La boursière en arts visuels Annabelle Guimond explore le lien entre la nature et l’humain

Annabelle GuimondAnnabelle Guimond par elle-même.

La mesure de soutien à la relève artistique Première Ovation a dévoilé au début du mois les récipiendaires des bourses de la cohorte d’automne 2021 en arts visuels, arts médiatiques et métiers d’art.

Nous nous sommes entretenus avec l’une des récipiendaires, Annabelle Guimond-Simard, pour son projet Les Opportunités insurmontables.

Qui est Annabelle Guimond-Simard?

« Je ne réponds pas à ça souvent, débute Annabelle en riant. Je prends pour acquis que les gens me connaissent. J’ai 29 ans et je viens d’un petit bled qui s’appelle Saint-Antoine-de-Tilly dans Lotbinière. J’ai fait mes études en arts visuels à Québec et ça fait six ans que j’y suis présente, mais je suis aussi assez nomade. J’ai voyagé beaucoup au Canada, aux États-Unis et au Mexique. » 

Parles-nous de ton projet Les Opportunités insurmontables pour lequel tu as reçu une bourse.

« C’est un projet d’art relationnel dans lequel je m’implique depuis environ un an, raconte Annabelle. Il prend sa source dans mon désir de réfléchir et de créer à partir de l’impact de la nature sur la vie humaine, pas de façon générale comme une étude anthropologique, mais plus sur ma vie et celle de gens que je rencontre.

La première étape de ce projet est toujours la rencontre de gens, des amis ou des inconnus. Je fais des genres d’entrevues et à partir de celles-ci je fais un travail audio-visuel où je travaille l’animation vidéo et la création sonore. Surtout, je travaille à partir des éléments signifiants qui se sont produits.

La partie rencontre c’est ce qui génère la matière première, c’est ce qui génère le sens. C’est comme des portraits. À partir d’une entrevue, je compose un portrait de ce qui m’a paru le plus signifiant dans la rencontre.

C’est important pour moi de dire que je me sens vraiment privilégiée d’avoir accès à l’intimité d’autres personnes. C’est une démarche individuelle, mais le projet n’existerait pas sans ceux qui acceptent de participer. C’est grâce à eux que le projet est en vie. » 

As-tu un exemple d’une rencontre et de l’élément de sens qui s’en est dégagé?

« Par exemple, je rencontre quelqu’un et elle me parle de son lien avec la nature, explique Annabelle. Donc on prend un temps, on discute, je lui pose des questions et à un moment donné, la personne fait un bout de chemin dans une dimension d’elle-même qu’elle n’a pas vraiment parcouru avant. C’est comme si elle avait une révélation. C’est super beau pour moi d’en être témoin et après d’amener cette belle expérience dans l’atelier. »

Crédit photo : Annabelle Guimond.

D’où vient ton intérêt pour la nature et le rapport que l’être humain entretient avec elle?

« Ça vient de mon désir de parler de la nature, précise Annabelle joyeuse. Mon lien à la nature est extrêmement complexe. Pour moi c’est nécessaire de faire un projet d’art pour essayer de voir clair là-dedans. La nature ça me nourrit, je suis nature. Je ne tiens pas à faire un portrait de ma vision parce que justement je pense que le projet en témoigne mieux que moi.

C’est un rapport contradictoire, extrêmement poétique et métaphorique, qui est dans le corps et les idées. Mon rapport à la nature c’est un peu mon rapport aux arts aussi. L’étroite relation entre les arts et la nature, entre l’expression créative et l’existence humaine dans la nature a toujours été présente. »

Dirais-tu que ce projet, parce que tu apprends des autres par la discussion, te permet de mieux comprendre ce lien essentiel?

« Oui, mais ma démarche de recherche de clarté est aussi nourrit parce que je suis en production d’images et en production sonore à partir des entrevues, ajoute Annabelle. La dimension créative est importante. Sans elle, je ne sais pas si je ne pourrais aller aussi loin dans la réflexion. »

Pourquoi le titre Les « Opportunités insurmontables »?

« C’est une excellente question, lance Annabelle enthousiaste. Les Opportunités insurmontables c’est essayer de saisir mon lien à la nature, en saisir l’essence. C’est une super belle idée et intention, mais j’ai l’impression que je n’y arriverai jamais. J’ai l’impression que je ne cherche pas à découvrir une vérité absolue.

Il y a quelque chose d’insurmontable. Mon projet s’inscrit en réaction à la crise climatique. On parle tellement du tord qu’on fait à la nature et de l’urgence de changer nos manières de faire. Moi cette réalité j’y suis tellement sensible. Le projet est en réaction avec cette urgence, parce que ce n’est pas une solution qui risque de fonctionner. Mon projet ne va pas révolutionner le monde.

C’est dur d’expliquer ça en terme rationnel, parce que je pense que c’est vraiment une démarche intérieure, une démarche de l’âme. Il y a quelque chose d’insurmontable parce que c’est le projet d’une vie. Je pense pas que je vais le finir un jour. Il y a toujours un lendemain, toujours une suite, jusqu’à ce qu’on meurt. Mais on en est pas là, c’est le début, ajoute-t-elle en riant. »

Y’a-t-il quand même une forme de militantisme dans ta démarche artistique?

« Vraiment, mais je le fais d’un point de vue poétique, précise Annabelle. Je ne sais pas à quel point je suis militante ou activiste. Le projet veut rappeler que la nature est pleine de poésie, que nous sommes remplis de poésie et de nature. On peut passer notre vie à regarder notre impact négatif sur la nature, mais on peut aussi regarder l’impact positif qu’elle a sur nous. Comme ça on peut se conscientiser à en prendre soin. »

Crédit photo : Annabelle Guimond.

Parles-nous un peu de ta démarche pour devenir boursière.

« Quand j’ai voulu entrer en phase de production dans mon projet, j’ai réalisé à quel point j’avais besoin de ressources, raconte Annabelle. À quel point aussi le projet avait rapidement pris de l’ampleur. J’avais aussi déjà eu une bourse de mentorat pour Les Opportunités insurmontables, mais dans une dimension gravure, donc en estampe contemporaine. Je trouvais que c’était cohérent avec la suite de mon projet. »

Que feras-tu plus précisément avec cette bourse?

« En ce moment je loue un espace de travail dans lequel j’ai installé mon studio à Saint-André de Kamouraska, explique Annabelle. J’ai un atelier de création, alors la bourse m’aide à payer cette location. Elle m’aide à louer de l’équipement, travailler avec des collaboratrices et leur verser des cachets. Ça me permet aussi d’avoir une rémunération pour le travail que je fais pendant ma résidence.

Sans la bourse, ça aurait été des sous que j’aurais sorti de ma poche. Je l’aurais fait quand même, mais en mode rafistoler ou moyens du bord. Ça aurait été pas mal moins pro. J’ai aussi une super collaboration avec Avatar Québec en plus de la bourse. »

Qu’est-ce qui t’attends dans le futur?

« Il y a une résidence en estampe en Espagne prévue dans « mon ciel ». Je m’en vais rencontrer des gens en Catalogne pour comprendre comment ils vivent leur lien à la nature. J’y vois la poursuite du projet. Il va continuer, évoluer et je vais évoluer avec lui » conclut Annabelle gaiement.


Parmi les projets déposés, 13 ont été retenus par le comité de sélection. Cette initiative de la Ville de Québec « poursuit son mandat de soutien aux artistes vers leur professionnalisation, le développement de leur carrière et leur mise en réseau auprès des organismes artistiques professionnels ». Les bourses distribuées totalisent une somme de 97 231 $.

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