Où sont les parents disparus?

Sièges de balançoiresCrédit Photo : iStock

Vous savez, le sentiment qui nous vient quand des amis proches nous annoncent qu’ils auront sous peu des enfants…

Par Georges-Albert Beaudry

On est un peu content, un peu embêté parce qu’on sent bien que la joie qu’on exprime dépasse de beaucoup celle qu’on ressent en réalité, et aussi un peu emmerdé parce qu’on sait bien que bientôt, on ne verra plus jamais nos amis.

Et le pire c’est que la rupture se fait le plus lentement du monde. À mesure que la naissance approche, la séparation se fait peu à peu, et tout le monde continue de se mentir. « Oui, oui, on va rester amis. Oui, oui, c’est merveilleux, je suis tellement content pour vous. Dites, je serai le parrain? Ah, bon. Je comprends. Non, non, c’est correct, je niaisais de toute façon. »

Pendant les premiers mois de la grossesse, pas de problème. Puis vient le « shower de bébé » – j’en ai déjà malheureusement subi plusieurs, et je ne comprends toujours pas l’idée – et finalement les derniers jours précédant l’heureux évènement, où le couple disparait « pour aller former son cocon », comme le dirait une infirmière en charge des cours prénataux.

Il arrive que plusieurs années plus tard, le couple – que dis-je ? – la famille ressurgisse complètement transformée. Monsieur a pris du ventre et s’est laissé pousser une moustache, madame s’est teint les cheveux, l’enfant grandit – je dis là des choses connues.

Où étaient-ils passé tout ce temps ?

Vous ne me croirez pas, mais je l’ai découvert récemment, en marchant au parc Cartier-Brébeuf. Là, j’ai surpris les complaintes de plusieurs parents qui trouvaient du réconfort dans le partage d’un malheur commun.

– Vous savez pas quoi ? Marie-Pierre et Philippe ont été rappelés par un CPE, dit une mère.

– Ben non ! Les maudits chanceux. Pourtant leur fille est plus jeune que la mienne, répondit une autre.

– Oui, mais Philippe est infirmier, alors il est prioritaire à certains endroits, de dire la première.

– Je savais que j’aurais dû étudier pour devenir infirmier. En plus, il y a plein de filles dans le programme, ma vie aurait peut-être été bien différente, glissa avec un sourire qu’on connait le conjoint de la seconde.

– Niaiseux, souffla celle-ci, en faisant mine de rire devant les autres parents.

– Célia, enlève les copeaux de bois de dans ta bouche ! Pour revenir à Marie-Pierre et Philippe, le plus fâchant c’est qu’ils ont été sur la place 0-5 pendant genre 1 mois. Ils se sont inscrits après la naissance de leur fille, et ils ont quand même été rappelés avant nous, reprit la première.

– Hos*** de place 0-5. Combien de temps est-ce qu’on va niaiser là-dessus ? – s’énerva son mari.  

Au loin, des parents arrivaient avec une petite fille. Tout le monde était souriant, d’un sourire que je dirais ostentatoire.

– Hé ! C’est Marie-Pierre et Philippe. Comment va la petite coquine de Léa ? – demande poliment la blonde du pervers qui aurait voulu étudier avec les infirmières.  

– Bien. La nouvelle garderie est vraiment super, lance Philippe avec la confiance naïve de celui qui croit que les autres se réjouissent de son bonheur.  

– Le CPE ?

– Oui !

– Ah ! On est tellement content pour vous autres, on était justement en train de se le dire, s’exclama d’un ton qui se voulait sincère.    

– Oui, félicitations, ajouta quelqu’un d’autre.

– Vraiment, on n’y est pour rien. C’est sûr que le travail de Philippe a aidé pas mal. Vous, toujours sur la place 0-5 ? – s’enquit Marie-Pierre.

En regardant l’un des pères n’ayant pas gagné à la loterie des CPE, j’ai cru que la « petite coquine de Léa » allait perdre sa maman. Elle ne le sait pas, mais elle vit dangereusement.

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