Absurdités électorales : les élections de la cité Québec de 1857

L'ancien parlement du Canada-Uni à Québec dans le parc Montmorency.L'ancien parlement du Canada-Uni à Québec dans le parc Montmorency. Photo : Archives BAnQ.

À la fin du mois de décembre 1857, la ville de Québec est le théâtre de violentes confrontations électorales.

Par Julien Renaud-Belleville

Élections déclenchées le 28 novembre 1857, les électeurs de Québec devaient se rendre aux urnes pour désigner trois nouveaux députés pour représenter la cité à l’assemblée législative itinérante de la province du Canada. Rappelons que cette province est le résultat de la fusion du Bas et du Haut Canda en 1841 après les révoltes patriotes dans le but de mieux contrôler ces imprévisibles canadiens-français.

Suivant les différents récits des journaux de la ville, ainsi que les débats à l’assemblée législative, le déroulement de cette élection apparaît catastrophique. Lors du premier jour de vote, le 28 décembre, deux citoyens sont tués, des candidats aux élections sont intimidés et menacés, diverses émeutes sont répertoriées et l’armée est appelée renfort pour tenter de rétablir l’ordre. Ironiquement, Le Courrier du Canada appelait deux semaines avant le vote à « […] assurer à Québec, pour l’honneur et les intérêts de Québec, une élection paisible et loyalement faite […] » (Le Courrier du Canada, 14 décembre 1857).

La cité de Québec sous les projecteurs

Les premiers candidats déclarés sont ceux de l’aile conservatrice : le commissaire des Travaux publics, Charles-Joseph Alleyn, l’entrepreneur naval, Hippolyte Dubord, et le commerçant Honoré Simard. D’emblée, ces trois hommes ont l’appui de la presse conservatrice de Québec. Le 7 décembre, Le Courrier du Canada dit avoir confiance en l’intelligence des électeurs : « […] à comprendre ses intérêts pour douter un instant du succès de ces trois candidatures ». Le Canadien encense le candidat Alleyn en relayant son entrée triomphale dans la cité : « M. Alleyn n’eut pas plutôt mis le pied sur le quai que ses partisans s’emparèrent de lui et le plaçant sur une chaise le montèrent chez lui à la lueur de torches et en poussant des hourras formidables » (Le Canadien, 7 décembre 1857). Difficile d’imaginer un candidat recevoir un tel traitement aujourd’hui.

Les opposants aux conservateurs sont les rouges, c’est-à-dire de tendance libérale et anticléricale. La principale cible des journaux est l’avocat et promoteur de chemin de fer François Évanturel.  Le Courrier du Canada décrit les arguments de ce candidat comme des inconséquences et des futilités. De son côté, Le Canadien se désole de la présence d’une opposition au tandem conservateur, situation qui pourrait affaiblir l’influence politique de la ville.

L’officialisation des candidats se déroulent le 21 décembre à la Place d’Armes. Selon le Morning Chronicle, environ 3000 âmes sont rassemblées pour écouter les adresses de chacun des candidats. L’ordre aurait été respecté, à l’exception d’un rouge qui menaçait d’utiliser son lance-pierre (slungshot) et de quelques coups échangés dans la foule (Morning Chronicle, 22 décembre 1857). C’était en quelque sorte le calme avant la tempête.

Jours de vote

Le lendemain des jours de vote, les 28 et 29 décembre 1857, Le Courrier du Canada résume à sa façon les évènements qui ont marqué l’élection : « […] la sainteté du suffrage violée, la fraude pratiquée à tous les degrés, l’intimidation, la violence et le meurtre, défiant les lois et menaçant les existences et les propriétés ! ». Il faut dire qu’à cette époque, ces évènements ne sont pas surprenants puisque aucune loi protège réellement le bon déroulement des élections. Le financement des partis n’est pas réglementé, l’achat de votes est fréquent autant que l’embauche de « gros bras » pour perturber et intimider les électeurs. Pour démontrer le peu de sérieux du processus électoral, on retrouve sur une liste électoral de 1857, les éminents citoyens de Québec Judas Iscariote et Jules César!

Les polls (bureaux de vote) les plus problématiques ont été ceux des faubourgs St-Roch et St-Jean, bien que la majorité des quartiers ont enregistré des troubles. Au poll No.1 de St-Roch, des électeurs sont battus et le livre des votes est volé en après-midi et pour n’être retourné qu’en soirée avec 5000 votes en plus (Le Canadien, 20 avril 1860). Les rouges auraient eu le contrôle de ce poll plusieurs heures. Le poll du faubourg St-Jean est comparé à un champ de bataille par le Morning Chronicle. Les deux partis s’affrontent pour prendre le contrôle du poll, des coups de feu sont entendus, des coups de bâton et des pierres sont lancées. Lors de ces confrontations, Robert Newman et William Wallace sont tués (Morning Chronicle, 29 décembre 1857).

Malgré toutes ces violences et irrégularités, les trois candidats conservateurs sont déclarés vainqueurs.

Élections annulées

Le 12 mars 1858, à l’assemblée législative, les candidats défaits contestent les résultats de l’élection. Par l’entremise de leur avocat, ils dénoncent notamment que le nombre de votes est le double de « […] celui des personnes légalement qualifiées à voter […] ». Il faudra attendre 2 ans pour que le comité formé d’étudier la demande des candidats tire ses conclusions. En détaillant toute les exactions commises, le président du comité, W. F. Powell, déclare : « […] que ladite élection pour la cité de Québec est déclarée nulle et de nul effet » (Le Canadien, 20 avril 1860).

L’élection partielle pour combler les nouveaux postes vacants de la cité de Québec est tenue le 7 mai 1860. Les candidats conservateurs Alleyn et Simard retrouvent leur siège par acclamation, alors que l’opposant rouge, le notaire Pierre-Gabriel Huot, gagne son siège à l’assemblée.

Heureusement pour les citoyens de Québec, Jules César n’aura pas eu sa place au soleil !

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