Ainsi fond, fond, fond…

Il fait un froid polaire, mais ça n’empêche pas la fonte… des appuis au tramway.

Par David Lemelin

L’an dernier, on franchissait encore les 50 % d’appuis. Aujourd’hui, ça dépasse à peine les 40 %.

Pourquoi?

Avançons, pour spéculer, des hypothèses. J’en vois au moins trois : le style de l’administration précédente, le style de l’administration présente, le temps qui passe et la COVID.

D’abord, oui, l’administration Labeaume aurait pu faire mieux. Je ne suis pas le seul à le dire, les sondages prouvent que le travail n’a pas été bien fait. C’est sans doute là qu’on trouve la plus large part des problèmes que l’on vit aujourd’hui. Le maire Labeaume excellait à communiquer les choses qui l’emballaient. En revanche, il n’exprimait aucun plaisir à vendre des choses plus complexes ou moins populaires. Pour le tramway, fallait se battre, expliquer, revenir, parler, éduquer, sensibiliser, répondre aux inquiétudes, rassurer…

Je viens d’enfiler une liste de mots absents du vocabulaire de l’ancien maire, à part celui qui réfère au combat.

Oh, il aimait le combat! Il aimait la rudesse, les coups bas, mordre les mollets de ses adversaires, ça, oui. Mais, les habituelles phrases du type « on sait où on s’en va » ou « arrêtez de faire de la démagogie » ne suffisaient pas. Fallait aller au-devant des coups, écouter, calmer… mais surtout convaincre, y mettre de l’énergie, des efforts, du temps…

Dans les derniers miles, Labeaume ne donnait pas l’impression de travailler le fond avec beaucoup de rigueur et d’énergie. Il patinait, sur le cruise control, vers la sortie. Son énergie, il l’a surtout consacrée à obtenir le go de Legault.

Résultat? La réflexion s’est faite à ciel ouvert, sans la répartie solide de la Ville. Les critiques les moins bonnes n’ont pas été balayées avec efficacité et les excellentes critiques n’ont pas trouvé de quoi effacer les doutes.

L’usure s’est installée et n’a jamais cessé de croitre…

Et pour conserver l’appui de Legault, Labeaume a accepté de se faire discret concernant le troisième lien. C’était le prix à payer, peut-être. Mais, ce faisant, on a laissé une certaine « légitimité » à ce projet pourtant totalement contraire à l’esprit du tramway et du réseau structurant. Ainsi, au lieu d’avancer sur le sentier du changement des habitudes, on a parlé de changer les choses… sans vraiment les changer.

Fallait pas.

Au lieu de rassurer un peu tout le monde, ça a amoché l’intérêt et la pertinence du tramway et de ce qui vient avec lui en termes d’aménagement du territoire.

Bref, c’est beaucoup de ce côté qu’on a erré.

Autre problème : le style de l’administration présente. On voyait d’un bon œil l’idée qu’un nouveau maire puisse se montrer plus ouvert à la discussion, l’écoute, à la communication. C’était ce qu’il fallait, en effet… sauf quand cette ouverture s’appuie sur du mou, de l’hésitation, du calcul. C’est ce qu’a semé le candidat Marchand pendant la campagne, en appuyant le tramway, mais à demi-mot, surtout vers la fin, lorsqu’il n’a pas fermé la porte à un abandon du projet.

Ça venait de tirer un boulet de canon dans le fond du bateau qu’il souhaitait piloter.

Après l’élection, il s’est soudainement montré inspiré par le tramway et la deuxième phase à venir. Tant mieux… mais le doute était déjà installé (avec Labeaume, de même que ses propres commentaires) et le candidat Marchand devenu maire n’avait fait que le nourrir, ce doute, entre autres en parlant des 10 « améliorations » qu’il fallait y apporter, mais sans vraiment pouvoir convaincre de la solidité de sa réflexion à ce propos. Depuis, il a surtout tâché de diminuer les attentes liées à ces améliorations, notamment en ce qui concerne les arbres et les fils électriques. C’est en cela qu’il devient coûteux d’élire quelqu’un qui ne sait pas vraiment ce qu’il dit ou ce qu’il fait : il devient perméable aux aléas, incapable de défendre un point de vue qu’il ne maitrise pas.

Il devra maintenant tenter de figer la fonte des appuis. Ça s’annonce pour le moins ardu…

Enfin, il ne faut pas oublier le temps qui passe et la COVID. On a parlé, avec raison, du télétravail qui fait réfléchir sur le futur de l’organisation de nos transports. Personnellement, je ne crois toujours pas que tout le monde restera à la maison. Dès qu’on aura le droit de faire comme avant, la congestion reviendra sur nos routes. C’est comme la fonte des neiges, c’est inéluctable.

En revanche, il est vrai que les choses vont changer. C’est justement la raison pour laquelle j’ai toujours cru qu’il était temps de changer nos habitudes, côté mobilité, notamment en favorisant largement le transport collectif. Mais, en ayant un projet aussi lourdement lesté d’incertitude, on laisse toutes les autres options occuper l’espace et les esprits, contribuant encore davantage à cette impression que le tramway est déjà du passé avant même d’avoir vu le jour.

À cela, j’ajoute l’énergie collective et la déprime que l’on traine et qui s’accumulent avec la COVID qui ne veut pas nous quitter. Il ne faut pas sous-estimer l’effet psychologique d’une population écœurée des ennuis de toutes sortes. Ce faisant, un projet de tramway qui semble ne vouloir jamais démarrer s’ajoute à la détestable colonne des « problèmes » qui nourrissent la déprime.

C’est très mauvais.

C’est donc pas étonnant du tout de voir les appuis qui ne cessent de s’évaporer, compte tenu de tout cela. Aujourd’hui, tout ce que je vois, c’est un défi herculéen pour le bureau de projet et celles et ceux qui veulent encore que le tramway soit la colonne vertébrale d’un réseau structurant. Sans leadership, le tramway se laisse trainer vers le fond. Quand il a fallu en faire preuve, personne n’a su se montrer à la hauteur.

Pourquoi ça changerait aujourd’hui? Je garde espoir, malgré tout. Comme le disait le philosophe Cornel West : « Je ne peux pas être un optimiste, mais je suis un prisonnier de l’espoir ».

Voilà.

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