Des évictions et reprises de possession de logement en hausse

LimoilouPhoto : Le Carrefour

Le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec a dévoilé les résultats de sa compilation annuelle sur les reprises de logement et les évictions, un phénomène particulièrement marqué dans les quartiers Limoilou et Saint-Sauveur, mais aussi certaines anciennes banlieues. Il en a profité pour interpeller de nouveau la ministre de l’Habitation Andrée Laforest et le gouvernement du Québec afin de leur demander de mettre en place des mesures pour protéger davantage les locataires.

Le Bureau d’information du Bureau d’animation et information logement (BAIL), qui a pignon sur rue dans le quartier Saint-Roch, fait partie du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ).

En ville

Dans la région de Québec, 90 locataires ont fait appel aux services du BAIL à propos d’une reprise de logement, d’une éviction ou d’une rénoviction, soit cinq fois plus qu’il y a deux ans.

Pour Jonathan Carmichael, organisateur communautaire au BAIL, ces données ne sont que la pointe de l’iceberg, car elles ne concernent que les personnes qui ont contacté son organisme. « Ça dénote une tendance à la hausse vraiment importante de ces phénomènes », a-t-il indiqué lors d’un point de presse le 14 décembre.

Selon M. Carmichael, les quartiers centraux de Limoilou et Saint-Sauveur sont particulièrement visés. Quelque 40% des cas du BAIL concernent ces quartiers populaires touchés par la gentrification et prisés « des requins de l’immobilier ».

Parmi les cas recensés par l’organisme, quelque 30% des locataires habitaient leur logement depuis plus de 20 ans alors que certains d’entre eux résidaient dans leur appartement depuis 40 ans.

Pour M. Carmichael, nous sommes, à Québec, dans un contexte de crise du logement: le taux d’inoccupation est en baisse alors que les loyers augmentent rapidement depuis deux ou trois ans.

« C’est un contexte qui implique des difficultés accrues pour les locataires. Pour les propriétaires, c’est une opportunité d’augmenter rapidement les profits. Dans ce contexte, on ne sera pas surpris de constater qu’on a eu une hausse marquée des cas de rénovictions, reprises de logement, évictions et agrandissements, de subdivisions et changements d’affectation à Québec, l’an dernier», a-t-il ajouté.

Existe-t-il un profil-type quant aux propriétaires qui s’adonnent à ce pratiques? Certains noms de sociétés immobilières reviennent souvent aux oreilles de M. Carmichael, mais, de façon générale, ces façons de faire ne sont pas l’apanage d’un seul type de compagnie ou d’individu. Elles sont autant le fruit de grosses firmes que de « jeunes propriétaires fringants », répond-il en entrevue.

Le Comité des citoyens et citoyennes du quartier Saint-Sauveur (CCCQSS)  abonde quant à lui dans le même sens.

« Nous observons une hausse marquée des cas de rénoviction dans Saint-Sauveur. Des personnes locataires croient qu’elles sont obligées de signer l’entente de résiliation de bail, alors qu’elles ont le choix et le droit de refuser. Nous voulons rappeler aux locataires de ne rien signer immédiatement et de s’informer sur leurs droits avant de faire quoi que ce soit. L’envoi d’avis de non-renouvellement de bail, c’est comme un moyen pour un investisseur de se soustraire à sa responsabilité d’envoyer des avis en bonne et due forme, avec les compensation », a indiqué Éloïse Gaudreau, animatrice-coordonnatrice au CCCQSS, dans un communiqué.

Sainte-Foy

Même si les évictions et reprises de possession de logement sont nombreuses au centre-ville, Sainte-Foy, Beauport et Charlesbourg n’échappent également pas au phénomène dans la région, selon Jonathan Carmichael.

Ce dernier a fait état de deux cas de hausses massives des loyers à Sainte-Foy en conférence de presse, mardi.

L’an dernier, sur la rue Gingras, plusieurs locataires de petites maisons situées dans ce secteur avaient contacté le BAIL, raconte-t-il. À la suite de la vente de ce parc d’une cinquantaine de maisonnettes, un « stratagème de rénovictions » s’est mis en place jusqu’à ce que les locataires quittent, enchaîne M. Carmichael.

Ces personnes payaient un loyer mensuel de 900 à 1200$ pour leur maison l’année passée. « Ce matin, si on regarde le site web du propriétaire, l’une des maisons est annoncée à 2595$ par mois. On parle de loyers qui ont possiblement doublé ou triplé », a-t-il déploré le 14 décembre.

Toujours à Sainte-Foy, un autre cas avait aussi suscité l’attention des médias sur la rue France-Prime. Plusieurs locataires avaient aussi contacté le BAIL à la suite de « pressions » de leur nouveau propriétaire. Leurs loyers s’élevaient en moyenne de 800 à 1000$ par mois. Selon M. Carmichael, des logements de cet immeuble se louent maintenant à des prix mensuels allant de 1625 à 1785$ . « Des hausses de loyers de plusieurs centaines de dollars par mois dans cet immeuble. »

Au Québec

Pour une deuxième année consécutive, au Québec, le RCLALQ note une augmentation importante du nombre de locataires qui visitent ou contactent un comité logement car leur propriétaire tente de les évincer.

Selon les données récoltées par les membres du RCLALQ (échantillon de 874 dossiers), c’est 53% des tentatives de reprise et d’éviction qui sont effectuées par des propriétaires ayant acquis l’immeuble depuis moins de un an. Dans de nombreux cas, il s’agit de propriétaires qui veulent « optimiser » leur investissement en évinçant les locataires pour ensuite augmenter abusivement les loyers, affirme le porte-parole du RCLALQ, Maxime Roy-Allard, lors de la conférence de presse de mardi.

Selon M. Roy-Allard, ce sont les locataires de longue date qui sont davantage visés  par ces tentatives de reprise et d’éviction: 50% occupaient leur logement depuis au moins 10 ans et plus du tiers depuis 15 ans. Ce sont des locataires qui « sont souvent enracinés dans leur quartier et qui ont leur réseau social autour d’eux », ajoute le porte-parole.

Ces ménages locataires payaient en moyenne un loyer de 767$ par mois, ce qui est beaucoup plus bas que le loyer moyen de 844$ au Québec, selon la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL). Une fois évincées, ces personnes devront généralement payer plus cher pour se loger ou encore choisir un logement plus petit ou en mauvais état, voire même, dans certains cas, quitter leur quartier ou la ville qu’elles habitent depuis des années, note M. Roy-Allard.

La tendance est à la hausse. Au Québec, les cas d’évictions recensés par les membres du RCLALQ sont passés de 300 en 2019 à 600 en 2020 et puis à près de 875 cette année, selon des données fournies en conférence de presse par M. Roy-Allard.

Demandes à la ministre

Afin de protéger les locataires, le RCLALQ réclame des mesures plus musclées de la part du gouvernement du Québec.

Le Regroupement demande le retrait complet des dispositions du Code civil du Québec permettant l’éviction aux fins de subdivision, agrandissement et changement d’affectation.

Les reprises de logement doivent être interdites pour tous les secteurs où le taux d’inoccupation est inférieur à 3% et les indemnités versées aux locataires lors d’une reprise devraient être considérablement augmentées (équivalentes à 12 mois de loyer), souhaite le RCLALQ.

Aussi, selon l’organisme, la ministre Andrée Laforest doit également instaurer un contrôle obligatoire des loyers et un registre des loyers pour empêcher les tactiques d’éviction qui visent à augmenter rapidement le prix des logements.

« On demande à la ministre Laforest de faire un projet un de loi le plus rapidement possible. On sait qu’il ne reste plus beaucoup de mois avant les prochaines élections provinciales, mais il reste encore du temps », a conclu Maxime Roy-Allard.

Des tracts et de l’affichage

Dans le cadre de la Journée pour dénoncer les atteintes au parc locatif du RCLALQ, certains organismes communautaires procèdent ces jours-ci à la distribution de tracts et à de l’affichage pour sensibiliser la population.

Le CCCQSS a par ailleurs tenu à rappeler aux locataires du quartier qu’ils ne sont jamais obligés de signer une entente de résiliation de bail s’ils souhaitent rester dans leur logement.

« Des membres du CCCQSS vont sillonner les rues du quartier et remettre des tracts informatifs aux locataires afin de leur rappeler qu’en cas de travaux, même majeurs, elles peuvent toujours retourner dans leur logement, parce qu’elles ont droit au maintien dans les lieux. En cas de travaux majeurs nécessitant la (relocalisation) du locataire, le propriétaire doit envoyer un avis trois mois à l’avance comprenant la période d’évacuation et le montant de l’indemnité offerte afin de couvrir les dépenses (exemples : frais de déménagement, d’entreposage, excédent du loyer payé pour le logement temporaire, etc.) », a fait savoir le Comité.

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