Les rayons sans le soleil (1) : Le Tour de Saint-Rodrigue

Le candidat Charles PagéCharles Pagé, candidat de Québec Forte et Fière dans le district de Saint-Rodrigue. Photo : Gabriel Côté

Les amateurs de vélo se souviennent bien du Tour de France de 1995, tristement célèbre en raison d’une chute qui avait coûté la vie à Fabio Casartelli, « le numéro 114 ». 

Il était tombé en même temps que quatre ou cinq autres coureurs, dans la descente de Portet d’Aspet – la première de la journée. Une longue courbe, douce au début, mais qui ne se termine jamais et qui tourne à l’infini. Les cinq cyclistes l’ont mal évalué, ils ont glissé peu à peu vers l’extérieur, à une vitesse de 85 km/h, puis ils ont chuté. 

C’est Casartelli qui est tombé en premier. Il a heurté un bloc de ciment, puis il a été projeté dans les airs avant de retomber la face la première sur la route. Il ne portait pas de casque – ça n’aurait fait aucune différence de toute façon – et il a subi un violent enfoncement facial. Il avait 24 ans. 

On se souvient aussi du Tour de 1995 pour une autre raison : le mauvais temps. Plusieurs étapes avaient été disputées sous la pluie, devant moins de spectateurs qu’à l’habitude. Le 2 juillet de cette année-là, il avait plu très fort pendant toute celle qui se déroulait à Lannion, sauf à l’arrivée des coureurs. Un autre Fabio – Fabio Baldato de l’équipe MG Maglificio-Technogym – l’avait emporté au sprint, devant Laurent Jalabert, un des favoris de la petite foule rassemblée ce jour-là. 

Inévitablement, vous allez voir, j’ai repensé à ce Tour de 1995 cette semaine. 

Le Tour de Saint-Rodrigue

Lundi matin, j’avais rendez-vous avec Charles Pagé, le candidat de Québec Forte et Fière dans Saint-Rodrigue. Nous avions convenu que nous allions faire le tour de son district, en discutant un peu de sa manière de voir les choses.  

Le ciel était gris, il faisait froid mais pas vraiment, la fille à la radio disait qu’il allait pleuvoir, je ne savais pas trop de quelle façon allait se dérouler mon avant-midi. 

Je me posais des questions d’une profondeur abyssale. 

« Est-ce que je mets mon kit de vélo ? Non, c’est ridicule, c’est une promenade pour le travail. Alors, des jeans, un t-shirt et un coupe-vent. M. Pagé, de toute façon, il va sûrement être habillé en bon candidat, pantalon long et tout. Ce serait gênant d’arriver là en cuissard… » 

Quand je suis arrivé à notre point de rendez-vous, devant l’église Saint-Rodrigue, je vais vous dire une chose que j’ai remarquée tout de suite, Charles Pagé, il était habillé pour faire du vélo. Nous avions prévu de faire le tour de son district, et de discuter de sa manière de voir les choses.

Les pistes cyclables

Après avoir échangé les politesses d’usage, nous sommes partis en direction du boulevard du Loiret, où la Ville est en train de prolonger une piste cyclable. C’est une très joli piste, qui monte un peu au début mais qui est très agréable « à rouler », si on peut dire ça. 

« À terme, ça va monter jusqu’à Louis XIV, m’explique Charles Pagé. Les pistes cyclables dans le district sont à mon avis en très bon état, et je trouve que le réseau cyclable de Québec s’améliore d’année en année. Sauf que dans Charlesbourg, on trouve surtout des liens nord-sud, et très peu de voies cyclables est-ouest. C’est bien pour ceux qui par exemple veulent partir de Charlesbourg pour aller travailler en ville, mais c’est ordinaire pour les familles qui veulent se promener dans le district. Il y a du monde qui ne veut pas rouler dans le chemin, même sur des plus petites rues, et je les comprends. Il y aurait quelque chose à faire de ce côté. »

Pendant qu’on montait sur le boulevard du Loiret, il s’est mis à pleuvoir – j’ai tout de suite pensé : « Lannion, 1995 ». M. Pagé me parlait encore, mais vous savez comment c’est quand on pédale. Même en pleine conversation, l’attention est floue, les idées s’enchainent sans ordre dans ce flottement qui est selon moi l’une des quelques rares vraies raisons de vivre. En tout cas.

Les jeux et les écoles

En haut, les machines dont la mission est de prolonger la piste nous ont arrêté au niveau d’un parc – le parc Terrasse-Bon-Air. J’ai commenté les jeux pour les enfants, qui me semblaient en bon état. Il y en avait beaucoup, pour tous les âges.

« Ah! » s’est exclamé M. Pagé. « Quand je travaillais aux Loisirs à la Ville, on s’en faisait souvent parler. Partout, on nous demande de refaire les jeux, car tout le monde a vu un plus beau parc, avec de plus belles installations ailleurs. Je dois dire qu’à Charlesbourg, on est privilégié de ce côté. La plupart des installations de jeux ont été refaites récemment. »

« Mais il faut dire que dans les parcs qui se trouvent derrière les écoles, c’est parfois plus compliqué. Car la Ville a des ententes avec les centres de services scolaire quant à l’utilisation des espaces qui sont sous sa juridiction. Et la relation est parfois difficile, parce qu’il y a des irritants de part et d’autre. La direction d’une école qui rend des locaux disponibles à la ville pour des activités la fin de semaine peut se montrer insatisfaite de l’état dans lequel ceux-ci se trouvent le lundi matin ; à l’inverse, la ville se bute parfois à des directions d’école qui ne leur permettent pas d’utiliser les locaux à leur guise. Et il y a que tout ça est régi par des ‘’ententes scolaire-municipale’’. Mais ces ententes datent parfois d’il y a longtemps. Par exemple, ici à Charlesbourg, certaines ententes sont entre la Ville et la commission scolaire Des Ilets, qui existait avant la commission scolaire des premières seigneuries, c’est pour dire. Selon moi, il serait important, voire prioritaire, de remettre ces ententes au goût du jour, et de faire en sorte que la Ville et les écoles aient de meilleurs rapports. »   

Une question existentielle

Après une brève incursion dans le district, – M. Pagé tenait à me montrer le parc de L’Oise, où l’on a par ailleurs une très belle vue sur la ville – nous avons discuté du travail des élus de l’administration actuelle dans Charlesbourg. M. Pagé vantait leur travail avec tant de sincérité que j’en ai été tout surpris. Je n’avais pas l’impression de me trouver avec un politicien, qui loue les mérites de ses adversaires pour être bon joueur, mais avec un homme qui livre honnêtement ses sentiments sur des personnes qu’il a côtoyées pendant de nombreuses années, – rappelons au lecteur que Charles Pagé était jusqu’à tout récemment gestionnaire à la Ville de Québec.

Sous la pluie, devant un nombre incalculable de maisons unifamiliales, nous avons mis un pied au sol. J’ai retiré mon casque, car une question sérieuse me chicotait.  

–    Vous avez beaucoup de bons mots pour vos prédécesseurs. Pourquoi est-ce que vous ne vous êtes pas présenté avec Marie-Josée Savard, qui est dans leur gang ?

– C’est simplement parce que je trouve que très souvent, ils ont fait du bon travail, dans des conditions qui n’étaient pas toujours faciles. Ça ne signifie pas que j’étais d’accord avec eux – on peut très bien voir de la valeur chez ce que du monde qui ne pense pas comme nous fait.

– Mais il est où, le désaccord ?

– Je dirais que c’est dans la manière de faire les choses. Équipe Labeaume, ce n’est un secret pour personne, c’était un one-man show. Ce n’est pas pour rien que bien des gens ont le sentiment de ne pas avoir été écouté ou consulté, pour une affaire ou pour une autre. Avec M. Labeaume, il arrivait bien souvent que les fonctionnaires de la ville n’étaient pas écoutés, et que des décisions étaient prises pour des raisons politiques qui allaient dans un autre sens que ce qui était recommandé par l’administration. C’est peut-être parce que j’étais moi-même un fonctionnaire que je dis ça, mais il me semble que les employés de la ville, on les paye pour une raison. Quand t’as fait des études dans un domaine, puis qu’après ça t’as travaillé 10, 15, 20 ans là-dedans, il faut que ton opinion soit valorisée. Je crois fermement qu’il y a un gros travail à faire sur ce plan, et Bruno Marchand m’a donné l’impression qu’il était l’homme pour le faire. 

Maria-Goretti

Nous avons repris notre chemin, et nous avons roulé jusqu’au parc Maria-Goretti. Là, il y avait d’étranges petites butes en gazon et en gravier. Je les lorgnais sans doute avec incompréhension, car Charles Pagé a pris les devant pour m’expliquer qu’il s’agissait de l’un des premiers pumptrack à avoir été installé dans la ville de Québec. 

« À une époque, il y avait des trippeux à la Ville, et on en avait fait plusieurs. Mais ces gens-là sont partis, et puis on a peu à peu négligés nos pumptrack. Une dame du quartier me disait que ses enfants s’amusaient beaucoup là-dedans pendant deux-trois ans. Mais maintenant, ils vont ailleurs. Ce serait bien de les entretenir comme il faut. »

À quelques mètres seulement de là, un gros immeuble à condo jure un peu dans le décor. Devant, il y a un gros terrain vague et inégal, où se trouvait autrefois une église. Le projet du promoteur qui doit construire sur ce terrain est actuellement bloqué, puisque le promoteur en question n’est pas en mesure de s’entendre avec la Ville.

« Ce sera ma patate chaude si je suis élu », glisse Charles Pagé. « Ce que je voudrais, c’est de faire en sorte d’ouvrir le dialogue pour de vrai entre les citoyens et le promoteur. Car ce dialogue n’a pas eu lieu. Le promoteur a un projet qui ne fait pas du tout l’affaire des citoyens – et je peux comprendre. L’église, même si peu de gens la fréquentait, avait une valeur sentimentale pour plusieurs. C’est là que plusieurs se sont mariés, c’est là qu’ont eu lieu des baptêmes et des funérailles, ça veut dire quelque chose ça dans la vie du monde. Mais d’un autre côté, le promoteur, je le comprends aussi. Il a acheté le terrain pour faire quelque chose dessus. Alors il faut convaincre les citoyens de ne pas rester uniquement dans une dynamique d’opposition, et de se mettre à l’écoute de ce que propose le promoteur. À l’inverse, le promoteur doit comprendre qu’il faut qu’il fasse quelque chose pour la communauté, et donc qu’il écoute ce que les gens ont à lui dire. »

Un rayon de soleil – La pluie avait cessé et nous redescendions vers le sud, en direction de Limoilou. Les rues étaient à peu près désertes et nous roulions à une cadence acceptable, en parlant un peu de vélo, un peu de politique, et un peu aussi d’autre chose. Saviez-vous que Charles Pagé n’aime pas entretenir son terrain, tondre le gazon et tout ? Moi, oui. 

Nous sommes passés par le parc Henri-Casault et le très beau terrain de baseball synthétique dont la construction est maintenant terminée. Charles Pagé m’a montré le seul jardin collectif de son district. « J’aimerais qu’il y en ait d’autres », me dit-il, en remarquant au passage que la population au sud du district est moins favorisée qu’au nord. 

« Et on a seulement deux bibliothèques à Charlesbourg. Il n’y en a même pas dans le coin. C’est un besoin criant dans le secteur, et ça fait partie de mes engagements. »        

Juste au moment où l’on se quittait peu après, un rayon de soleil a percé. Inévitablement encore, j’ai pensé au sprint de Lannion. Plutôt que d’aller directement au bureau après l’entrevue, je suis retourné chez moi regarder les faits saillants de cette étape, sur le site youtube, que vous connaissez peut-être.  

G.C.


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