Québec, la délinquante

Dans un article publié dans La Presse, on apprend que Québec, notre ville, figure parmi les délinquants environnementaux. Pour vrai!

On lit qu’au cours des 10 dernières années, il y a des entreprises qui ont multiplié les sanctions environnementales. Et dans ce palmarès peu enviable, figure la capitale du Québec.

Wow.

Voir le nom de la Ville de Québec mêlé à de grandes entreprises dont l’impact négatif sur l’environnement est plus évident (Hydro-Québec, Rio Tinto Alcan, Béton provincial, Sintra, ArcelorMittal) a de quoi déprimer et filer la honte.

Avez-vous honte? Y’a pas de quoi bomber le torse, c’est certain.

Remarquez, Québec n’est pas la seule ville. On nous apprend qu’il y en a plusieurs comme nous, dont Montréal et Gatineau (même Rivière-du-Loup!), des villes qui ont, elles aussi, enfreint des lois provinciales.

Et on parle de délinquantes récidivistes.

C’est laid.

Pour la Ville de Québec, ça veut dire 14 infractions pour des sanctions totales de 76 000 $ (moi, j’arrive à 68 500 $, mais bon…).

Ça, c’est pour le portrait. Mais, arrêtons-nous sur les détails et sur ce qu’il faut retenir de tout ça.

Dans le registre des sanctions administratives pécuniaires du ministère de l’Environnement, on lit que la Ville de Québec a péché, par exemple, en ne transmettant pas toutes les informations au ministère, en ne respectant pas les conditions dans des dépôts de neige (plusieurs cas), en ne respectant pas les normes de qualité de l’eau d’une piscine, en émettant des gaz qui dépassaient les valeurs de mercure prescrites, en effectuant des travaux dans une tourbière sans autorisation et en faisant du remblai dans le littoral d’un cours d’eau sans autorisation. Toutes ces sanctions oscillent entre 1 000 $ et 5 000 $.

Puis, dans les sanctions les plus élevées (10 000 $ chacune), la Ville a fait défaut de traiter des eaux d’un utilisateur, a émis des gaz qui ne respectent pas les valeurs prescrites de rejet en dioxines et furannes, émis des gaz dépassant la concentration en monoxyde de carbone prescrite. Enfin, et c’est pas chic, la Ville a rejeté un contaminant dangereux pour la santé (et la vie) dans l’eau de la rivière des Commissaires à partir du réseau sanitaire.

Voilà pour les détails. Que dire?

Pour se défendre, la Ville explique certains de ses manquements par des « bris d’équipement mécanique, des accidents, des erreurs de manœuvres ou encore par des situations qui sont hors de son contrôle ».

Avant de jeter tout le blâme sur la Ville, j’éviterais de faire passer le ministère de l’Environnement pour un preux chevalier, sans peur et sans reproche. C’est le même ministère, rappelez-vous, qui se montre mou et sans conviction, bien souvent, lorsqu’il s’agit de dicter la marche du milieu économique. C’est le même ministère dirigé par un député qui trouve que le troisième lien est vert.

Donc, ça me pousse à me méfier des jugements tranchés à son endroit. Rappelez-vous, c’est aussi ce ministère qui manque cruellement de personnel, provoquant des délais et des problèmes nombreux dans les suivis des autorisations (ou des refus) qu’il doit émettre.

Certaines villes (je l’ai vécu de l’intérieur) ont subi les délais et se sont butées à l’incompréhension du ministère face à leurs réalités particulières. Le mur-à-mur n’est pas toujours le bon réflexe, mettons…

Il arrive même que le ministère émette des constats à une ville qui lui propose pourtant des solutions plus efficaces que les siennes pour protéger l’environnement! C’est alors que s’entrechoquent deux réalités : un ministère orienté sur le processus et une ville orientée sur les résultats.

Bon. Une fois que c’est dit, la protection de l’environnement dépasse le ministère, nous dépasse tous. C’est pourquoi c’est cela qui doit nous préoccuper davantage. Aussi, pour corriger le tir, il y a sans doute mieux à faire que des amendes à rabais (250 $ à 10 000 $) qui ont été choisies pour éviter la judiciarisation des dossiers. C’est peu convaincant. Certes, la judiciarisation voudrait dire des mois et des mois de plus (sinon des années) en délais. Alors, les pénalités devraient être plus inquiétantes pour les villes et les délinquants, au moins à la hauteur des bêtises qu’il faut empêcher.

On pourra dire que certaines infractions de la Ville ne sont pas si graves. À mon sens, ce n’est pas l’effet comme tel sur l’environnement (plusieurs des cas peuvent être corrigés pour le mieux), mais le message que ça envoie qui est catastrophique. Une ville n’est pas un acteur ordinaire. C’est elle qui fait la morale aux autres, qui se paye des services policiers pour faire respecter les lois. C’est elle qui détient le pouvoir politique, un fondement démocratique qu’on ne peut souiller avec légèreté ou insouciance.

Quand c’est rendu que c’est une ville qui ne respecte pas les lois, qui agit sans autorisation, qui dépasse les limites et contourne les restrictions…

Voyons donc!

Une ville, c’est du sérieux. L’éthique d’une ville, c’est très sérieux. Et l’environnement mérite d’être traité avec le plus grand sérieux. Des erreurs et des pépins, ça arrive. Mais, la Ville de Québec doit disparaitre de ce palmarès de la honte au plus vite et se donner les moyens d’y arriver.

À l’heure où la planète nous dit que le développement économique doit se conjuguer plus que jamais avec le respect de l’environnement, à l’heure où la communauté internationale reconnait le rôle des villes dans la lutte aux changements climatiques, il est encore plus important de faire les choses avec rigueur. Et puis, sachant le cynisme ambiant et le déficit de crédibilité des acteurs politiques, il est d’autant plus important de respecter les règles et les lois.

Après ça, on s’étonnera de ceux qui se sentent légitimes d’en faire à leur tête…

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