Dans la cour des Limoulois

Des manifestants à la Place Limouloise, le 22 décembre dernier. Crédit photo : Sophie Williamson.

Vous avez peut-être entendu à la radio que les gens de Limoilou qui s’indignent contre la hausse de la norme de nickel manquent de cohérence. Oui, oui, le nickel servira à construire des batteries pour des voitures électriques, or, c’est connu, les gens de Limoilou sont pour l’électrification des transports, et les voilà le cul pris entre deux chaises, en flagrant délit de contradiction. 

Si on déshabille cette idée de son ridicule et de sa mauvaise foi, on découvre en fait qu’elle est encore ridicule et de mauvaise foi. C’est une reprise de l’accusation du pas-dans-ma-cour, sous sa forme la plus commune. On reproche aux gens de Limoilou de bien vouloir profiter du progrès et de la richesse qu’il génère, mais sans en partager les inconvénients.

Supposons un instant qu’il est bel et bien question ici d’un partage équitable des inconvénients du progrès. Le gouvernement a fait valoir que la demande mondiale en nickel devrait augmenter considérablement d’ici 2025, en raison de la croissance anticipée de la demande pour des véhicules électriques. Dans un véhicule électrique, il y a une batterie, dans cette batterie, il y a du nickel. 

Justement, le gouvernement souhaite exploiter et transformer les minéraux du territoire du Québec pour fabriquer des batteries. Il veut aussi se lancer dans la production de véhicules commerciaux électriques.

L’idée est donc assez simple : augmenter les normes de nickel représente un inconvénient pour une partie de la population, à Limoilou en l’occurrence, mais laisse entrevoir de gros bénéfices pour la collectivité. 

Le problème, c’est qu’il n’est nullement certain que ce soit la nation qui récolte en effet les fruits d’une plus grande exploitation minière et de plus grands transbordements. En gardant le silence, le gouvernement de la CAQ donne plutôt l’impression qu’il ne veut pas défendre publiquement son projet. Le surcroit de discrétion ressemble souvent à la honte, et les citoyens directement touchés par la hausse de la norme de nickel en viennent naturellement à la conclusion que le gouvernement a des choses à cacher. 

Si l’on demande aux gens de Limoilou de faire un sacrifice au nom du bien commun, ce serait la moindre des choses de prendre le temps de lui expliquer pourquoi, et avec un peu de détails s’il-vous-plait. Car plusieurs ont l’impression que la modification de cette norme profitera plus à de grosses entreprises, – celles qui extraient, transportent et vendent le minerai, celles qui construiront et vendront des batteries, etc – qu’à la population. 

À moins que ce soit le gouvernement qui fasse certaines de ces choses (comme c’est vaguement suggéré), je ne comprends pas bien, il faudrait qu’on me l’explique. 

***

Dans la réalité, le syndrome du pas-dans-ma-cour n’est pas en cause ici, ou s’il l’est, c’est de manière inversée. Si certains se sacrent bien de l’air que les gens respirent en basse-ville, c’est justement parce que ce n’est pas dans leur cour. « S’ils voulaient respirer du bon air, qu’avaient-ils à aller habiter Limoilou ?  Youhou! Il y a la campagne pour ça. » 

C’est beau en tout cas d’avoir le cœur grand ouvert comme ça, et d’être capable de considérer sereinement la big picture et d’affronter les grands malheurs. Sauf qu’il faudrait arrêter de détourner le regard des petits malheurs, qu’on pourrait régler ou éviter si on faisait preuve de plus de volonté. 

Dans ce cas-ci, le gouvernement n’aurait qu’à ne rien faire. Souvent, c’est curieux, on dirait que ça demande plus de courage que de faire quelque chose. Remarquez, je n’ai pas à négocier avec de grosses compagnie minières qui ont de l’argent dans des paradis fiscaux, ils font peut-être peur, je n’en sais rien, il faudrait le demander au ministre de l’environnement.  

G.C.

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