historique du Vieux-Québec.

« (Thielcke) n’était pas francophone, n’était pas catholique. Donc, c’était un étranger. Il n’était pas Canadien-français. Il a donc eu de la difficulté à bâtir sa crédibilité, surtout du côté des peintures religieuses, ce qui l’a amené à focaliser sur les portraits », enchaîne M. White.

À noter que Thielcke compte tout de même certaines œuvres religieuses à son actif, dont deux retrouvées depuis deux ans et une autre sortie de l’ombre il y a une dizaine de jours à peine.

Le peintre immortalise plusieurs membres des élites locales. Le succès est au rendez-vous. Il peint également son tableau « majeur » Présentation à Lorette du chef Huron nouvellement élu au conseil tribal Huron en 1840.

De la lumière à l’ombre

Lorsque Thielcke y vivait, Québec était une importante capitale politique, économique et culturelle. L’artiste « était dans le top-5 des peintres de l’époque (…). Il a apporté l’art du portrait britannique. Avec ses cours qu’il a (suivis) à la Royal Academy, ç’a lui a donné le titre de peintre royal. Donc, il a vécu un peu au-dessus de sa réputation et, à quelque part, il a réussi à avoir beaucoup de commandes pendant les 23 ans qu’il a été à Québec », raconte M. White.

Malgré ce succès, Thielcke connaîtra de nombreuses déceptions et difficultés financières. Il se fera même prendre la main dans le sac alors qu’il pige dans le coffre-fort de la Société historique et littéraire de Québec, en 1854. Ce geste aurait peut-être précipité le déménagement de l’artiste aux États-Unis, mais celui-ci, selon les journaux de l’époque, était déjà prévu, explique l’auteur.

Alors qu’il visait une carrière fructueuse à Chicago, le succès n’a pas été au rendez-vous et sa production fut plutôt modeste. Thielcke y a peint son auto-portrait. Il a aussi réalisé les portraits de certains proches d’Abraham Lincoln. De façon générale, l’arrivée de la photographie a aussi nui aux peintres portraitistes.

Dans les dernières années de sa vie, l’artiste, père de 7 enfants, a vécu dans la quasi-mendicité. « Les gens qui ont accepté d’être peints par lui l’on fait un peu par dépit, pour lui permettre de vivre et d’avoir un peu d’argent », dit M. White.

Enquête

Depuis la mise en chantier du livre, trois œuvres de Thielcke ont été retrouvées. En tout, ses œuvres sont réparties à Québec et Montréal, en Ontario et en Angleterre. En 15 ans de recherches, Patrick White a réussi à retracer 81 œuvres du peintre.

Cette enquête journalistique de longue haleine a débuté en 2006 dans la foulée des recherches en histoire de l’art entreprises par le regretté professeur David Karel et Annie Fraser. Cet essai est un devoir de mémoire, selon M. White. Thielcke mérite d’être connu, dit-il.

Au fil des ans, des membres de la famille de Thielcke sont entrés en contact avec l’auteur. Ces personnes, qui résident au Vermont, en Floride et dans l’État de New York, « ont aidé beaucoup ». M. White a également fait de nombreuses de recherches sur le peintre.

Plus de détails

Henry Daniel Thielcke: La vie d’un peintre royal méconnu est publié aux Presses de l’Université Laval par Patrick White. John R. Porter, l’ancien directeur général du Musée national des beaux-arts du Québec, en signe la préface. Le livre est maintenant disponible en librairie. Il est offert en versions papier et numérique.

L’auteur et journaliste souhaite également le publier en version anglaise. Un projet de documentaire sur Thielcke pourrait éventuellement voir le jour.

Dans le paysage médiatique, Patrick White a notamment œuvré pour l’agence de presse Reuters, CTV News, le HuffPost Québec, le portail Canoe.ca, Le Journal de Québec et La Presse canadienne. Il enseigne le journalisme à l’Université du Québec à Montréal depuis septembre 2018. Il est originaire de Québec.

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