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Boire la mer les yeux ouverts : écrire le poids de l’absence

boire la merLa page couverture du livre de Jean-Benoit Cloutier-Boucher. Photo : Courtoisie, Éditions Sémaphore

Jean-Benoît Cloutier-Boucher fait paraître son premier livre, Boire la mer les yeux ouverts, le 15 février prochain aux éditions Sémaphore. Pour son entrée en littérature, le jeune écrivain de Québec propose une exploration du deuil à travers une série de tableaux et de poèmes à la mémoire de sa mère. 

Par Gabriel Côté

« Quand ma mère est décédée en 2017, j’ai senti une nécessité et une urgence d’écrire, le projet de faire un livre s’est imposé à moi. Je l’ai écrit pour ne pas mourir de la mort de ma mère », confie Jean-Benoît Cloutier-Boucher, peu après avoir décroché le téléphone. 

Toute sa vie, l’écrivain a vu sa mère aux prises avec la sclérose en plaque, une terrible maladie dégénérative qui affecte le système nerveux central. « Quand on vit avec une personne malade, surtout quand on est enfant, on vit d’une certaine façon plusieurs deuils : celui de la personne en santé, dans mon cas je ne l’ai pas connue, en même temps que l’on sent qu’une personne que l’on aime est en train de nous échapper. C’est ce que j’ai cherché à saisir avec les différents tableaux dans mon livre », explique l’auteur. 

L’écrivain Jean-Benoit Cloutier-Boucher.
Photo : Courtoisie

Les tableaux, très touchants, montrent à l’occasion le point de vue d’un fils qui accompagne sa mère dans ses derniers instants. De même que l’on voit la mourante comme coupée du monde par sa maladie, – elle ne peut par instant que balbutier quelques syllabes que le fils est le seul à comprendre – on voit un jeune homme se sentir isolé, même auprès de ses amis qui ne sont pas en mesure de vraiment le comprendre.

« Tout ces gens qui sympathisent, me touchent, me regardent avec des yeux remplis de fausse pitié. Ces gens qui disent comprendre. Ils comprennent fuck all. J’aurais envie de leur arracher les cheveux, de leur faire bouffer leur grande couette qui me cache la vue sur ma guérison » (extrait du livre). 

Il y a aussi la Sœur, et l’Autre, qui semblent au narrateur se trouver à une distance infranchissable. « Je voulais vraiment décrire ma relation avec ma mère comme une bulle impénétrable, remarque Jean-Benoit Cloutier-Boucher. Et de fait, je ne me suis jamais senti aussi proche de ma mère qu’en écrivant ce livre ». 

Le texte donne aussi à voir l’enfant innocent, qui ne comprend pas tout à fait – mais un peu, quand même, juste assez – ce que vit sa mère, dans la description assez habile de souvenirs, assez personnels pour être originaux, et suffisamment bien détaillés pour chacun puisse y raccrocher un morceau de sa propre expérience.  

À la lecture, on est ému, mais il faut parfois déposer le livre car il a quelque chose de suffoquant, car on voudrait trouver une paix ou un réenchantement qui ne vient pas. « C’est parce que le deuil, je crois, ne se termine jamais », souffle l’écrivain.   

Pourtant, en écrivant ce livre, Jean-Benoit Cloutier-Boucher dit s’être déchargé du poids de la culpabilité qu’il ressentait par rapport à la maladie de sa mère, une culpabilité qui s’incarne dans le roman dans la réaction étonnée et triste de l’enfant lorsque sa mère se blesse en jouant avec lui. « Le livre m’a permis de me débarrasser de cette culpabilité, et de développer une nouvelle relation avec ma mère », conclut-il.  

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