Un artiste de Québec qui n’a pas froid aux yeux expose à Berlin

L'oeuvre de l'artiste Antoine Lortie Laporte intitulée Le trône de perleL'oeuvre de l'artiste Antoine Lortie Laporte intitulée Le trône de perle, 2023.(Photo : gracieuseté)

Depuis le 26 mai 2023 sont exposées quelques œuvres phares de l’artiste de Saint-Roch Antoine Lortie Laporte dans la galerie Rosalux à Berlin, en Allemagne. L’artiste nous partage le fruit de cette importante exposition, son univers artistique, ainsi que les luttes qu’il mène de front, depuis quelques années.

Par Marie-Ève Groleau

Composée de deux œuvres picturales et vidéo, ainsi que d’un corpus de dessins, l’exposition Tales from the DxColonizer est l’occasion pour l’artiste natif de Québec de poser de grandes questions personnelles et d’intentions collectives.

« Il y a deux tableaux ; deux peintures dont l’une est juxtaposée à une vidéo. L’une s’intitule Hyperphaneroid, qui est une peinture acrylique classique sur toile et l’autre, Peinture Zéro, une peinture sur moniteur d’ordinateur. Ces œuvres sont reliées par des filages afin d’unir les images, un peu comme un système informatique », a décrit l’artiste.

Résolument engagé et métaphysique à la fois, le travail intriguant et provoquant de l’artiste pose, en deuxième temps, une critique sur le milieu culturel dans la Ville de Québec.

« Avant l’exposition à Berlin, j’ai participé à une résidence de recherche-création avec le Posthuman Art Network, ce qui a nourri cette présente exposition. Pour cette expo, comme pour les récentes, j’ai essayé de garder ma folie créatrice plus enfantine. Le directeur de la galerie de Berlin, lui aussi participant, a repérer mon travail et son propos inusité, était tout aussi pertinent pour le dialogue contemporain en art visuel. Le projet de la résidence était de questionner le milieu artistique ici à Québec quant au système de valeurs des œuvres et du travail des artistes », a-t-il partagé.

Censure conservatrice

Censuré à quatre reprises par ses pairs et par quelques institutions culturelles québécoises, Antoine Lortie Laporte rejette le consensus ambiant dans le travail artistique, c’est-à-dire, l’artiste qui serait, pour lui, « gentil pour être gentil ». L’artiste, au sein de la société, pour Antoine Lortie Laporte, doit se poser les vraies questions.

«  Ce qui m’intéresse ce sont les vrais débats de fond ainsi que d’inventer d’autres manières de faire consensus avec ma communauté. J’ai alors arrêté d’avoir une démarche artistique et je l’ai remplacée par de l’art personnel. Je n’adhère pas aux rapports justificatifs des institutions qui encouragent, pour moi, un dogme et donc, le risque de tuer le feu de l’art et de la création. Pour moi, les institutions déforment notre façon de faire de l’art, et ça a des conséquences dans le temps. De la même manière, j’ai envie de sortir de la phase post-référendaire au Québec. C’est difficile, l’identité québécoise, comme il n’y a plus de rêve de pays, plus de foi, ça m’inquiète si on en venait à ne plus avoir le feu de la création. À cet égard, je suis comme un médecin, ou un pharmacien, et mes œuvres sont des médicaments. C’est pour ça qu’on y retrouve de la masculinité toxique, de la misogynie mais aussi du féminisme et de la philosophie. C’est pour que les œuvres redeviennent le moteur d’un dissensus social afin de refaire consensus ensemble », a renchéri l’artiste.

L’artiste Antoine Lortie en présence de l’une de ses œuvres, 2023.

Philosophie de la Grèce antique

Militant pour un art décomplexé et d’abord purgatoire,  Antoine Lortie Laporte est inspiré par la Grèce antique et la philosophie.

« C’est peut-être un peu enfantin, mais je traite d’Eros (l’Amour et la sexualité), de Thanatos (la mort), de Logos (la logique, la science et l’idée de l’intelligence) et du Mythos (le mysticisme). Ces quatre instances agissent pour moi comme des vecteurs. Je suis pour la catharsis, la purgation artistique, personnelle et ce, avant de créer et de proposer des œuvres ! Je veux voir et entendre les artistes toucher à un désarçonnement, c’est-à-dire à la vraie vie, au cœur de soi, de l’expérience humaine qui pue, enfin, qui est véritable !  Par exemple, à Québec, il manque des lieux de discussions. Il manque une agora afin que tous puissent s’entendre en se jugeant en personne, en présentiel. Par la suite, le consensus peut s’extraire et être sublimé ! », a-t-il poursuivi.

Amateur de jeux vidéo, Antoine Lortie Laporte partage au Journal quelques réflexions.

« Quand on joue, on veut souvent être le dernier dans la partie, le seul à avoir gagné. Mais dans la vie, en réalité, on a jamais vraiment gagné tant que tout le monde n’a pas eu la chance d’être vainqueur également », a-t-il déclaré, en terminant.

Rappelons qu’Antoine Lortie a complété une maîtrise en peinture avec mention à l’Académie royale des beaux-arts de Bruxelles en 2016. Il a notamment exposé, à partir de collections publiques et privées, en France, en Angleterre, en Belgique et dans l’Est du Canada. Sa prochaine exposition solo aura lieu l’an prochain à Toronto.

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