Un livre québécois incontournable

Couverture du livre La fatigue politique du Québec français

En cette journée « Le 12 août – j’achète un livre québécois », nous suggérons l’achat, mais surtout la lecture du livre La Fatigue politique du Québec français écrit par Daniel D. Jacques en 2008. 

Voici pourquoi nous croyons que ce livre est un indispensable québécois, toujours aussi actuel qu’à sa sortie. 

Relire les auteurs du passé

Daniel D. Jacques propose dans cet ouvrage d’aborder de front le sentiment d’un échec collectif, soit celui de n’être encore qu’une province canadienne ou une minorité historique. Il pense l’inachèvement politique du Québec et explore les moments de la passion indépendantiste pour aborder le problème que pose encore notre devenir historique et politique. Pour repenser les évènements, Daniel D. Jacques nous propose de relire certains textes d’auteurs québécois.

Il nous invite d’abord à penser l’héritage d’Hubert Aquin comme la transmission d’un « style de pensée » et non d’une thèse dont il faudrait se tenir à distance. Il me semble qu’il nous donne ainsi accès à un niveau de lecture qui permet de comprendre l’intérêt de relire les auteurs québécois du passé ; non pour faire leur apologie ou les condamner, mais pour faire un pas de côté nécessaire à la compréhension de nous-mêmes. 

L’esprit d’Hubert Aquin comme « expression la plus charismatique de l’intellectuel paradoxal canadien-français » fait voir un paradoxe qui constitue la raison même de la fatigue politique des québécois. Ce paradoxe est le désir de réaliser l’idéal de l’indépendance politique au même moment de penser son improbabilité. Nous sommes ainsi face à un « drame québécois » ; le motif de la lutte d’émancipation est aussi la raison historique de son échec. Le mouvement suscité par cette fatigue est la raison de notre impuissance politique. 

La pertinence d’Hubert Aquin

L’actualité de la pensée d’Hubert Aquin, explique Daniel D. Jacques, est son témoignage vivant du rapport entre l’idéal et le réel. Il permet de ressaisir une « expérience politique que l’on retrouve aux origines de la réflexion philosophique », soit la « contingence extrême dans les affaires humaines ». Le détour par Aquin, avec ce regard questionnant, nous permet de remonter aux sources universelles des problèmes politiques qui ne sont pas spécifiques au peuple québécois. 

Le politique en tant que phénomène échappe partiellement à la saisie de l’intellectuel. La lecture du passé peut nous inspirer à ré-adopter la modestie de l’essayiste, ce tour de l’esprit qui questionne. Cette attitude nous semble être celle-là même adoptée par Daniel  D. Jacques et qui lui permet d’examiner intelligemment notre histoire et de se demander s’il est encore approprié d’ordonner notre existence à la mesure de l’idéal de l’indépendance.

Questionner l’idéal québécois de l’indépendance

Daniel D. Jacques pose en effet l’exigence pour l’intellectuel d’interroger sa pertinence. Il s’agit de voir les signes : il y a un déclin réel du désir indépendantiste et une volonté incertaine par rapport aux raisons de faire l’indépendance. Le projet se « revête d’une imprécision qui rend la volonté collective indisposée à s’orienter ». Pourquoi précisément faudrait-il faire du Québec un pays ?

Pour Daniel D. Jacques, il s’agit de l’effet de « l’échec de la pédagogie souverainiste » qui prend pour idéal la notion de culture et qui fragilise le projet indépendantiste. Comme il le fait remarquer, la culture québécoise n’est pas exclusivement québécoise ; elle s’est développée au sein du Canada et emprunte de cultures voisines.

Ce que cache cette voie est ainsi une impossibilité de penser la nation comme phénomène politique et non uniquement comme phénomène culturel. La politique est réduite à un simple instrument. La liberté politique n’est jamais pensée comme la fin en soi.

Réfléchir à notre fatigue pour la dépasser

La force de l’ouvrage La Fatigue politique du Québec français est qu’il ne promet pas un jugement définitif sur la situation politique au Québec. Il ne propose pas non plus un éloge du droit à l’autodétermination du peuple québécois, ni une condamnation d’un tel idéal jugé dépassé. Daniel D. Jacques ne réfléchit jamais avec l’esprit du partisan. Cela ne fait pas de sa réflexion une pensée à distance ou une posture de surplomb théorique condescendante et destinée à celui qui fréquente les bancs universitaires. 

En tant que philosophe, il adhère fidèlement à la libre pensée, au regard de celui qui veut voir les choses comme elles sont. Il nous invite à penser le fait que « le souverainisme est l’expression de notre difficulté d’être dans l’histoire », puisqu’il traine comme une ombre l’ignorance de ce qui est proprement et pleinement politique. 

Daniel D. Jacques, professeur de philosophie récemment retraité, est un membre fondateur de la revue Argument et a reçu le prix Victor-Barbeau (1999), décerné par l’Académie des lettres du Québec, pour son livre Nationalité et modernité (Boréal, 1998).

À lire demain : notre entrevue exclusive avec Daniel D. Jacques où nous le questionnons sur le caractère actuel de ses propositions dans La fatigue politique du Québec français

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