Campagne électorale : le petit bilan hebdomadaire (IV)

Crédit photo : Sophie Williamson.

Pourquoi est-ce Gabriel Nadeau-Dubois qui a gagné le Face-à-Face hier ?

Nous avons eu l’occasion jeudi soir d’entendre plusieurs fois l’argument du « passé-date », de l’idée périmée héritée d’un temps révolu ou du projet rétrograde qui mériterait d’être jeté aux oubliettes.

Citons en exemple Éric Duhaime qui a été accusé par Dominique Anglade de vivre dans les années 1950 avec son projet de GNL Québec. La chef libérale a ajouté qu’elle vivait elle dans les années 2050 ; en avance sur son temps. Toutefois, elle a échoué à présenter la nécessité d’un renouveau libéral et à incarner la voie du changement.

Nous avons aussi pu entendre Gabriel Nadeau-Dubois asséner un « vous vivez dans le passé » bien senti à François Legault. C’est le propre de la jeunesse, ici de GND, d’avoir joué habilement cette fougue de la rupture et de la nouveauté. Il a été le seul à exprimer efficacement ce caractère libérateur de la politique.

Il a été le meilleur pour saisir l’importance du présent, non seulement en politique, mais dans la forme même du Face-à-Face. Il s’agit, à la manière d’une game de hockey, d’un combat où celui qui ressortira gagnant est celui qui aura marqué le plus de buts. Par contre, il est évident que le présent seul est insuffisant.

La répétition du même

La politique porte en elle un sens de la continuité et ne peut renoncer au passé. C’est ce dont ont témoigné les chefs hier en faisant abondamment référence à l’histoire politique du Québec.

Dominique Anglade s’est d’ailleurs fait rappeler à quelques reprises ses anciennes allégeances politiques à la CAQ. « Toute est dans toute », a lancé brillamment Gabriel Nadeau-Dubois à cet égard en assimilant Mme Anglade à M. Legault, montrant ainsi le sens de la continuité. Il a d’ailleurs souvent feint de confondre les deux, une stratégie délicieusement efficace pour transmettre un message en se passant de mots.

Effectivement, c’est plus souvent la persistance du « même » que les ruptures que l’électorat constate en politique, et c’est souvent aussi ce qui l’exaspère. Et GND le sait. Il a su identifier clairement et avec humour la répétition et la ressemblance des partis, tout en se positionnant énergiquement comme la possibilité réelle du changement ou de la « nouvelle ère ».

Il est même allé jusqu’à dire à propos de Legault que ses propos « devenaient gênants », comme s’il radotait des impertinences, déconnectées de la réalité.

Les lunettes de la modération

Le premier ministre a toutefois su miser sur ses forces : son caractère modéré et sa fierté modeste qui lui ont parfois donné droit à l’impatience. Il a exprimé hier cette « fierté de l’humble » qui comprend les difficultés récoltées du passé tout en reconnaissant son héritage et les valeurs québécoises.

On sent qu’il connait son peuple, qu’il sait que les jeux de langage du débat ne doivent pas trop fatiguer l’électeur moyen ni aviver trop fortement des passions révolutionnaires.

C’est pourquoi il semble qu’il ait pu se comparer sans gêne avec le Parti libéral d’avant, comme l’alternative au souverainisme. Cela a choqué Paul St-Pierre-Plamondon, mais à tort. François Legault incarne cette modération de celui qui a des projets futurs pour le Québec avec une conscience du passé, donc qui espère fièrement, mais jamais au-delà de ses moyens.

Le premier ministre a probablement gagné le Face-à-Face dans plusieurs foyers québécois.

Sympathique PSPP

De son côté, Paul St-Pierre-Plamondon revendique l’espoir d’un projet intemporel qui est selon lui encore possible. Il a semblé hier constamment honnête, cohérent et de bonne foi. Ses idées paraissaient sérieuses et rigoureuses. Toutefois, bien que ce sont des qualités chez un intellectuel, le jeu du Face-à-Face s’en accommode moins bien.

Pour une part des Québécois qui est probablement majoritaire, le pays du Québec est condamné à l’absence ou au fantasme. Les électeurs sont devenus plus difficiles à convaincre et il est peu probable que ce soit un message rigoureux d’espoir qui y arrive.

Hier a été ainsi une occasion manquée pour PSPP de se servir de la formule dramatique du Face-à-Face pour faire sentir l’urgence de se séparer du Canada. Il aurait peut-être fallu jouer cette carte passionnelle de la dernière chance pour rallier les mélancoliques de la souveraineté.

Reconnaissons tout de même que le chef du PQ a certainement su obtenir la sympathie et le respect de ceux qui aimeraient voir davantage de connivence et de sincérité en politique. Certains parleraient sûrement de « bienveillance », mot que les Québécois adorent, et on pourrait dire qu’ils ont raison.

C’est ce que PSPP essaie de leur dire : la malveillance politique est fédérale.

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