Un gouvernement minoritaire plus fragile

Vue sur OttawaPhoto : Edna Rabago, Pixabay

C’est officiel! Les Canadiens et les Canadiennes ont choisi d’élire un gouvernement libéral minoritaire. Si, à la lumière des résultats, c’est le statu quo qui semble persister, il y a fort à parier que la situation sera bien différente dans les coulisses de la Chambre des Communes. Comme on dit dans le « reste du Canada », same same, but different!

Par Karim Chahine

En déclenchant des élections, Justin Trudeau a joué gros. Bien qu’il en ressorte avec un résultat le plaçant dans une position semblable à celle qu’il occupait précédemment, au fond, le chef du Parti libéral du Canada a perdu au change.

Gagner la confiance de la Chambre

Justin Trudeau devra d’abord se lancer dans des négociations fastidieuses, s’apparentant à un parcours parlementaire du combattant, afin d’obtenir la confiance de la Chambre et former un gouvernement. Notre système parlementaire est basé sur la notion de responsabilité gouvernementale. Par conséquent, le gouvernement ne peut exercer son pouvoir qu’à condition d’avoir la confiance de la Chambre, c’est-à-dire l’approbation de la majorité des députés élus à la Chambre des communes.

Si un gouvernement est défait sur un vote mettant en cause sa confiance, le pays retombera fort probablement en élections générales. Pour lancer son gouvernement, Trudeau devra donc absolument réussir à passer à travers le discours du Trône et un premier budget.

C’est donc dire que si Trudeau ne réussit pas à rallier au moins un des partis d’opposition, son gouvernement sera rapidement en péril. S’il pouvait se permettre de tomber en élections lors de la précédente législature, le pari est dorénavant beaucoup risqué après ces élections non désirées. D’ailleurs, lors de la précédente législature, Trudeau savait que les autres partis ne voulaient pas vraiment que des élections soient déclenchées : il bénéficiait d’une certaine « latitude parlementaire ». Bien conscient de cela, il a notamment usé de ruse en désignant une motion conservatrice comme un vote de non-confiance en octobre 2020.

Les conservateurs proposaient alors la création d’un comité spécial sur l’affaire WE charity. En engageant la confiance de la Chambre sur cette question, le gouvernement Trudeau était susceptible d’être défait, plongeant ainsi le Canada en élection. Les députés du NPD avaient finalement voté contre la motion, permettant ainsi au gouvernement de conserver la confiance de la Chambre. Au bout du compte, 146 députés ont voté pour et 180 ont voté contre.

Un faux sentiment de sécurité

Pourquoi la situation est-elle différente de celle de la précédente législature malgré un nombre de sièges quasi identique? Tout simplement parce que Justin Trudeau ne peut plus se permettre de tomber encore en élection. S’il pouvait « parlementer » de façon un peu plus cavalière lors de son précédent gouvernement minoritaire, il n’a plus cette latitude.

Après avoir lui-même déclenché des élections, le fait de retomber encore en élections dans les prochains mois écorcherait gravement son leadership et la perception de sa capacité à gouverner. Sachant qu’un gouvernement minoritaire dure en moyenne de 18 à 24 mois, Trudeau devra temporiser ses actions politiques et tempérer sa hardiesse parlementaire. Si le Canada retombe en élection trop rapidement, les électeurs et électrices ne seront sans doute pas toujours aussi conciliants.

Dans le camp libéral, ce mandat minoritaire renouvelé risque de créer un faux sentiment de sécurité. Les libéraux feront miroiter ces élections comme un plébiscite de leur gestion de la pandémie et de leurs dépenses, bref, comme une victoire politique. À l’opposé, la soirée électorale n’était pas terminée que les partis d’opposition, prenant acte des résultats presque identiques à la précédente répartition au parlement, appelaient déjà Justin Trudeau à s’expliquer sur le déclenchement d’élections générales au coût de 600 millions de dollars.

Tout au long de cette campagne, Trudeau a eu à se défendre d’avoir déclenché des élections. Parions qu’il ne voudra pas avoir à justifier son incapacité à gagner la confiance de la Chambre à la suite de ces élections qu’il a lui-même déclenchées ou à conserver cette confiance pour une période de plus que quelques mois. C’est précisément ce point qui modifiera considérablement la dynamique de négociation parlementaire à la Chambre des communes dès les premiers mois de cette 44e législature et qui aura une influence sur les politiques du prochain gouvernement.

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