L’exposition au Café Saint-Suave « Pour elles et iels » témoigne des violences faites aux femmes

ielExposition « Pour elles et iels » au Café Saint-Suave dans Saint-Sauveur. Photo courtoisie : Sébastien Durocher.

Le 25 novembre dernier à l’occasion de la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes a eu lieu au Café Saint-Suave le lancement de l’exposition « Pour elles et iels » mettant en lumière 8 portraits de femmes queer et trans qui partagent leurs vécus portant sur les violences des femmes issues des communautés LGBTQIA2+.

Pour l’occasion, l’artiste Mélodie Spear a offert une prestation accompagnée à la guitare par Juliette Drapeau.

Donner une voix à une communauté marginalisée

Camille Esther Garon explique que l’objectif de l’exposition est « d’offrir une plateforme vers une approche intersectionnelle pour les personnes issues de la diversité, mais aussi pour les femmes racisées ». « Dans la vision occidentale de la femme, les personnes issues de la communauté LGBTQIA2+ sont très sous-représentées », poursuit-elle.

Elle critique notamment le fait que lorsque cette communauté a de la visibilité, c’est par le biais de la fête. Elle raconte « les moments difficiles émotionnellement et psychologiquement » qu’elle a vécu qui ont fait que son intégration ou inclusion dans la communauté queer a été longue. Selon Camille Esther Garon, il est dommage que la dimension festive donne une impression de « banalité » ou laisse croire que les enjeux ne sont sérieux.

« Le fait que vous soyez là ce soir, c’est notamment une réappropriation de notre narration, c’est réclamer un espace », soutient-elle.

« Quand on parle d’équité, explique Camille Esther Garon, elle ne peut pas se faire tant qu’elle n’est pas intersectionnelle. C’est de reconnaitre avant tout qu’il existe multiples stades au sein d’une personne. »

Elle raconte une « violence émotionnelle » qu’elle a subite, soit une situation « d’outing ». Le outing réfère à une révélation publique par un tiers de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre d’une personne sans son consentement. « L’exposition vise à mettre en lumière ces enjeux [les différentes violences], poursuit Camille Esther Garon. Ça permet de sensibiliser à une réalité qui n’est pas dite souvent dans notre société. » 

Une « lutte » et une « célébration »

Les participantes s’entendent pour dire que le but de l’exposition est de donner de la visibilité aux paroles qui « sortent du discours normatif ». Alexandra Tremblay revendique plus d’espace pour la pluralité des genres dans la société, notamment au niveau culturel.

Selon Andréanne, il s’agit de « lutter pour la représentation ». « Plus on en voit, plus on en entend parler, plus on vient valider l’expérience des autres, affirme-t-elle. Les gens se sentent supportés et c’est souvent ce qui donne aux victimes le courage de parler, de porter plainte et de mener cette bataille là à leur tour. » 

Andréanne explique dans son témoignage qu’elle est bisexuelle et fluide du genre. Même concernant la bisexualité, il y a selon elle encore beaucoup de mythes, dont la fétichisation. « C’est souvent des mythes qui viennent de la perception de l’homme, explique-t-elle. Il va trouver ça sexy deux femmes ensemble, mais pas deux hommes. Malheureusement, ça teinte la société en général. »

Alex, connue sous le nom d’Alexandra Tremblay, fût candidate indépendante dans Saint-Roch-Saint-Sauveur à la dernière élection municipale et a accepté de faire partie de l’exposition et de témoigner.

Elle revendique l’idée de pouvoir « construire le genre qui nous fait sentir le mieux et le plus libre ». Elle ajoute qui lui a fallu un long cheminement de connaissance de soi. « Pour moi c’est mon coming out, se confie-t-elle, c’est la première fois que j’en parle en public. On a pas assez de belles histoires et de modèles positifs. C’était super important de montrer que ça se peut. »

Par ailleurs, il s’agit aussi d’un moment festif. « Les revendications peuvent se faire dans une certaine forme de célébration, être moins dans la tristesse et la colère et plus dans la célébration de tout ce qu’on est collectivement », explique Alex.

Une des participantes de l’exposition, Caroline, a pu livré son témoignage touchant devant la foule, affirmant qu’elle se sentait en confiance. « Pour l’avenir, j’espère que ces espaces sécuritaires vont se multiplier », conclut-elle.

Un enjeu social, mais aussi politique

David Johnson, candidat pour Démocratie Québec dans Cap-aux-diamants et colistier de Jean Rousseau durant les dernières élections était aussi présent. Il était important pour lui d’appuyer la démarche d’Alex pour qui il a énormément de respect.

« Je vais avouer que j’ai 41 ans et que je commence à ressentir la différence d’âge, lance-t-il. Dans ma vingtaine, les questions d’identités sexuelles étaient moins présentes. Je trouve que ça apporte beaucoup dans les débats sociaux et pour l’enjeu des droits de l’individu. »

David Johnson remarque toutefois des divisions. Tandis que certains se mobilisent et revendiquent un discours qui s’oppose à l’hétéro-normativité, d’autres « trouvent ça dérangeant et n’aiment pas ça ». Selon lui, cette « incapacité d’aller vers l’autre » peut « être dangereuse » pour la société.

Au regard de la dernière campagne électorale, l’ancien colistier de Jean Rousseau constate que les jeunes se reconnaissent dans un parti politique « inclusif » qui représente la diversité sexuelle. Il y aurait ainsi selon lui une sorte de politisation qui s’opère par le biais des questions de genre et des revendications de la communauté LGBTQIA2+.

« C’est important d’avoir un sentiment de communauté avec ceux qui partagent nos valeurs ou notre culture, mais il ne faut pas qu’on reste isolé dans les communautés non plus », conclut-il, d’où son intérêt pour les évènements ouverts à tous comme l’exposition « Pour elles et iels ».

Comment rejoindre tout le monde ?

L’enjeu principal de l’exposition est cette volonté d’ouvrir un dialogue avec « les personnes moins sensibilisés à la cause », pour reprendre l’expression dite « gentille » de Caroline.

Andréanne soutient que « ça se passe dans la dissémination du message » porté par les personnes issues de la diversité sexuelle, notamment à l’aide des réseaux sociaux. « Mes amis sur Facebook ne sont pas tous des alliés, mais ils vont voir mon témoignage et celui des autres femmes, ajoute-t-elle. Ça passe aussi par le fait de ne pas avoir honte de notre vérité et des faits qui se sont passés. »

Pour Camille Esther Garon, « ça commence par le dialogue ». « On voit de plus en plus d’ouverture grâce aux réseaux sociaux, affirme-t-elle, citant notamment l’augmentation des personnes noires s’abonnant à des pages queer. « Ça se fait en créant des espaces et d’ailleurs ta présence témoigne d’une ouverture », lance-t-elle.

Par ailleurs, les personnes qui sont davantage étrangères à la diversité sexuelle n’ont par exemple pas conscience des micro-agressions qu’ils peuvent faire subir par leurs questions ou commentaires. Comment s’assurer de ne pas diaboliser la normativité et d’établir un réel dialogue avec ceux qui ne vivent pas les violences subites par la communauté LGBTQIA2+ ?

« Pour moi, ce qui est important est de comprendre que ce n’est pas vrai que tout le monde sait tout, avance Camille Esther Garon. Il faut être capable d’expliquer sa réalité et de respecter ses limites. On a le droit de ne pas savoir. J’ai déjà demandé pourquoi il n’y avait pas de parole hétérosexuelle. Je les ai déjà posé ces questions-là. Oui, dans les dialogues, il va avoir des erreurs, mais il faut être capable de bien expliquer. C’est être aussi capable de normaliser les communautés queer et de reconnaître les différentes formes de violence dans la société en général. »

L’exposition qui se tiendra jusqu’au 9 décembre est une initiative pilotée par Camille Esther Garon et les collaborateurs des organismes Assumé.e.s et fier.re.s / Loud and Proud avec Gris Québec et Collectif Plurielles.

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