Ping-pong zoologique

La serre indo-australienne se meurt. On est sur le point de la démolir, si ce n’est déjà commencé. Vous le saviez?

Par David Lemelin

Probablement pas, ou un peu, en raison des bulletins d’information qui ramènent le sujet, de temps en temps, pour donner la parole à ceux qui s’y opposent.

Ce n’est pas de votre faute si vous ne le saviez pas. Je suis assez vieux pour avoir visité le Jardin zoologique de Québec. Et j’ai vécu, depuis, sa mort lente, jusqu’à cette situation désolante où, quand on passe dans le secteur, mes enfants me demandent : « y’a vraiment eu un zoo, là? »

Oui, vraiment.

Alors, quel est l’intérêt de la serre indo-australienne, inactive depuis 2006, que personne ne connait ou presque?

Un peu de contexte, d’abord : le bâtiment a été construit en 2002 au coût de 14 millions $. Quatre ans plus tard, on fermait tout ça, incluant le Jardin zoologique au grand complet. Pourtant, on reconnait la valeur de la serre, la qualité de ses installations et son immense potentiel éducatif. Ce serait le plus beau jardin intérieur tropical de la capitale, un genre d’installation qui existe ailleurs, dans plusieurs grandes villes canadiennes.

Aujourd’hui, le propriétaire, c’est le Centre de services scolaire des Premières-Seigneuries, ce qu’on appelait jadis la commission scolaire. Et le proprio est clair : il n’a pas l’intention de suspendre le processus de démolition. On dit que ce n’est pas « faute d’avoir essayé », mais c’est qu’aucun projet viable n’aurait été présenté.

Vraiment?

Pourtant, on a parlé d’un parc éducatif avec la serre comme élément central, en exploitant le merveilleux potentiel du secteur, avec ses sentiers, la nature et tout le reste. C’est épatant, quand on y pense.

« Aucun ne répondait aux critères en matière de développement durable ou d’entrepreneuriat », répond la commission scolaire… euh, le Centre de services scolaire qui préfère consacrer ses ressources à la construction de deux écoles sur le site. Pour revitaliser la serre, ça prendrait 1,2 million $ qu’on devrait « retirer » de ce qu’on consacre aux élèves, sans compter les frais annuels d’entretien.

Vraiment?

Bien sûr, tout ne repose pas sur la commission scol… euh, le Centre de services qui n’est propriétaire des terrains que depuis peu (pour pouvoir réaliser la construction d’une école). Pendant des années, ce sont les autres propriétaires (gouvernementaux) qui ont laissé pourrir le dossier.

À présent, certains scénarios évoquent des sommes de 5 ou 6 millions $ pour mettre sur pied un projet convenable, alors que la démolition coûterait 500 000 $ (d’autres ont parlé de 3 millions). On a suggéré de créer une Société du parc des Moulins pour entretenir et animer le site. On a même parlé de coopérative d’habitations dans tout ça, pour revitaliser les lieux comme il se doit.

« C’est incroyable qu’une ville qui se pense importante comme Québec n’ait pas de serre publique », rétorque Larry Hodgson, l’expert en horticulture bien connu.

Alors, qu’est-ce que ça prend pour qu’on sauve la serre, dites-vous?

De la volonté politique. C’est tout.

Investir pour en faire un lieu éducatif, c’est un choix qui n’a rien à voir avec la rentabilité à la commerciale. C’est un choix de société. Le gouvernement du Québec, qui aime réfléchir au soutien de projets sans mérite comme la construction d’un Stade de baseball à Montréal ou la réalisation d’un tunnel contre-productif à Québec, devrait choisir l’éducation, privilégier l’accès de sites à la population, à tout le monde, sans exception.

Pour l’instant, le gouvernement du Québec renvoie la balle, dans ce jeu de ping-pong classique en politique, à la commi… au Centre de services scolaire, prétextant que c’est dans sa cour. Je ne suis pas d’accord. Des projets qui peuvent servir la collectivité doivent être soutenus par les acteurs politiques responsables en mesure de s’en charger. Ça, c’est le gouvernement du Québec et la Ville de Québec. Cette dernière peut au moins exiger un moratoire sur la démolition, question de se donner le temps de planifier un sauvetage cohérent et viable.

Il est minuit moins une. Pas moins une minute, mais moins une seconde, genre. Ça presse. La démolition doit être complétée d’ici la fin décembre.

Ça prend un moratoire, maintenant. Là. Go! Go! On se bouge!

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