Raison contre émotion

David LemelinDavid Lemelin (Photo : Archives Carrefour de Québec)

Oui, je sais. Dans le cœur de plusieurs, le troisième lien est un beau rêve. Ce serait tellement extraordinaire si ça fonctionnait tel qu’annoncé!

Quel bonheur ce serait! 

Sauf qu’on vit dans la réalité. La pratique, s’en fiche un peu de nos fantasmes éveillés. Et c’est ce qui se passe avec l’enjeu du troisième lien dans les campagnes électorales tant fédérale que municipale (et provinciale, par la bande). 

Le tunnel Québec-Lévis est, de fait, un enjeu « national » car le sort des Conservateurs dépend en partie du résultat dans la grande région de Québec. Au municipal, quelques partis font le calcul qu’ils ne peuvent se payer le luxe de bouder le troisième lien pour espérer prendre le pouvoir.

Alors, on s’assoit sur la raison pour jouer avec les sentiments des gens. On connait : souvenez-vous du chantage émotif que Labeaume faisait avec les Nordiques! Moi aussi, je rêve du retour de nos favoris. Mais, j’essaie, chaque fois, de laisser ma raison dominer mes émotions. Et comme de nombreux analystes, je voyais bien que ça n’arriverait pas.

Le troisième lien, c’est la même chose. On sait. On sait parfaitement, grâce à l’expérience, à la science, au savoir urbanistique, à la pratique que le tunnel ne fera qu’augmenter la congestion très peu de temps après son inauguration. On le sait. Ça va foirer, ce projet. 

Pourtant, on vous fait rêver. On joue avec vos sentiments. Bien sûr, c’est plus attrayant de voyager à l’aise dans son auto. J’aime circuler en auto. C’est encore plus agréable de se faire dire que nos habitudes ne changeront pas. Et c’est le jack pot si on vous dit que les bouchons de circulation qui embarrassent de plus en plus nos routes vont diminuer en intensité si on se paye un tunnel.

C’est extrêmement séduisant.

Mais, c’est faux. C’est mensonger.

Ça me déçoit énormément que des candidats et politiciens acceptent de jouer ce jeu. En dépit de l’urgence climatique, au mépris du savoir dont nous disposons qui devrait nous apporter sagesse et cohérence dans l’aménagement de nos villes, certains préfèrent jouer avec nous, avec nos villes et notre planète. Le pouvoir est un séducteur trop puissant.

Alors, ils osent vous faire croire que ça va marcher, parce qu’ils savent que vous ne sentirez pas comme tels les 10 ou 15 milliards $ qu’on va y engloutir. Sur votre impôt annuel, ils seront imperceptiblement mêlés à tout le reste de ce qui est prélevé et taxé.

Et vous le sentirez, mais sans vraiment le savoir, avec tous les projets qui seront abandonnés ou repoussés, des projets plus urgents et importants (écoles, hôpitaux, environnement, besoins municipaux, etc.), mais qui ne font pas le poids devant l’attrait du pouvoir. 

En somme, il faut se faire une raison : l’émotion est encore trop payante en politique. Et qu’on ait à en payer le prix collectivement plus tard n’a aucune importance.

La réalpolitik est prête à vendre du rêve, si ça peut donner le pouvoir…

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