Les apprentis sorciers

Quoi qu'on dise par Martin ClaveauMartin Claveau (Photo : archives Carrefour de Québec)

Ça fait 25 ans que j’observe des présentations de projets de requalification urbaine. À chaque fois que j’assiste à ce genre d’exposé, je ne peux m’empêcher de voir des gens qui trippent et qui sont emballés par le projet qui les emploie. Je retrouve le même genre d’exaltation chez ma fille de huit ans quand elle est accaparée par ses présentations scolaires. À la différence des travaux de ma fille, qui sont tous merveilleux et parfaits, presque chaque fois qu’un projet de requalification urbaine se réalise, le résultat final est en deçà des prévisions optimistes que l’on nous faisait miroiter lors du « pitch » de vente. 

Des exemples : le centre Vidéotron, le Grand Marché, la place des Canotiers, le centre de foire et sa passerelle, le prolongement de Robert-Bourassa, l’Écoquartier de la Pointe-aux-Lièvres et celui de D’Estimauville, la démolition du Mail Saint-Roch etc. Tous ont le dénominateur commun d’avoir couté très chers et d’avoir nécessité des investissements supplémentaires importants pour les aider à atteindre leur objectif initial. Objectif qui, dans bien des cas, est encore loin d’être atteint longtemps après la réalisation de ces projets. À l’école, il n’y a pas vraiment d’incidence des travaux sur la vie des gens, mais dans les projets de requalification urbaine, il y en a. L’exercice de vouloir refaire la ville sur la ville est souvent périlleux et il fait toujours des gagnants et des perdants. 

En gros des gens qui n’habitent souvent pas un quartier, y planifient des changements pour des gens qui y vivent déjà et qui souvent l’aiment très bien comme il est. Ils le font en prévision d’un futur, dont on ne sait pas grand-chose et en se fiant sur des tendances qui varient tellement avec le temps, qu’on les ridiculise souvent des années plus tard quand elles passent mode. 

Je vous rappelle ici que le complexe G a déjà fait la fierté de Québec… Je vous mets au défi de me trouver quelqu’un qui en est fier maintenant. 

 Dans tout le boucan du passage éventuel du tramway dans Limoilou sur la 4e ou la 3e Avenue, certains soutiennent qu’il faut profiter de l’occasion pour reformater le quartier pour les cinquante prochaines années. Selon eux, Il ne faut pas craindre d’en profiter pour faire des changements drastiques pour le plus grand bien de l’avenir. D’autres voudraient que ça se fasse le plus discrètement possible. Selon ce que j’observe, à peu près tout le monde veut que le tramway passe près de chez eux, mais pas en face de chez eux.

Et si dans la vie la plupart des gens aimaient les choses comme elles sont? Est-ce si mal que ça de ne pas chercher le changement pour le changement?   

Personnellement, taxez moi d’être conservateur si ça vous chante, quand j’ai choisi de demeurer où je demeure, je l’ai fait en achetant ce que le quartier est présentement, pas en rêvant à ce qu’il pourrait devenir. Il est un peu difficile de convaincre des gens et des commerçants d’accepter un changement comme le tramway, alors qu’on sait très bien qu’une fois le changement fait, ils ne figureront plus dans le portrait, car leur entreprise ou leur demeure ne trouvera plus sa place dans la « big picture » du secteur requalifié.

Je ne sais pas pour vous, mais moi j’en ai soupé des gens qui me disent que ça va bien aller, quand ils n’ont absolument aucune idée de comment ça se passera en fin de compte. Le futur ne sera jamais ce qu’il était et la plupart du temps, les apprentis sorciers se trompent en croyant le prédire.

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