Humains, (pas) trop humains

David LemelinDavid Lemelin (Photo : Archives Carrefour de Québec)

J’aime traiter les angles de communication, vous commencez à le savoir. Le choix des mots en dit long sur l’état des lieux et la force de certains mythes, concepts et clichés.

Prenez celle-ci : le candidat Bruno Marchand veut que l’on considère les ainés non pas comme un « passif », mais un « actif ».

Sur le coup, on sourit, on se dit : « oouah, comme c’est beau! Il veut que nos ainés contribuent à la relance économique. C’est super! »

Oui, mais non.

Les intentions sont belles, mais témoignent de la force de cette vision traditionnelle de l’économie qu’on continue de nous servir, sans réfléchir, sans s’en rendre compte, sans le savoir.

Ça fait « je connais l’économie » de dire ça, nos aînés devraient être des « actifs ». Ça fait « je connais les colonnes de chiffres ». Ça, c’est le message que veulent nous passer les communications, en reprenant les concepts traditionnels, ceux qu’il faut employer pour établir sa « crédibilité » économique. C’est ce message qu’on véhicule, encore, dans les corridors du pouvoir et des départements d’économie dans les universités. Faut être productif et contribuer au PIB, sinon on sert à rien.

En réalité, c’est odieux. 

Pas méchamment. Ils ne savent pas ce qu’ils disent. Ils répètent, simplement. 

Mais, comme société, est-ce vraiment important que nos aînés soient considérés comme des « actifs » au lieu de « passifs »? 

Pour ma part, je pense qu’il serait temps que l’on considère les ainés comme des humains. C’est tout. 

Bien sûr, notre société a du travail à faire sur elle-même pour valoriser nos ainés et cesser de les voir comme des boulets, car c’est ce que ce concept économique fait des humains : tu produis, t’es payant. Tu produis pas, t’es un boulet. Si t’es sur le marché du travail, t’es utile. Sinon, tu sers à rien.

Employer cette formule, actif/passif, c’est rester prisonnier du modèle économique lui-même responsable de cette mauvaise perception des choses. C’est perpétuer le modèle, sans comprendre qu’il doit être révisé et dépassé.

Ça n’empêche pas la croissance économique, rassurez-vous. Ça n’empêche pas non plus d’offrir un boulot aux ainés qui voudraient s’occuper de cette manière. Pas du tout.

Mais, c’est surtout une manière de se demander : que veulent-ils, les ainés? Les a-t-on seulement écoutés? Considérés?

Dans certaines cultures, dont celle des autochtones, les ainés sont des trésors. Ils portent le savoir, la mémoire, les valeurs et la sagesse que l’on souhaite transmettre aux jeunes. Dans notre modèle capitalisto-marchand, les ainés sont des facteurs de production.

On déshumanise alors des individus, encore un peu plus, pour s’enfoncer dans des concepts creux qui sont néanmoins lourds de sens. L’occasion est, me semble-t-il, bonne pour repenser nos rapports avec le monde, avec les individus. Non pas pour tout bousculer, mais simplement pour prendre la mesure de ce que nous proposons.

C’est ainsi qu’on évite de culpabiliser un ainé. Et c’est en l’humanisant qu’on conserve sa dignité.

Commentez sur "Humains, (pas) trop humains"

Laissez un commentaire

Votre courriel ne sera pas publié.


*


Time limit is exhausted. Please reload CAPTCHA.