Respect Citoyens ou de la Karenisation de la politique municipale

Respect Citoyens. Photo: Respect Citoyens.

Entre deux coups de klaxon et un slogan nostalgique, Respect Citoyens rêve d’une ville où l’on circule sans cônes et où le bon sens se mesure au nombre de cylindres. Une chronique sur le populisme banlieusard 2.0, où le citoyen devient client et la politique, un service après-vente.

En matière de politique municipale, on croyait avoir tout vu. L’époque semble nous prouver qu’en 2025, on a beau n’avoir aucune attente, on finit quand même par être déçu. C’est ainsi que Québec a hérité de Respect Citoyens, curieux mélange de nostalgie asphaltée, de colère anti-cône et de haine du tramway.

Les médias sociaux et la logique clientéliste des institutions ont transformé le rapport à la vie municipale : chacun se vit comme un usager plutôt que comme un citoyen. On ne pense plus la ville collectivement, mais à partir de sa propre expérience. C’est le terrain idéal pour le populisme municipal, qui se nourrit de ces frustrations quotidiennes et les érige en vision du monde. À cet égard, Respect Citoyens est l’illustration parfaite de la Karenisation de Québec. Une politique de la plainte, où l’on exige de parler au gérant et qui prend la forme politique du narcissisme civique : une indignation permanente, déconnectée de toute complexité, qui revendique son droit à ne jamais avoir tort. C’est ainsi que naissent des partis comme Respect Citoyens : produits dérivés d’un malaise collectif, où l’on confond participation et plainte.

La conviction que payer des taxes donne droit à tout : un stationnement devant la porte, des rues sans travaux, des services parfaits, et une administration qui s’excuse quand il pleut. Le citoyen devient client, et la démocratie, un centre d’appels.

Ce populisme banlieusard 2.0 fonctionne à la certitude : il ne doute jamais, ne lit pas, ne cherche pas à comprendre. Réfléchir, c’est compliqué ; s’indigner, c’est rapide ; klaxonner, c’est cathartique. Et tout ce petit monde s’étonne ensuite que la ville, elle, avance sans eux.
Ce n’est pas tant le respect qui importe, mais le confort.

Derrière leur vernis de “bon sens”, c’est une vision étriquée de la ville qui se dessine. Pour Respect Citoyens, la ville n’est pas un lieu à habiter : c’est un obstacle à contourner. Elle doit être fluide, dégagée, sans cône ni cycliste, traversable sans ralentir. C’est le triomphe de la logique clientéliste : la ville comme service, non comme milieu de vie.

Dans la ville sauce Respect Citoyens, seuls les « payeurs de taxes » semblent avoir voix au chapitre. Comme si la valeur d’un être humain se mesurait à sa facture de taxe foncière, et non à sa contribution à la collectivité. La modernité imposerait qu’on arrête de définir les gens par leur patrimoine ; Respect Citoyens propose de le remettre au centre du contrat social. Cette vision exclut tout ce qui fait la richesse d’une ville : les étudiants, les aînés, les artistes, les personnes précaires, les travailleurs du quotidien. Eux aussi vivent ici, eux aussi la font tenir debout.

Parmi les perles de leur programme, on trouve cette proposition : « Ajouter une passerelle chauffée et accessible aux personnes à mobilité réduite, à la hauteur du CHUL sur le boulevard Laurier » pour « sécuriser les piétons. Quand on sait que le chef du parti s’est fait prendre à rouler à 93 km/h sur ce même boulevard, on comprend mieux, tout à coup, la nécessité de sécuriser les piétons. Tout pour rappeler qu’ici, on ne partage pas. Ni la route, ni la Ville.

La plus grande tragédie de Respect Citoyens, ce n’est pas leur ignorance des dossiers municipaux, c’est leur incapacité à aimer la ville autrement qu’en sens unique. Pendant qu’ils rêvent d’une ville qui se traverse vite, d’autres la vivent. À leur rythme. À pied, à vélo, sur une terrasse, dans un parc. Et c’est peut-être là que se joue le vrai avenir de Québec : entre ceux qui la klaxonnent et ceux qui l’habitent.

Ce dimanche, on recule l’heure.
Ce serait bien, au passage, de ne pas reculer la ville de soixante ans. Québec mérite des idées qui avancent, pas des moteurs qui râlent. Et surtout, elle mérite des citoyens, pas des clients.

1 commentaire sur "Respect Citoyens ou de la Karenisation de la politique municipale"

  1. Je n’aurais pas pu mieux dire… Quand leur vision est de retourner dans le passé, ça donne ça. J’espère que les citoyens vont leur donner un message clair le 2 novembre.

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