Impressions citadines par Catherine Dorion: Les humoristes

Impressions citadines par Catherine DorionCatherine Dorion

«On s’entend que le français parlé au Québec, c’est vraiment pas le plus beau.» S’ensuit une description dithyrambique du français parlé en France et en Afrique. Puis on revient au québécois avec une joke qui ne s’appuie sur aucun autre procédé psychologique que celui de mettre en lumière quelque chose de laid pour taper dessus tout le monde ensemble.

«Les femmes, c’est toutes des folles.» Tonnerre d’applaudissements et de rires. «Celles qui ne sont pas d’accord, applaudissez.» Applaudissements. «Ok, vous, vous êtes doublement folles, parce que vous niez la réalité». Climax de rire collectif.

«Qui est souverainiste ici?» Réaction timide. «Bon, dit-il, vous autres, on va vous mettre tous ensemble dans un petit coin ici, et on va mettre une clôture autour de vous, vous allez être bien.» Éclat de rire général. Quoi? Vous pensez encore que c’est pour nous couper du monde que… mais… oh. Oui, c’est ça que vous pensez encore. En fait, le public m’offre un spectacle plus fascinant que la scène.

J’allais voir le show de Sugar Sammy en me disant que ceux qui l’avaient trouvé insultant n’avaient pas d’ouverture d’esprit. J’étais prête à passer un bon moment d’autodérision (j’ai du talent pour ça). Mais l’humour de Sugar Sammy se situe à l’exact opposé de celui, tendre et, oui, plein d’autodérision, d’Yvon Deschamps ou de George Carlin : c’est un humour de winner qui rit des losers sans que ça ne soit drôle, juste pour le plaisir de rire de ceux qui n’ont pas confiance en eux, juste pour aller dans le même sens que ce qui gagne déjà.

Je pense à une conversation avec Guillaume Wagner, il me disait qu’il était déçu de ne pouvoir parler dans ses shows de tout ce qui lui tenait à coeur, parce que ses idées ne rejoignaient supposément pas les gens. Je me souviens pourtant que, lorsqu’il était venu faire son spectacle à Québec, il avait entre autres défendu les carrés rouges et/ou attaqué radio-X (je ne me souviens plus trop mais c’était sur cet axe-là). Le rire qu’il avait provoqué chez les gens représentait une véritable oeuvre d’art. Eux, généralement alignés sur le discours radio-ixien qui est la nouvelle bien-pensance dans leurs milieux, étaient amenés par un humoriste à faire quelques pas en dehors des fausses évidences qu’ils entendent à longueur de semaine. Le supposé winner était remis à sa place et il ne se raidissait pas, au contraire, ça le faisait rire.

Wagner, par moments, faisait ressortir l’humanité profonde des gens, celle qui continue de chauffer au fond d’eux sous des couches bien tapées de discours mainstream souvent méprisant. Des courants mentaux apparaissaient intérieurement, se choquaient dans la tête des spectateurs et déclenchaient le rire. L’art prenait pour matière la psychologie des gens et ces derniers se prêtaient au jeu : «Vas-y, disait le public, fais-moi voyager, surprends-moi, fais-moi aimer des choses que je pensais détester, détester des choses que je pensais aimer.» C’est merveilleux et tendre.

Il y a le rire qui remet en question et qui libère la pensée. Et puis il y a le rire qui conforte les snobs (ainsi que les insécures qui les prennent pour des dieux) dans leur certitude que ce qu’il y a autour d’eux c’est de la merde. Sugar Sammy fait usage du second. Pour en faire quoi? Gagner des prix, monter dans la patente, j’imagine. On ne peut pas dire qu’il soit, du point de vue de ces ambitions-là, super original.

  1. Ayoye quel point de vue gratuit « rire de ceux qui ont pas confiance en eux » et tout le reste de ton opinion…c’est un personnage…il faut faire soit-même le travail de ne pas croire tout ce qu’il dit. Son style marche très bien car le but!, Si je ne me trompe, est de faire rire! et ca marche. Ton texte le fait passer pour un tyrannique quand au fond il n’est qu’un comique. Faire rire lui fait gagner des prix…c’est pas rire des autres qui lui font gagner ces prix. Un humoriste utilise ces forces et ce qu’il connait pour amuser les gens, en essayant de faire rire tout le monde. Ceux qui ne rient pas sont seulement dans la catégorie « pas mon genre d’humour » …….ce ne sont pas des victimes comme ton texte le sous-entend…. gros manque de respect envers le travail qu’il fait et surtout envers son talent. Un texte dénigrant comme le tien est beaucoup trop exagéré.

  2. Chantal Bissonnette | Mai 1, 2014 at 17 h 31 min | Répondre

    Sugar Sammy, c’est l’humoriste le plus surévalué du Québec. Il est tellement ordinaire que ça ne vaut même pas la peine d’en parler. Et le public en général est pas très brillant non plus, tu leur donnes à peu près n’importe quoi et ils sont content. Il est à l’humour ce que McDonald est à la gastronomie. Concernant la souveraineté du Québec, faut être sérieusement bête pour s’imaginer que c’est un projet qui cherche à enfermer les gens, c’est tout à fait le contraire! C’est en faisant partie des Nations-Unies qu’on peut discuter avec les autres, certainement pas en demeurant une province contrôlée par un pays étranger qui parle à notre place comme si nous n’existions pas.

    « Être responsable de soi-même, c’est dans le reste du monde qu’on le devient. Rester dans le Canada, c’est cela qui est un repli sur soi. » – Jacques Parizeau

  3. @ eric
    Si le but c’est juste de faire rire, on a qu’à aller se faire chatouiller. On peut le faire à la maison, entre amis, soi-même aussi et c’est très économique. Quand on va à un spectacle, on va rire, oui, mais de quelque chose. Et là, l’analyse de Catherine peut être choquante ou cinglante, intense ou très partisane, mais elle offre quand-même une analyse. En réponse, ce serait bien d’offrir un contrepoids analytique et non une charge plus épaisse encore que celle décelée dans son texte.

    • Jai souvent des points de vue sur lesquels.je ne suis pas daccord avec mon entourage. Et je leurs envoit des blagues qui sont « anti » leurs idées (si on peut dire ca comme ca) et la plupart sont capable de comprendre que malgré que je ne sois pas daccord,malgré le fait que je discredite leurs idées en blaguant sur leurs facon d’etre et de penser, que ca ne fait pas de.moi un mechant qui detruit leurs ideaux. Que ca ne fait pas de.moi quelqu’um qui ne respecte pas.les.autres mentalités. L’humour de winner ….les vrai winner sont capables de rire des autres de soi meme aussi et davoir un opinion differentes sans pour autant brimé la.liberté des autres comme le gardien de prison fait en pissant sur les.prisonniers(comme dans le.commentaires precedent)….dans notre société les « loosers »comme.vous dites ne sont pas.prisonniers. cest trop facile de critiquer quelqu’un mais cest beaucoup plus difficile de relancer un  » baveux » « winner » et peut etre meme de le battre a son propre jeux. Je naime pas.lopinion de catherine car elle n’a pas su faire mieux que lui. Elle a seulement exprimé son desaccord de maniere arrogante. Entre denigrer en disant les quebecois souverains cherchent a senfermer dans une cage et denigrer en rabaissant la personne qui a dit ca je ne vois aucune difference. Mais au moins sugar sammy le fait et ca fait rire les gens. Cest beaucoup plus noble.

  4. «Ayoye quel point de vue gratuit “rire de ceux qui ont pas confiance en eux”»
    En fait, je crois que t’a raison, l’objectif est de rire *avec* ceux qui n’ont pas confiance en eux. Je crois que c’est ça qu’elle voulait dire. Mais, pourquoi elle a choisi la formulation dont tu as cité ? J’aimerais entendre ton interprétation.

    C’est effectivement triste de vouloir créer des «looser» et de les inciter à concevoir de la haine.

    Mon interprétation. (se retrouvant intégralement dans le texte de Catherine) :
    1- Un spectacle d’humour s’adresse à ceux qui rie de l’humour.. (jusque là tout va ?)
    2- Le spectacle mettait en contraste deux groupes qui transpire les idées politiques de Sugar Sammy
    3- L’effort politique était surtout contre quelque chose et non pour. Catherine fait une autre distinction, elle place les gens contre qui était l’effort comme étant les plus vulnérable. Ce qui explique sa sémantique de «Winner / Loser» comme approche. Évidement, c’est la perspective de Sugar Sammy.
    4- Catherine n’a pas rie. Bien que l’humour de Sugar Sammy ait une perspective politique différente de la politique, ce n’est pas le problème de Catherine. Le problème, c’est l’abrutissement des gens puisque vivre «contre» quelque chose et non «pour» quelque chose, c’est effectivement agrandir l’écart «winner/looser» ou lieu de la réduire.

    –> Bref, Sugar Sammy rie des «looser» dont il propose et il est bien évident que ceux qui rient avec Sugar Sammy, sont effectivement entrés dans dénigrement qui nivelle la société par le bas.

    « et tout le reste de ton opinion…c’est un personnage…»
    encore une fois, Catherine aussi parlé
    – de société
    – de la noblesse dans l’art de l’humoriste
    – la destruction des rêves vs la construction
    – de l’évitement de la pensé critique basé l’amour au lieu de vivre sur l’inconfort proposé basé sur la haine omniprésente dans le message de Sugar Sammy

    Finalement, Sugar Sammy me semble être une sorte de sociopathe de l’humour.

  5. Dominique Turcotte | Mai 2, 2014 at 2 h 47 min | Répondre

    M. Éric,

    Un gardien de prison urine sur les détenus, déclenchant l’hilarité chez ses confrères gardiens (ça s’est vu dans une époque pas si lointaine). Si les détenus ne rient pas, c’est seulement parce que ce n’est pas leur genre d’humour? C’est ce que décrit Mme Dorion dans son texte: l’humour du dominant (winner) au dépend du dominé (loser). Vous avez le droit d’aimer cet humour, ça ne diminue en rien la pertinence du commentaire de Mme Dorion.

  6. Alexis ton commetaires est d’une profondeur ca me fait reflechir (mon commentaire analysait) bon! Jai envie de rire je vais allez.me.faire chatouiller!

  7. Mme Dorion, vous extrapolez que le public de Guillaume Wagner était de facto majoritairement fan/disciple de radio-X, alors que dans les faits, c’était plutôt minoritaire…

  8. > Détruire afin de créer un vide pour reconstruire autrement.
    Tout le monde comprend ce concept qui s’applique à plusieurs choses dans la vie, oui?

    Bon.

    Le problème, c’est que Sugar Sammy ridiculise, invalide et détruit, l’identité québécoise dans toute son intégralité, alors qu’elle est déjà TRÈS en mal. Il aggrave le problème déjà prononcé de la société québécoise, qui est un manque de confiance et d’auto-respect. Les Québécois pensent déjà qu’on vaut rien, qu’on est les pires, qu’on est des pas bons, qu’on a besoin des autres. Notre problème c’est qu’on croit tout ça. Parce qu’on se pense bons à rien, on ne fait rien par crainte de l’échec et par crainte de se faire ridiculiser. C’est pas sorcier, c’est juste de la psychologie humaine.

    Absolument PERSONNE ne peut argumenter que Sugar Sammy fait ce genre d’humour pour nous « réveiller ». Depuis quand est-ce qu’on aide quelqu’un qui manque de confiance en soi en le dénigrant?! Il ne fait qu’aggraver le problème en adoptant le même comportement qui l’a créé. On en est pas venus à se trouver bons à rien par nous-mêmes. Ce sont les anglophones qui ont passé des décennies à nous dénigrer, à nous mépriser, à nous piler dessus, à essayer de complètement effacer notre identité afin de nous reconstruire à l’image de leur société, de leurs valeurs et de leurs idéaux, invalidant complètement nos valeurs et nos idéaux. Pis si vous pensez que ce sont juste des histoires de séparatiste ce que je dis là, j’vous conseille d’aller réviser votre histoire, surtout la partie sur la situation socio-économique des francophones dans les années précédant les années 50.

    Si Sugar Sammy penser arriver à quoi que ce soit avec son spectacle d’humour, il n’est qu’un con.

    Ce que le peuple Québécois a besoin c’est pas de se faire taper dessus, c’est de se faire encourager à s’affirmer, à croire en lui et à se respecter, parce que le Québec est capable des même choses que n’importe quelle autre société, il ne le sait simplement pas. C’est comme ça qu’on aide quelqu’un qui a un problème de confiance en soi. C’est comme ça qu’on aide une société qui a un problème de confiance en soi aussi.

    Ceux qui pensent qu’il a bien raison font partie du problème en contribuant à faire en sorte que le peuple Québécois continue de se sentir bon à rien. Ils contribuent à faire en sorte que le Québec reste aussi minable qu’ils croient qu’il est. C’est une prophétie qui s’auto-réalise. Bravo les pas vites.

    Ceux qui s’offusquent de ses propos comprennent les dommages qu’il fait à la société Québécoise, qui n’a aucunement besoin d’un con tenant des propos de la sorte.

  9. L’humour c’est comme la crème glacé, il y en a pour tout les goûts. Vous n’aimez pas un humoriste, bien aller en voir un autre. Je peux comprendre que des gens ne peuvent pas aimer un certain genre d’humour, mais qui sont-ils pour décider quel genre d’humour peut être fait et quel genre d’humour devrait disparaitre. Je n’aime pas la crème glacé aux pistaches, mais je ne vais pas aller sur toutes les tribunes pour dire que la crème glacé aux pistaches ne devrait pas exister et que ceux qui en mangent sont des crétins.

    Vous n’aimez pas un humoriste, c’est correcte, ne consommez pas son humour c’est tout. Au lieu de toujours parler de celui qu’on aime pas et d’étaler sa frustration, pourquoi ne pas parler de celui qu’on aime et qu’on aimerait faire connaître. Plus de positif, moins de négatif

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