Saviez-vous que… ce n’est pas Les Plouffe, ce roman canadien-français mythique, qui a fait connaître Roger Lemelin[i], mais plutôt Au pied de la pente douce, qu’il avait publié quatre années auparavant ? Il s’agissait d’un des premiers romans de mœurs québécois dont l’action avait lieu en milieu urbain. Il traçait le portrait du faubourg populaire défavorisé de Saint-Sauveur, situé en bas de la côte Franklin, à Québec, au début de la Grande Noirceur, vers la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Il dénonçait les abus et les exploitations de toutes sortes à travers la vie quotidienne de trois adolescents et avait remporté le prix Athanase David.
Une chronique de Pierre Drolet
C’est néanmoins Les Plouffe qui s’incrustera dans les mémoires, pour se coller à son auteur au point d’occulter ses autres romans, notamment Le crime d’Ovide Plouffe[ii], inspiré par un meurtre odieux commis à Québec à cette époque. Les Plouffe, publié en 1948, traite des hauts et des bas d’une famille ouvrière canadienne-française de la basse-ville formée de quatre jeunes adultes (Napoléon, Guillaume, Ovide et Cécile) et de leurs parents (Théophile et Joséphine). Le livre paraît en France, chez Flammarion, puis est traduit en anglais et distribué aux États-Unis. De 1952 à 1955, on en fera une série radiophonique sous le titre de La famille Plouffe. Enfin, Lemelin écrit le scénario du tout premier feuilleton de la télévision canadienne sous le même nom. Il passera en ondes entre le 4 novembre 1953 et le 17 juin 1959, diffusé les deux premières années pendant quinze minutes, pour passer par la suite à 30 minutes. La version anglaise sera traduite par Lemelin lui-même et diffusée sur les ondes de CBC Television. Enfin, Gilles Carle et Denis Héroux scénariseront le film Les Plouffe, qui sera projeté sur les écrans le 7 avril 1981 en français et en anglais le 24 avril.
C’est la série télévisée qui consacrera vraiment la réputation de Roger Lemelin. Jamais il n’y aura eu au Québec un engouement aussi important pour une émission de télévision. Tous les Québécois, des plus jeunes aux plus âgés, avaient les yeux rivés sur le petit écran pour suivre fébrilement les péripéties, les uns de Guillaume le sportif, les autres d’un Ovide porté sur les arts ou de Cécile, la grande amoureuse. Aux heures d’écoute, toute la population de la province était rivée sur le petit écran.
On se souvient que Roger Lemelin sera par la suite président du journal La Presse pendant presque 10 ans. On a cependant oublié que, plus jeune, il avait été un expert en saut à ski, qu’il était un très bon joueur d’échecs, qu’il a été, avec un cousin, propriétaire de la charcuterie Taillefer, grâce à laquelle il a popularisé les cretons et la tourtière de son épouse, Valida Lavigueur, et aussi qu’il a beaucoup été critiqué par le clergé, auquel il s’était vaillamment opposé.
[i] Voir, entre autres, Roger Lemelin. L’enchanteur. Daniel Bertrand, Stanké. 2000, 331 p.
[ii] Lemelin a aussi écrit le roman Pierre le magnifique, des nouvelles, des scénarios, des éditoriaux, conférences, essais, etc.

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