Chronique : Une honte

david lemelinDavid Lemelin (Photo : Courtoisie)

Par David Lemelin

C’est plate. Je devrais revenir de mon voyage autour de la Gaspésie pâmé bin raide. En fait, je le suis. Faire le tour de la péninsule gaspésienne, c’est renversant. C’est un périple de plus de 1000 kilomètres à croiser des dizaines de villages magnifiques, souvent juchés sur le haut d’une colline, pour s’assurer de pouvoir admirer la mer, ou déposés sur le pourtour d’une anse, blottis dans les bras de la montagne, pour créer l’impression de dévoiler au public un petit coin de paradis.

C’est sublime.

Il y a un « mais »…

Il était impossible pour moi de ne pas faire un arrêt à New Carlisle, lieu de naissance de René Lévesque. Pour le souverainiste que je suis, c’était un pèlerinage obligatoire. Ça m’a ému. L’Espace René-Lévesque, petit musée érigé sur place, est à la fois charmant et modeste. Le principal intéressé n’aurait de toute façon pas apprécié qu’on fasse de son souvenir un culte spectaculaire et pompeux à l’extrême.

En revanche, le détour devant sa maison natale, qu’on trouve sur la petite rue Mountsorrel, m’a jeté sur le cul.

La maison blanche centenaire est… à l’abandon. C’est sale, lourdement abimé, on y aperçoit de nombreux trous, du contreplaqué masquant sans doute les pires dégâts.

J’aurais pu me dire que c’est dommage, qu’on n’a pas les moyens de tout conserver et blabla…

Mais, voyez-vous, le plus choquant, c’est ce qui est officiel : la maison René-Lévesque a été reconnue comme monument historique national en 1995. Et comme si ce n’était pas assez, ce bien est devenu classé à l’entrée en vigueur de la Loi sur le patrimoine culturel en 2012.

J’en rajoute une couche : sur le terrain, une affiche indique que la maison fait l’objet d’un projet de mise en valeur de notre patrimoine.

HÉ HO!!! Vous attendez quoi?

Nous sommes en 2023. Ça fait presque 30 ans qu’on a reconnu le bâtiment pour sa valeur historique et plus de 10 ans qu’il est classé comme bien patrimonial. C’est quand, dites-moi, qu’on s’enlève les doigts du nez?

Pourtant, par exemple, à Rivière-du-Loup, la Maison John-A.-MacDonald est superbement entretenue, indépendamment du fait qu’on doit surtout à cet ancien premier ministre canadien le plus gros scandale de corruption, des insultes et du racisme parfaitement assumé. Ils ont eu le temps, me direz-vous, car il est mort il y a bien plus longtemps! Certes. Mais, Lévesque a encore une présence extrêmement forte dans notre imaginaire collectif. On vient tout juste de célébrer le centenaire de sa naissance. Et, surtout, on ne compte plus les politiciens qui s’en réclament encore fréquemment aujourd’hui (même sans avoir lu ce qu’il a déjà dit).

Bref, on l’aime encore, on l’admire encore et même ceux qui le détestent reconnaitront l’héritage qui est le sien. Lévesque est un incontournable de l’histoire du Québec. Et c’est ainsi qu’on le souligne, en dormant sur le dossier de la mise en valeur de sa maison natale?

C’est une (insérer ici le juron de votre de choix) de honte.

La maison natale de René Lévesque, à New Carlisle. (Crédit photo : David Lemelin)

  1. J’suis bien d’accord sur le fond. Au fait, on écrit « maison natale » et non pas « maison natal. »

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