Impressions citadines par Catherine Dorion: Bugingo, les médias et le mensonge

Impressions citadines par Catherine DorionCatherine Dorion

Il suffit d’avoir été dans le feu de l’action et d’avoir ensuite vu, le soir venu, comment c’était rapporté au téléjournal, pour que le doute s’installe. Il suffit que cela soit arrivé quelques fois pour qu’on arrête complètement de les croire sur parole. Parfois ce sont de petites inexactitudes involontaires pour boucher les trous. De temps en temps, un reportage qui, par ce qu’il sous-entend, ressemble fort à du mensonge. On s’exclame : « Mais voyons! Ce n’est pas ça! J’y étais! » On repense au journaliste, au reporter, avec un mini-sentiment de trahison.

Rentrer d’une manifestation élégante, une marche d’intellos à lunettes qui se demandent ce qu’il reste de notre démocratie, et entendre ensuite parler de « la violence des manifestants ». J’ai beau m’exclamer, dire à ceux qui regardent la télé : « J’y étais! C’est faux! », on me regarde en me collant les étiquettes : frustrée, pelleteuse de nuages, etc. Ne reste que moi pour coller au journaliste celle de menteur.

Petite joie électrique à voir ces manifestants déposer sous l’essuie-glace du camion de la télé ce carton : « Menteurs ». Rire lorsque le caméraman revient en courant pour l’enlever, avec quand même un sourire derrière sa bouche pincée (les caméramans, même hauts dans les échelons, demeurent des punks, c’est bien connu). Re-rire lorsque d’autres manifestants remettent un nouveau carton dès qu’il s’éloigne. Ce moment ne sera pas télévisé, on n’est pas là pour la légèreté. On attend, pour prendre des images, que la police charge ces objecteurs de conscience et que la scène ressemble à un film apocalyptique, avec fumée, cagoules, cris et colère. Émotion, guerre, scandale, tout ce qui de tout temps a attiré des spectateurs. Il faut que ça vende, c’est le credo de l’époque.

Alors Bugingo. Cette histoire d’un reporter dont la faille psychologique été exacerbée par un milieu médiatique en quête d’histoires toujours plus salées, toujours plus vendables, ne me scandalise pas tellement. S’il est bel et bien ce mythomane, j’ai plus de compassion pour lui, qui souffre d’une désagréable compulsion au mensonge, que pour ces journalistes qui rapportent non pas ce qu’ils ont vu mais ce qui fera plaisir à leur boss ou à leur milieu idéologique.

Aux États-Unis, après l’invasion de l’Irak, 80% des auditeurs de Fox News croyaient soit qu’on avait trouvé chez Saddam des armes de destruction massive, soit qu’il était en partie responsable du 11 septembre (tout faux). Alors quoi? 80% des auditeurs de Fox sont des caves? Cette réponse est tentante, je l’avoue, mais ce n’est pas la bonne. La bonne réponse, c’est que Fox News ment. Souvent avec des images, ça brouille les pistes et facilite le contournement de la loi. La radio d’opinion ment particulièrement souvent. Ils interprètent tout croche un document pour lui faire dire ce qu’ils ont envie qu’il dise. Ils font venir un « expert » que je pourrais démantibuler en quatre mots. Et ça n’a pas l’excuse d’être du mensonge compulsif, maladif. C’est du mensonge intentionné qui trompe volontairement et lucidement. Ça fait intensément partie de nos vies, notre démocratie en souffre profondément et ça devrait nous faire lever le poil sur les bras. Alors lâchez le pauvre Bugingo.

Commentez sur "Impressions citadines par Catherine Dorion: Bugingo, les médias et le mensonge"

Laissez un commentaire

Votre courriel ne sera pas publié.


*


Time limit is exhausted. Please reload CAPTCHA.