Chronique : Du faux vrai

david lemelinDavid Lemelin (Photo : Courtoisie)

Par David Lemelin

C’est fascinant et ça ne date pas d’hier.

En politique, malheureusement, on essaie depuis longtemps de créer une image autour du leader en campagne.

C’est particulièrement le cas depuis le premier débat télévisé de Kennedy et Nixon, en 1960. Le candidat démocrate au teint bronzé, bien posé, charismatique, souriant détonnait face à son adversaire républicain pâle, suant, hésitant, penché sur sa table.

Depuis, la recette n’a jamais cessé de formater les candidats politiques les plus visibles, la stratégie marketing (carrément l’approche publicitaire) prenant en charge pratiquement tout le dossier de « mise en marché » de ceux-ci. (D’ailleurs, en 1962, l’équipe de Jean Lesage avait fait affaire avec le stratège de Kennedy. Daniel Johnson a donc eu l’air du Nixon québécois, perdant largement sur le plan de l’image face à son adversaire libéral.)

Qu’en penser?

On peut se demander si les gens sont vraiment prêts à voir les candidats tels qu’ils sont. Je n’en suis pas convaincu et les responsables des communications des partis politiques non plus, visiblement.

Mais, ce serait, vraiment, vraiment, un progrès à tous les points de vue.

Par exemple, l’actuelle campagne du chef conservateur, Pierre Poilièvre, est presque comique. On veut absolument en faire un doux et tendre politicien, agréable et presque jovial, proche du vrai monde. Or, ce n’est surtout pas lui.

C’est un bulldog. Il aime mordre, débattre, attaquer, critiquer, ridiculiser. La démagogie est son pain et son beurre. Faut le voir sourire quand il est fier d’une jambette qu’il vient de faire à Trudeau. C’est pas un doux.

Mais, les sondages au Québec et auprès des femmes ne sont pas bons. Donc, il faut en faire ce qu’il n’est pas.

C’est dommage, parce que, ce faisant, on ment aux gens. Pourquoi ne pas accepter que les gens puissent voter pour un bulldog, si ça leur chante? Et, surtout, pourquoi ne pas accepter que les gens puissent ne pas en vouloir?

C’est ça, la démocratie : accepter le verdict populaire. Proposer une approche, un style et laisser les gens choisir. Dans ce cas-ci, on essaie plutôt de se jouer d’elle, en la contournant, en manipulant l’image pour obtenir un résultat basé sur le mensonge. C’est mal.

On l’a vu et on le verra encore, malheureusement. Pensez à Pauline Marois qu’on a essayé de rendre plus terne qu’elle ne l’était en réalité, en lui disant de cacher ses bijoux et ses foulards. Une erreur, à mon avis.

On le voit aussi lorsqu’on essaie de nous faire croire que tel candidat est compétent alors qu’il ne l’est pas vraiment. Alors, vendez la réalité : les valeurs, le style, l’approche. Pas les réponses à des questions qu’il ne se posait même pas!

Chez les Américains, je vais au moins donner ceci à Trump : il vend ce qu’il est. Il n’a pas de rédacteur de discours qui lui fait lire un texte intelligent et posé. Il dit des conneries et il les assume. Ceux qui veulent avoir un clown comme président peuvent donc voter pour lui, librement.

Vous direz qu’avoir un clown n’est pas souhaitable. Alors, je vous répondrai que le discours le plus songé n’empêchera pas Trump, une fois la porte fermée, de réunir son équipe pour lui ordonner de faire des conneries. Ça ne changera rien. On aura simplement dupé les gens.

Et si les électeurs mesurent correctement le « produit » qu’on essaie de leur vendre, ils pourront alors voter en connaissance de cause. Pour éviter le pire, probablement.

Ou alors, pour voter pour un changement qui est véritablement un souhait populaire et non pas un truc dissimulé sous un lustre publicitaire dégoulinant qui essaie de nous faire croire que ce steak est en fait une laitue.

Mais, question : êtes-vous prêts à les voir tels qu’ils sont, réellement?

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