Nickel : rester alerte

Si vous pensiez que le combat contre la hausse de la norme de nickel dans l’air de Limoilou suit son cours, que ça devrait aller… moi, si j’étais vous, je resterais alerte et très inquiet.

Par David Lemelin

Il faut réaliser sans attendre que deux paradigmes s’opposent, que deux visions du monde (une du passé, une de l’avenir) s’affrontent. Le ministre de l’Industrie, Benoit Charette, euh, je veux dire, de « l’Environnement » n’est pas là pour soigner la nature et casser les pieds de ses collègues. Il sucre les pilules pour le gouvernement de la CAQ qu’on est censé avaler. Il essaie de rendre l’appétit pour le développement économique à l’ancienne acceptable… style. 

Oui, il y a des signaux encourageants. À commencer par ce message puissant des 18 directions régionales du Québec (incluant celle de la Capitale-Nationale) qui font front commun pour s’opposer à l’assouplissement de la norme. Ça, faut vous dire que c’est CONTRE l’avis de la direction nationale de la santé publique, nous a appris Radio-Canada.

C’est ti pas beau, ça?

Ces directions régionales demandent qu’on s’en tienne à la norme journalière actuelle. Pourquoi? Notamment, parce qu’on n’a pas de portrait précis, qu’il manque d’information à propos des risques sur la santé et que l’argumentaire économique est incomplet.

Dans ces conditions, on ne devrait pas bouger. En tout cas, ne pas empirer la situation, sans avoir des données qui pourraient justifier tout changement.

Mais, la CAQ aime ça avancer, sans chiffres, sans données, sans raison raisonnable. Le troisième lien est le plus exemple du monde à cet égard.

Pour le nickel, c’est pareil. Oh, elle s’appuie sur la direction nationale de santé publique, c’est vrai. Mais, certains ont l’impression que cette direction est surtout un sous-ministère du gouvernement et non pas une entité libre de ses actions et ses avis.

Le problème, c’est qu’avant de hausser la norme, encore faudrait-il respecter celle qui existe. Or, ce n’est pas le cas, comme nous l’apprenait le collègue François Bourque, dans Le Soleil : plus d’une centaine de dépassements et pas une seule sanction. Ça, c’est le bilan de l’activité portuaire sur la qualité de l’air dans le coin.

C’est pas la création d’un comité qui suffira ni l’installation d’une nouvelle station d’analyse. Ça prend des chiffres et des données probantes AVANT de penser à aller dans quelconque direction.

Voilà ce qu’il faut.

Et c’est ce que souhaitent les citoyens.

Des données crédibles sont d’autant nécessaires que la nouvelle norme de nickel proposée s’appuie sur des comparaisons invalides, nous a appris l’Association québécoise des médecins pour l’environnement (AQME).

Relisez ce bout de phrase, tranquillement. C’est terrible.

En science, la justesse des comparaisons est essentielle. Or, ce que l’AQME nous dit, c’est que l’air de Québec contient une composition de nickel totalement différente de celui qu’on trouve en Europe ou en Ontario, les deux exemples qui nous servent de « modèles » pour justifier une hausse de la norme.

Pour résumer : on compare de l’air qui ne contient pas la même quantité de composé cancérigène. Donc, les hypothèses soutenant la hausse sont invalides : on compare des pommes et des oranges. Par précaution, faudrait minimalement tâcher de s’appuyer sur des bases solides avant d’avancer… style.

L’unanimité du conseil municipal était nécessaire. On a perdu du temps à admettre l’évidence, mais au moins, on regarde en avant. Cependant, ça ne suffira pas. Le tempérament du maire ne rend certainement pas nerveux le ministre de l’Industrie… euh, de l’Environnement et encore moins le premier ministre. Vous n’imaginez bin pas qu’il tremble à l’idée que le maire s’oppose à lui…

Or, il faudrait absolument que la Ville de Québec ait les coudées plus franches pour veiller aux intérêts environnementaux et à la santé de sa population. Ce n’est pas le cas présentement et ça pourrait nous coûter très cher.

Alors, que faut-il faire?

Ce gouvernement bouge en fonction de deux choses : la chaleur populaire/médiatique et le calcul électoral.

C’est tout.

Sa route est déjà tracée (zones d’innovations, développement économique accru, etc.) et pour l’en faire dévier, ça prend de l’intensité calorique. Oui, on comprend la dynamique locale : la CAQ est populaire. Mais, peu importe où vous vous trouvez, la qualité de l’air devrait vous inquiéter.

Pourquoi hausser la norme, alors? Pour que l’industrie puisse présenter un bilan dans lequel elle confirme respecter l’environnement, parce qu’elle respecte les normes. Les nouvelles, pas les anciennes, qu’on dépasse allègrement.

Vous voyez?

On crée une norme que l’industrie pourra respecter. C’est fabuleux.

Oui, mais y’a un comité qui été mis sur pied pour… bla-bla, oui, oui. On parle du comité noyauté par l’industrie et qui omet les études désagréables, soulignait Mylène Moisan, dans Le Soleil.

Oui, oui.

Bref, on veut faire comme les autres, comme l’Union européenne, comme l’Ontario. Mais, pourquoi on veut copier pour que ce soit pire? Pourquoi pas pour le mieux?

Bin non.

On veut être mieux que ça. Et on vaut mieux que ça. Alors, c’est pas le temps de dormir. C’est le temps de se faire entendre…

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