L’humour conservatrice

David LemelinDavid Lemelin (Photo : Archives Carrefour de Québec)

Le candidat conservateur Alupa Clarke ne manque pas d’humour. En tout cas, ça m’a fait rire. 

Il a déclaré que le troisième lien est « porteur pour le prochain siècle » et c’est pourquoi « il faut être audacieux et oser ». Et comme punch line final, il ajoute : « Il faut agir maintenant pour sécuriser le futur, on ne sera pas riche en ne faisant rien ». 

Gilles et Denise, dans Samedi de rire, ne faisaient pas mieux. « Pou-poum-tsi! »

Pour rappel, afin de détricoter son gag, il faut savoir que la plus récente enquête origine-destination révèle que c’est à peine 20 000 véhicules qui traversent de la Rive-Sud vers Québec en heure de pointe le matin et que 76 % de ceux-ci proviennent de l’ouest de Lévis. Ajoutons que 9 000 véhicules en provenance de la Rive-Sud se rendent à l’est de l’autoroute Robert-Bourassa, ce qui représente moins de 3 % du trafic de la grande région métropolitaine de Québec. 

En somme, la demande réelle pour le troisième lien est faible. La demande politique, elle, fait pression comme s’ils étaient 6 400 000, mais ce n’est pas le cas.

On ne gaspille pas 10 milliards $ (minimum) pour une solution qui n’aura pas les effets escomptés. Quand on fait semblant d’être préoccupés par les finances publiques, on ne soutient pas pareil projet.

En réalité, cette idée est incompatible avec la science, avec les bonnes pratiques en aménagement du territoire et avec la protection de l’environnement. Or, le troisième lien est de fait un projet d’étalement urbain qui créera de la congestion et haussera la pollution et le réchauffement. Car, en le construisant, l’effet direct sera le suivant : de nombreuses personnes qui travaillent au centre-ville de Québec vont se construire une nouvelle maison sur un terrain moins cher à l’est de Lévis. Il y aura rapidement une forte pression sur les terres agricoles. Puis, on ne pourra plus arrêter le train en marche…

Pire encore, avec le troisième lien, on créera de l’offre pour la voiture. Le trafic induit est un phénomène connu et documenté : on offre des routes, les voitures viennent. Ainsi, dans 2 ou 3 ans, on aura des bouchons de circulation encore pires qu’avant, alors que c’est ce qu’on cherchait à éviter. Il y a mieux à faire pour y arriver.

Ce n’est pas de l’idéologie. C’est la science et la pratique qui parlent. Je ne fais que le rapporter.

C’est pourquoi le troisième lien n’est absolument pas « porteur ». Choisir l’asphalte en 2021, ce n’est pas « oser » et « sécuriser le futur ». C’est exactement le contraire de l’audace : on fait comme on faisait avant, sans réfléchir. Oser, c’est travailler à transformer, tranquillement, les façons de se déplacer. Pas contre ceux qui tiennent à la voiture, mais pour ceux qui n’attendent que ça et ils sont très nombreux.

Ça fait un bon gag sur le coup, quand on lit ces commentaires, mais quand c’est dit sérieusement, ça ne fait plus rire du tout. 

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